Diaspora

Révision de l’Accord franco-algérien de 1968 : il faut y aller « crescendo », M. Bruno Retailleau !

TRIBUNE. Après les propos polémiques sur l’Etat de droit et son désir de revoir l’Accord franco-algérien du 27 décembre 1968, M. Bruno Retailleau, nouveau ministre de l’intérieur, étonne à travers ses déclarations.

En effet, depuis l’année 2001, le régime général du droit des étrangers a considérablement évolué au détriment des dispositions de l’actuel accord franco-algérien. En réalité, le statut des ressortissants algérien en France en droit au séjour est figé depuis plus de vingt ans.

Si nous lisons bien l’accord franco-algérien, il ne serait finalement pas aussi avantageux aux ressortissants algériens en France qu’on le dit !

Pourtant, il a quelques mois, le président français Emmanuel Macron voulait relancer le partenariat entre les deux pays après plusieurs mois de crise.

Pour rappel, le président français, a multiplié depuis sa première élection les gestes mémoriels, reconnaissant la responsabilité de l’armée française dans la mort du mathématicien Maurice Audin ou de l’avocat nationaliste Ali Boumendjel.

Cette volonté de normaliser les relations entre les deux pays ne doit pas aussi occulter la dégradation de l’accueil des ressortissants étrangers et notamment algériens dans les préfectures françaises.

Dans un communiqué en date du 31 mai 2022, la CIMADE, une association française des droits de l’homme, avait constaté des entraves liées à l’accès au guichet des préfectures pour le dépôt des demandes de régularisation.

La Cimade avait revendiqué “la suppression des entraves à la régularisation:” Elle demande un accès effectif de tou.te.s aux procédures administratives en préfectures” et “une alternative à la dématérialisation“.

En effet, cette dématérialisation est “aujourd’hui devenue un obstacle majeur à la régularisation des personnes sans-papiers, en les tenant durablement éloignées de l’accès aux guichets. Elle génère également d’importantes ruptures de droits (séjour, mais aussi emploi, protection sociale…) pour les personnes en renouvellement d’un titre qui n’obtiennent pas de rendez-vous dans les temps.”

Les modifications ultérieures de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ont toujours tenu compte de l’évolution du flux migratoire ente la France et l’Algérie.

Lors de l’accession de l’Algérie à l’indépendance, les Accord d’Évian reconnaissent aux Algériens la liberté de circulation entre leur pays d’origine et la France ainsi que le principe de l’égalité des droits sociaux et économiques avec les citoyens français.

Cet accord établissait l’obligation pour les Algériens de présenter un passeport aux frontières, mais sans la contrainte d’un visa. Un titre de séjour particulier était créé portant le nom de « certificat de résidence ».

Les deux avenants conclus par la suite (22 décembre 1985 et 28 septembre 1994) par les deux pays ont eu, de manière générale, pour objet de tenir compte des modifications du contexte migratoire, de rapprocher la situation des Algériens de celle des autres nationalités, sans toutefois que ce rapprochement soit total.

À titre d’exemple, et en application de l’avenant de 1985, un Algérien pouvait, sans difficultés, venir s’installer en vue de faire des études ou exercer certaines activités professionnelles.

Il disposait alors de la liberté d’établissement en qualité de commerçant ou artisan. Cette situation « avantageuse » a bien changé, et les Algériens sont devenus, avec le temps, une catégorie d’étrangers à part…

Pourquoi ?

Prenons pour exemple la dernière réforme en droit des étrangers (la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers). Cette dernière ne concerne, en aucun cas, les ressortissants algériens.

Leur situation d’entrée, de séjour et de travail est « gelée » par l’accord franco-algérien et ses trois avenants.

En effet, depuis le 1er novembre 2016, les Préfets peuvent délivrer de nouvelles cartes de séjour pluriannuelles (CSP) telles que le « passeport talent », « travailleurs saisonnier » et « salarié détaché ICT » et « générale ».

Ces cartes de séjour ne sont toujours pas destinées aux Algériens.

Ce changement des règles et principes du droit des étrangers constituait une réelle occasion pour les autorités algériennes de mettre en place, avec la France, un nouvel avenant à l’Accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

Il n’en est rien !

Le monde change ! Les flux migratoires d’aujourd’hui ne sont plus ceux d’hier !

L’Algérie et la France doivent entamer la rédaction d’un quatrième avenant à l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968, et ce afin d’améliorer la situation de ces Algériens arrivant en France.

Dans l’optique d’un nouvel avenant, le gouvernement algérien doit, impérativement, défendre les points suivants dans ce nouvel accord et maintenir les acquis des précédents avenants.

Tout d’abord, le point important qui concerne la régularisation par le travail.

Les dispositions des circulaires du 28 novembre 2012 et du 05 février 2024, des anciens ministres français de l’Intérieur, n’ont pas vocation à s’appliquer aux Algériens. Ces circulaires prévoient qu’un titre de séjour peut être délivré à l’étranger s’il justifie d’une ancienneté de 3 ou 5 ans en France et qu’il est en mesure de présenter un contrat de travail ou de réelles attaches familiales.

Concernant les Algériens, cela n’est que de manière « exceptionnelle » que les Préfets peuvent examiner leurs demandes, contrairement aux autres étrangers…

Encore une fois, les Algériens ne peuvent pas invoquer les dispositions prévues pour l’admission exceptionnelle au séjour. Il faut croire que la notion « à titre humanitaire », telle que définie dans le texte, ne peut pas s’appliquer à l’Algérien…

L’inapplicabilité de cette situation aux ressortissants algériens, alors qu’ils représentent près du quart des entrées permanentes en France, pose un véritable problème. Dans le souci de créer une réelle « égalité » dans le traitement des étrangers, le gouvernement algérien doit intégrer ces principes dans le nouvel avenant à venir.

Deuxième point, la régularisation à travers la règle des dix ans de présence sur le territoire français doit demeurer.

Troisièmement, le gouvernement algérien doit également sauvegarder le principe de la régularisation des ressortissants algériens ayants la qualité de conjoint de Français, sans toutefois leurs exiger un visa de long séjour.

Quatrième point, la situation des étudiants algériens, qui est la plus défavorable de tous les étudiants étrangers, doit faire l’objet d’un alignement sur le régime général prévu dans le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

Entre autres, les dispositions du CESEDA prévoit l’attribution de l’autorisation provisoire de séjour (APS) d’une durée d’un an pour les étudiants diplômés du Master 2 ou d’une carte de séjour d’un an « recherche d’emploi ou création d’entreprise », l’exercice d’une activité salariée à titre accessoire aux études ou encore le bénéfice de la carte de séjour « compétence et talent »…

Ces règles ne sont pas prévues dans l’Accord franco-algérien et par conséquence, les étudiants algériens ne peuvent pas en bénéficier et deviennent alors des étudiants « sans droits » à la fin de leur cursus.

Cinquièmement, il faudra prévoir la suppression de la règle du visa long séjour pour l’exercice des activités commerciale, industrielle et artisanale des ressortissants algériens en France.

Cette condition pénalise beaucoup de commerçants algériens qui disposent de la qualité de commerçant en France mais qui ne peuvent faire valoir leur droit au séjour devant l’administration française. Elle exige systématiquement des intéressés de retourner au pays pour solliciter le visa long séjour d’installation au risque de se retrouver bloquer et de ne plus revenir en France.

Aujourd’hui, la situation des Algériens est figée dans le temps.

Il est grand temps que cela change !

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