L’accord d’association entre l’Algérie et l’Union européenne a été signé en 2002 et entré en vigueur en 2005. Les termes de l’accord ont été régulièrement remis en cause ces 15 dernières années.
La partie algérienne fait part de son insatisfaction de ses retombées et appelle officiellement à la révision de ses dispositions, « clause par clause », « en fonction d’une vision souveraine et d’une approche gagnant-gagnant ».
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Ce sont les termes contenus dans le communiqué du conseil des ministres du 31 octobre dernier consacré entre autres à la question. Dans ses orientations, le président de la République Abdelmadjid Tebboune a demandé de tenir compte de « l’intérêt du produit national en vue de créer un tissu industriel et des emplois ».
Avant cette résolution à revoir les termes de l’accord d’association avec l’UE, l’Algérie avait pris des décisions très mal accueillies par la partie européenne, dont la restriction des importations à travers notamment le dispositif additionnel de sauvegarde (DAPS).
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Dans une analyse consacrée au dossier, le think tank algérien CARE (Cercle d’action et de réflexion pour l’entreprise) souligne les points de blocage et pointe notamment les limites de l’approche algérienne qui, pour résumer, n’est pas basée sur une évaluation approfondie de l’accord.
Pour l’Algérie, il est évident que l’accord n’a pas atteint son objectif du fait que la zone de prospérité partagée, promise par la déclaration de Barcelone en 1995, n’est pas au rendez-vous. Il s’agit du « débat de fond » auquel la partie européenne « ne peut se soustraire ».
Mais, estime le CARE, le gouvernement algérien « ne semble toujours pas avoir pris clairement la mesure des changements qu’il souhaiterait y introduire ».
Le think tank algérien souligne d’abord que le besoin de protéger la production locale se heurterait aux dispositions d’un accord international dûment signé et ratifié. « Là est sans doute le cœur du différend entre l’Algérie et l’Union européenne »,écrit-il.
CARE souligne en outre l’absence d’une évaluation approfondie de l’accord, au-delà des chiffres sur les échanges commerciaux.
La Commission européenne a publié en 2010 et 2020 « deux études lourdes » évaluant l’impact de l’application de l’accord, dans ses dimensions politique, économique et commerciale, mais, a déploré le CARE, « et alors que les enjeux pour son économie sont autrement plus importants et plus déterminants, notre pays n’a jamais entrepris de son côté pareille étude, il n’a jamais rendu publique d’évaluation détaillée et n’a même jamais formulé, du moins publiquement, de remarques sur celles réalisées par le partenaire ».
« Le déficit d’évaluation touche l’ensemble des relations commerciales externes, mais il est particulièrement frappant dans le cas de la gestion de l’accord d’association avec l’Union européenne », lit-on dans l’analyse.
Les deux options qui s’offrent à l’Algérie
Même les évaluations chiffrées sont « approximatives », relève le think tank algérien. Comme ceux liés aux pertes fiscales, estimées «grossièrement » à quelques 2 milliards de dollars.
« En soi déjà, le caractère imprécis de ces chiffres renseigne sur la fragilité de l’argument ; rien n’interdit en effet aux institutions concernées (Douanes ; commerce ; finances ; industrie ; etc.) de calculer au centime près, année par année, les recettes non perçues au titre de l’application du démantèlement tarifaire », juge le CARE.
Celui-ci retient aussi le grief de l’absence de débat interne sur la question, que ce soit au niveau du Parlement ou des autres institutions.
Étant au cœur même de l’accord, le démantèlement tarifaire ne peut pas être remis en cause et le CARE y voit un « argument plutôt infantilisant » qui décrédibilise et affaiblit la position de l’Algérie.
Outre les pertes fiscales, il a aussi toujours été mis en avant le déficit de la balance des échanges, au détriment de l’Algérie. Un argument que le think tank algérien bat en brèche en soulignant que la balance de l’Algérie dans ses échanges avec l’UE n’a été déficitaire qu’après la baisse des prix du pétrole et qu’elle l’a toujours été par exemple avec la Chine ou les pays arabes dans le cadre de la GLAZE (Grande zone arabe de libre échange).
Concernant la faiblesse des investissements directs étrangers, promis dans le cadre de l’accord d’association avec l’UE, le CARE rappelle que c’est l’Algérie qui a pris dès 2009, des mesures restrictives pour les investissements étrangers.
Il note en outre une faiblesse structurelle de l’économie algérienne qui empêche d’être « viable» tout accord commercial préférentiel incluant l’échange d’avantages douaniers : sa non- diversification et la domination des exportations par les hydrocarbures.
En conclusion, le CARE estime que l’Algérie est devant deux options. La première est de procéder à la dénonciation de l’accord, ce qui est d’ailleurs prévu dans ses dispositions et aucune justification n’est exigée.
Si cela n’est pas possible « pour des raisons politiques ou autres », l’Algérie sera appelée à prendre les dispositions nécessaires pour surmonter les blocages et surtout, « engager les transformations indispensables au niveau de l’organisation de son commerce extérieur ».