Économie

Retour de l’Algérie à l’importation de la pomme de terre : aveu d’échec

La décision était envisagée depuis quelques mois, elle est désormais actée. Après plusieurs années d’autosuffisance, l’Algérie va se remettre à importer de la pomme de terre.

La raison est que les prix de ce produit de base ont flambé sur le marché, dépassant dans certaines zones les 140 dinars le kilogramme. Ce dimanche 13 mars, un responsable du ministère du Commerce a confirmé l’importation prochaine de 100 000 tonnes, dont 30 000 dans l’immédiat, c’est-à-dire avant le mois de ramadan qui risque de voir les prix augmenter encore plus fortement.

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L’objectif de la mesure est de tirer les prix vers le bas par un rééquilibrage de l’offre et de la demande, en compensant les quantités qui manquent sur le marché du fait du recul de la production ou de la spéculation.

Elle est donc salutaire. L’impératif de protéger la production locale ne peut être mis en avant quand celle-ci ne couvre pas les besoins internes ou lorsque les mesures protectionnistes sont détournées de leur vocation pour en faire une opportunité de réaliser d’énormes plus-values au détriment du citoyen algérien.

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L’idée doit être creusée pour l’étendre à d’autres produits agricoles devenus inaccessibles depuis que les autorités ont décidé de restreindre leur importation pour favoriser les filières locales. C’est le cas par exemple de la pomme, de nombreux autres fruits et des viandes rouges.

Néanmoins, ce retour brusque à l’importation marque un double échec. C’est d’abord l’échec de la politique agricole du pays dans sa globalité. On n’en serait pas à tirer une telle conclusion si seule la pomme de terre avait flambé.

La hausse des prix a touché quasiment tous les produits et cette poussée inflationniste est doublée de tensions et d’appréhensions sur les produits de base importés. La guerre en Ukraine, qui a porté les prix du blé à des niveaux historiques, a rappelé l’importance d’avoir une agriculture performante, capable d’assurer à l’Algérie sa sécurité alimentaire. Et il n’y a pas que les filières céréalières que l’Algérie peine à développer.

Régulation bien ordonnée…

Tous les produits constituant le panier de l’indice de la FAO (céréales, laits, viandes) ont flambé comme jamais sur les marchés mondiaux et l’Algérie les importe toujours en quantité, plus de 20 ans après le lancement de l’ambitieux plan de développement agricole et rural.

Selon des estimations officielles, l’agriculture algérienne produit environ une valeur de 25 milliards de dollars chaque année et couvre, bon an mal an, 70 % de la consommation interne.

Le pays est en effet autosuffisant en légumes et certains fruits de saison, mais comme le montre la crise de la pomme de terre après plusieurs années de stabilité au cours desquelles on a même songé à exporter les excédents, il s’agit de performances précaires qu’une mauvaise pluviométrie ou une décision administrative mal réfléchie peuvent remettre en cause.

Pour les céréales par exemple, l’Algérie a réalisé une prouesse en 2018 avec une production de 6 millions de tonnes, mais les prévisions pour l’année dépassent à peine la moitié de cette quantité.

Concernant la pomme de terre, on ne sait pas encore avec exactitude ce qui a tiré les prix vers le haut. Les spécialistes avancent deux facteurs. D’abord, les restrictions sur l’importation des semences et le recours aux variétés locales moins productives.

L’autre élément pointé du doigt est l’effet boomerang que pourraient avoir créé les dernières mesures censées lutter contre la spéculation. Certains agriculteurs, entend-on expliquer, hésitent à effectuer la récolte pour ne pas avoir à choisir entre la brader ou se retrouver sous le coup de la loi en la stockant dans leurs entrepôts pour la plupart clandestins.

Cela ne saurait évidemment expliquer toute la crise en cours, résultat sans doute d’une somme d’autres facteurs, mais il n’en reste pas moins que la régulation est ce qui manque le plus au marché algérien dans sa globalité.

Le reproche qui peut être fait aux autorités n’est pas tant d’avoir entrepris de réguler l’activité commerciale, mais de s’être trompées de priorité. La régulation bien ordonnée commence par d’autres activités commerciales moins stratégiques et moins sensibles comme la vente des produits alimentaires de base.

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