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Reportage. « Sans eux, ça va bien fonctionner ! »

Reportage. « Sans eux, ça va bien fonctionner ! »

À Alger, les manifestants du 16e vendredi du hirak, ce 7 juin 2019, ont qualifié le discours télévisé du chef d’État par intérim Abdelkader Bensalah, prononcé hier soir, de provocateur.

« Mais qu’est-ce qu’il veut exactement ? On lui demande de partir, il reste », dénonce Halim, enseignant, venu manifester rue Didouche Mourad, au centre d’Alger. « Le plus grave est que Bensalah ne fixe même pas de date pour de nouvelles élections. C’est qu’il veut garder son poste autant qu’il voudra. Il peut même rester des années », reprend une manifestante.

Salah considère le discours de dix minutes de Bensalah « vide ». « Alors que les Algériens s’attendaient à une éclaircie d’espoir, à ce que Bensalah annonce une nouvelle qui rassure, surtout que les gens sont disposés au dialogue, voilà qu’il ferme les portes avec un discours sans fond », proteste-t-il.

Pour lui, le discours de Bensalah annonçant la prolongation de son mandat provisoire attise la colère des Algériens. « Les Algériens continueront de sortir par centaines de milliers, comme ce vendredi à Alger. Le pouvoir ne semble pas avoir compris le message de la rue. Il ne veut pas de Bensalah ! », reprend Salah, rejoint par un groupe de manifestants. Une dame, venue de Blida, s’interroge sur le dialogue évoqué par le chef de l’État par intérim : « Dialoguer avec qui ? Comment ? Et dans quel cadre ? » « Il ne le précise pas », constate-t-elle.

« Pourrissement »

Mohamed accuse le pouvoir de vouloir aller vers « le pourrissement ». « Sinon, comment comprendre le discours de Bensalah de jeudi. Il parle à qui et avec qui ? Il est malade, on l’a vu. Depuis le 22 février, on continue de manifester, nous avons abandonné nos familles, notre repos, pour que les choses changent dans le pays. N’a-t-il pas vu la feuille de route du peuple ? Elle est pourtant claire. Tout le monde la connait. Nous voulons voir de nouvelles têtes gérer le pays. Des compétences algériennes sont honorés dans les universités du monde, qu’on les sollicite », crie-t-il sans cacher son mécontentement.

Selon lui, les symboles du régime, impliqués dans les affaires de corruption, doivent tous partir. « Nous leur disons de partir, Yetnahaw Gâa. Qu’ils partent, tous. Sans eux, ça va bien fonctionner, mieux, ça va très très bien fonctionner ! », réplique Ali, un habitué des marches du vendredi. « Je vais continuer de marcher, sans me fatiguer, les paroles de Bensalah ne m’atteignent pas », rassure-t-il avant de s’engager dans la rue Hassiba Benbouali.

À proximité du vendeur de roses, à la Place Audin, un groupe de manifestants, drapeaux en main, se constitue. Rapidement, un débat politique s’installe. « Nous sommes en colère, très en colère même. Cela fait plus de trois mois que nous demandons le départ de Bensalah et de Bedoui, et lui, trouve le moyen de nous narguer et de nous dire qu’il prolonge son mandat à l’infini, comme ça sans aucune inquiétude, ni égard pour les Algériens », proteste Hamza, venu de Boumerdes.

« Comment organiser un scrutin avec les walis nommés par Bouteflika ? »

Un jeune de Skikda venu manifester à Alger dit avoir abandonné un projet de harga. « J’allais partir cet été, mais j’ai décidé de rester dans mon pays. J’ai de l’espoir que les choses changent en bien. Les Algériens sont capables de se prendre en charge, de gérer leur pays convenablement. Que Bensalah parle ou pas, ça ne m’intéresse pas, il finira par dégager », dit-il d’un ton convaincu.

À la rue Didouche Mourad, une immense banderole écrite en arabe interpelle Bensalah : « Savez-vous que prolonger le mandat d’un chef d’État provisoire est anticonstitutionnel ? ». Un homme lit avec attention la banderole et lance, sans protocole : « Bensalah est zâama le président du Conseil constitutionnel. Il nous parle d’élection présidentielle. Mais, comment organiser un scrutin avec les walis nommés par Bouteflika ? A-t-il une réponse à nous fournir ? Qui a nommé le gouvernement de Bedoui ? C’est Said Bouteflika qui, aujourd’hui, est en prison. Avez-vous compris quelque chose ? ».

Un autre manifestant dit préférer « le vide constitutionnel », au maintien du duo Bensalah-Bedoui au pouvoir. « Qu’ils quittent le pouvoir et nous laissent gérer les choses. Ce qui est sûr et ce qui est incontestable, les Algériens ne feront jamais, jamais de mal à leur pays », lance-t-il.

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