Retour à la case départ au Sahel. Deux mois à peine après le coup d’État au Niger, c’est toute la région qui replonge dans la violence.
Au Mali, dirigé lui aussi par des militaires qui ont pris le pouvoir par un putsch en 2020, les groupes djihadistes et les séparatistes Touaregs ont repris l’action armée dans le Nord, multipliant les attaques contre les campements de l’armée.
Les villes de Gao et de Tombouctou risquent de tomber une nouvelle fois, comme en 2012. Un groupe terroriste a déjà revendiqué la prise de la petite bourgade de Bourem, située entre les deux villes du nord du pays.
«Le Sahel risque de s’effondrer sur lui-même», estime le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, dont le pays est sur le point de retirer ses militaires du Niger après l’avoir fait au Mali en 2022.
“Le Mali est au bord de la partition, et le Niger poursuivra malheureusement la même direction”, a déploré le ministre français dans un entretien publié vendredi dans Le Parisien. Il cite aussi le Burkina Faso où, selon lui, les violences djihadistes ont fait 2500 morts depuis le coup d’État, également anti-français de septembre 2022.
Lecornu a fait directement le lien entre le départ des forces françaises et la recrudescence du terrorisme dans la région.
«Il a suffi qu’on nous invite à partir pour que le terrorisme reprenne», dit-il. “Le régime malien a préféré Wagner à l’armée française. On voit le résultat : la région de Bamako est depuis encerclée par les djihadistes”, insiste-t-il encore.
Le point commun entre les coups d’État de ces trois dernières années au Mali, au Burkina Faso et au Niger, c’est le rejet de la présence française par les nouvelles autorités issues de ces putschs. Les autorités de transition au Mali sont soupçonnées d’avoir eu recours au groupe paramilitaire russe Wagner, ce qu’elles n’ont jamais reconnu officiellement.
Le spectre du chaos plane sur le Sahel
Après un bras de fer de deux mois, le président français Emmanuel Macron a accepté de rapatrier l’ambassadeur de France au Niger, comme le réclamait la junte, et annoncé le retrait des 1.500 militaires français stationnés dans la région.
Le ministre des Armées français Sébastien Lecornu réfute que les évènements de ces trois dernières années soient un échec pour la France. «C’est un échec pour les pays en question», rétorque-t-il, estimant que la France n’était pas le problème mais “la solution” pour toute la région.
Le ministre français impute la responsabilité du chaos dans la région aux auteurs des coups d’État qui “préfèrent les luttes de clans au mépris de la démocratie, plutôt que de lutter contre le terrorisme”. “Tout cela se terminera d’ailleurs très mal pour les juntes en question”, prévoit-il.
Plusieurs points de cette analyse sont partagés par le président mauritanien Mohamed Ghazouani qui estime lui aussi que le départ de la France du Niger n’est ni un échec, “ni une humiliation” pour ce pays.
Dans un entretien au Figaro, Ghazouani a aussi réfuté que le sentiment “anti-français” qui s’est récemment manifesté dans la région soit propre à l’Afrique. Pour lui, ce sentiment reflète un “populisme virulent” qui s’exprime partout sur la planète et qui est “largement amplifié par les réseaux sociaux”.
Ghazouani décrit une situation sur le terrain qui est “très mauvaise”, et qui met tous les pays de la région, y compris la Mauritanie, “sous pression”.
Néanmoins, il continue à croire que le G5 Sahel qu’il préside, “est toujours en vie”, même si, reconnaît-il, le retrait du Mali “pose problème”.
Outre la recrudescence du terrorisme au Mali et au Burkina Faso, le risque d’un embrasement généralisé de la région n’est pas écarté. Même si elle est exprimée avec de moins en moins d’ardeur, l’option d’une intervention militaire des pays de la Cédéao pour rétablir l’ordre constitutionnel au Niger après le coup d’Etat du 26 juillet dernier est toujours retenue.