La décision du gouvernement de mettre à la retraite les enseignants-chercheurs universitaires âgés de plus de 70 ans ne fait pas l’unanimité en Algérie.
Le ministère de l’Enseignement supérieur a annoncé le 25 avril dernier que les professeurs et enseignants universitaires, âgé de plus de 70 ans, seront mis à la retraite avant le 1er septembre prochain.
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Une procédure administrative “tout à fait normale, compte tenu de la demande croissante sur les postes d’emploi par les titulaires de doctorat », avait soutenu le ministère.
Selon la même source, la procédure en question concerne 1.236 enseignants universitaires, dont 312 enseignants hospitalo-universitaires,
“Une décision qui porte préjudice à l’image du pays”
Si certains ont salué cette annonce, estimant qu’elle aiderait les nouvelles générations à prendre la relève, d’autres, au contraire, espèrent que le gouvernement reviendra sur sa décision.
Dans une lettre publiée ce mardi 21 juin, des professeurs de l’enseignement supérieur, des maîtres de conférences et des retraités de différents secteurs d’activités ont appelé le président de la République Abdelmadjid Tebboune à réexaminer cette décision.
Une décision qui, selon eux, “porte un préjudice considérable à l’image de notre pays » et qui « constitue une grave atteinte au programme de construction d’une Algérie nouvelle dont la connaissance et le savoir constituent un pivot”.
Ils estiment que le dossier de la mise en retraite des enseignants universitaires et des chercheurs ayant atteint l’âge de 70 ans pose d’épineuses questions “tant d’ordre juridique » et « réglementaire » que « moral » et « éthique ou professionnel et social.”
D’un point de vue réglementaire et juridique, ils considèrent que cette décision “vient en contradiction avec les règlements de la Fonction publique fixant les modalités de mise à la retraite des fonctionnaires”.
Selon eux, elle vient aussi “en violation des pratiques en vigueur dans le secteur de l’enseignement supérieur qui permettent depuis toujours aux enseignants universitaires et chercheurs d’exercer leur activité au-delà de 70 ans”.
Selon les auteurs de la lettre, obliger des enseignants-chercheurs à partir en retraite à 70 ans “met fin de manière brutale à des projets de recherche en cours dans les centres nationaux de recherche, à des encadrements de thèses de doctorat dont certaines viennent à peine d’être entamées et devant se dérouler sur les trois prochaines années ainsi qu’à des programmes scientifiques pluriannuels engageant l’Algérie avec des universités et des centres de recherche de nombreux pays”.
Cette mesure “met aussi fin de manière déplacée aux activités d’enseignants-chercheurs ayant encadré l’université algérienne des années 1980, y menant à l’époque avec détermination la dure bataille du développement et de l’algérianisation. Ces enseignants exemplaires de par leur engagement sont sommés aujourd’hui de quitter cette université qu’ils ont portée à bout de bras, dans des conditions marquées par un déni injustifiable de leurs compétences et sans reconnaissance aucune”, notent-ils.
Une décision “incongrue”
Insistant sur l’importance de la transmission, ils soulignent que l’expérience des 1236 enseignants universitaires qui seront remerciés “de manière fort incivile”, ne pourrait être remplacée du jour au lendemain “par l’ardeur de jeunes doctorants que leurs ainés doivent, comme dans tous les pays du monde, accompagner dans l’acquisition de l’art et des bonnes pratiques pédagogiques et scientifiques”.
Jugeant cette mesure “incongrue“, ils estiment qu’elle mettra à l’écart et sans délai “un personnel scientifique qui, d’une part, anime des centres vitaux dont les laboratoires, les équipes de recherche, les unités d’enseignement fondamental et qui, d’autre part, est le plus souvent engagé, à l’heure actuelle, dans des programmes de recherche planifiés sur plusieurs années.”
Enfin, espérant que le président Tebboune réexamine la question de la mise à la retraite des enseignants-chercheurs âgés de 70 ans, ils questionnent : “Pourquoi ne pas s’engager dans la voie choisie depuis longtemps par les pays développés qui, parce que la science et le savoir n’ont pas d’âge, encouragent sans limite les professeurs et chercheurs ?”