À moins de deux mois de l’élection présidentielle du 12 décembre, les mesures d’apaisement exigées par la rue et l’opposition ne viennent toujours pas.
Au moins 94 personnes arrêtées en relation avec le hirak populaire sont maintenues en détention, dont certaines depuis le 21 juin, selon le dernier décompte du Comité national pour la libération des détenus (CNLD), établi dimanche 13 octobre. Ce décompte n’est pas exhaustif.
S’il est vrai que la majorité des manifestants arrêtés ces trois derniers vendredis sont aussitôt relâchés, il n’en demeure pas moins que les juridictions continuent à procéder à des incarcérations, notamment parmi les militants les plus actifs.
Au moins sept personnes ont été arrêtées et placées en détention depuis le week-end dernier. Abdelouahab Fersaoui, président de RAJ, une association très présente dans le hirak, a été arrêté jeudi 10 octobre, la veille du trente-quatrième vendredi, devant le tribunal de Sidi M’hamed lors d’un rassemblement de soutien aux détenus d’opinion. Il a été mis sous mandat de dépôt le lendemain « en catimini », selon le CNLD.
Nabil Alloun, arrêté vendredi matin à la grande poste d’Alger, a été placé sous mandat de dépôt à la prison d’El Harrach dimanche 13 octobre. Alloun a également été présenté à la justice sans que sa famille ni ses avocats n’en soient informés.
« Les 15 autres manifestants (arrêtés jeudi soir et vendredi matin à Alger, ndlr) ont été tous relâchés par la police, alors que le procureur du tribunal a annoncé le mandat de dépôt contre Nabil Alloun cet après-midi et en catimini. Aucun avocat, ni sa famille n’ont été informés et c’est son frère qui a pris contact avec le CNLD depuis hier matin qui s’est déplacé aujourd’hui au tribunal pour chercher l’information. Ce n’est que cet après-midi qu’il a confirmé le mandat de dépôt de son frère Nabil accusé d’incitation à attroupement et atteinte à la sécurité d’État », indique le CNLD.
Le même jour, le procureur du tribunal de Mostaganem a prononcé la même mesure à l’encontre du militant Brahim Daouadji, arrêté la veille alors qu’il participait à une action de protestation contre la visite d’un ministre.
Encore un journaliste incarcéré
Le cas de Brahim Daouadji a ému l’opinion puisque lorsqu’il a été interpellé, il avait avec lui son fils âgé seulement trois ans. Celui-ci a « passé huit heures au commissariat de la ville de Mostaganem et sans manger à la suite de l’arrestation violente de son père à laquelle il a assisté », dénonce le Comité.
On parle aussi de la condamnation, dimanche, à 18 mois de prison ferme des manifestants qui ont arraché l’enseigne de l’Autorité électorale lors de la marche de vendredi à Oran. L’information n’a pu néanmoins être confirmée par aucun avocat.
Newfel Chekaoui, coordinateur national pour la défense des droits des chômeurs, a été placé sous contrôle judiciaire par le tribunal d’Ain El Beida (Oum El Bouaghi), dimanche. « L’activiste Newfel Chekaoui est accusé d’atteinte à l’unité nationale pour ses publications sur Facebook au début de l’année où il avait affiché son rejet du 5ème mandat de Bouteflika », précise le CNLD.
À El Oued, c’est un journaliste de la radio locale qui a été mis en prison ce lundi 14 octobre. Azeb El Cheikh a été placé en détention à la suite de la publication de vidéos sur les réseaux sociaux du responsable de la direction locale de l’emploi sans l’aval de ce dernier, rapporte le site internet du quotidien El Khabar.
Le journaliste a partagé une vidéo d’une manifestation de chômeurs devant le siège de la direction de l’emploi. Le juge d’instruction avait placé sous mandat de dépôt trois chômeurs et activistes du hirak qui ont pris part à la manifestation.
Toujours ce lundi, six détenus ont vu leur mandat de dépôt renouvelé pour une durée de quatre mois. Parmi eux figurent Bilal Bacha et Messaoud Leftissi placés en mandat de dépôt depuis le 23 juin.
Leur avocate, Fetta Sadat, a dit ne plus se faire d’illusion quant à la décision qui sera prise concernant le reste des détenus et pointé du doigt l’ « exception » du tribunal d’Alger dans le traitement des affaires liées principalement aux détenus pour port de l’emblème amazigh, puisque d’autres tribunaux qui ont eu à traiter de ce genre d’affaires ont prononcé la relaxe pour les détenus.