Économie

Revoilà la crise de disponibilité des véhicules neufs en Algérie

La problématique de la disponibilité des véhicules neufs en Algérie se pose toujours avec acuité. La question a presque éclipsé toutes les autres pendant les débats sur le projet de loi de finances pour 2025.

Elle a été en tout cas soulevée par plusieurs députés qui ont exprimé leur incompréhension devant la persistance de la crise des véhicules alors que l’importation et l’assemblage local ont été officiellement débloqués depuis près de deux ans. Force est de constater en effet que les voitures sont toujours aussi chères qu’avant le déblocage.

De nouveaux cahiers des charges pour les activités d’importation de véhicules neufs et d’assemblage ont été dévoilés fin 2022.

Les Algériens avaient entrevu la fin d’une crise qui aura duré plusieurs années. L’arrêt de l’importation en 2017, puis des usines de montage en 2020, avait généré une grave pénurie et une cherté jamais vue des voitures neuves et d’occasion sur le marché algérien. Après une décennie d’une offre variée et abordable, le véhicule était de nouveau devenu inaccessible pour l’Algérien moyen.

Les cahiers des charges de fin 2022 avaient suscité un espoir réel d’en finir avec la cherté excessive et la pénurie, d’autant plus qu’au même moment, l’importation des véhicules d’occasion, de moins de trois ans d’âge, était de nouveau autorisée.

Les premières voitures importées, des Fiat, arrivent fin mars 2023, à des prix bien plus élevés que ceux d’avant le blocage mais dans l’ensemble raisonnables au vu de l’inflation qui a touché le marché automobile mondial et la dévaluation du dinar qui sont survenues entre-temps.

D’autres marques avaient été agréées et ont commencé à mettre des cargaisons supplémentaires sur le marché, comme les chinoises Chery et Geely, ou encore Opel, membre comme Fiat de l’alliance Stellantis.

Des constructeurs ont été aussi autorisés à ouvrir des usines d’assemblage. Celle de Stellantis, basée à Oran et qui produit des véhicules de la marque Fiat, est entrée en production en décembre 2023.

Pourquoi la crise des véhicules persiste en Algérie 

Était-ce cependant suffisant pour rééquilibrer le marché après plusieurs années de blocage ? En 2021 déjà, Hassan Khelifati, le PDG d’Alliance Assurances, estimait que, du fait de l’arrêt de l’importation et de l’assemblage, 1,2 million de véhicules manquaient au marché algérien, dont le parc automobile était estimé à 6,5 millions d’unités. Le déficit a dû évidemment se creuser depuis.

Un déficit qu’il était nécessaire de combler mais il était évident dès le départ que, avec le cap pris pour la rationalisation des importations et la préservation des réserves de change dans un contexte marqué par les incertitudes autour des prix du pétrole, le gouvernement n’allait pas revenir aux niveaux d’importation de la décennie précédente.

Le pic avait été atteint en 2014 avec plus de 400 000 véhicules importés pour une facture de 6,3 milliards de dollars.

En autorisant l’importation du neuf et de l’occasion ainsi que l’assemblage, le gouvernement a estimé que le problème est désormais réglé. C’est du moins le sens que l’on peut donner au coup de gueule du ministre de l’Industrie, Ali Aoun, qui s’est écrié face à un journaliste qui l’a interpellé sur la question : “Ne me parlez plus des véhicules. Les concessionnaires sont là et celui qui veut un véhicule n’a qu’à aller l’acheter”.

Sauf que, sur le marché, ce n’est pas tout à fait ainsi que les choses se passent. Les véhicules importés sont livrés au compte-goutte après une longue période d’attente et leur prix sur le marché dépasse celui du concessionnaire ou de l’usine.

Cette situation a tiré vers le haut les prix de l’occasion et les citoyens ne ressentent pas une nette amélioration de la situation. Et comme pour ne rien arranger, l’administration a pris début octobre dernier la décision de suspendre l’immatriculation des véhicules de moins de trois ans importés.

S’agissant des chiffres, les seuls disponibles sont ceux divulgués par le ministère de l’Industrie en mai 2024, faisant état de la consécration d’une enveloppe de 1,8 milliard de dollars pour l’importation de 180 000 véhicules au titre de l’année 2023. Fiat Algérie a de son côté révélé début octobre dernier que son usine d’Oran assemblait 350 véhicules par jour, avec l’objectif d’atteindre 90 000 véhicules par an en 2026.

Aussi importantes soient-elles, ces quantités ne suffisent pas à résorber le déficit de plusieurs années de blocage. Pour revenir à une situation normale, il faudra inonder le marché pendant plusieurs années consécutives moyennant des dépenses colossales qui ne cadrent pas avec la nouvelle orientation économique du pays.

L’équation est en somme presque insoluble, à moins qu’un juste milieu soit trouvé où, comme l’ont suggéré certains députés, le gouvernement consent à autoriser l’importation de véhicules de moins de cinq ans d’âge, voire plus.

Mais l’amendement introduit par des députés pour autoriser l’importation des véhicules de moins de 5 ans a été rejeté la veille de la séance de vote du PLF 2025 à l’APN ce mercredi 13 novembre.

Autre élément dévoilé par le ministre de l’Industrie Ali Aoun dans une réponse à une question écrite d’un député : la décision d’importer les véhicules ne dépend pas uniquement de son département, mais du Conseil de la concurrence ainsi que d’autres ministères comme le Commerce. Parmi les critères retenus pour libérer les programmes d’importation figure la préservation des réserves de change auquel le gouvernement accorde une importance capitale.

Avec 72 milliards de dollars d’avoirs en devises (prévisions pour 2024), il est peu probable que les autorités libèrent totalement le marché automobile en raison des risques liés à l’érosion des réserves de change dans un contexte où les prix du pétrole (70 dollars) demeurent à un niveau qui ne permet pas leur renouvellement rapide.

D’autant que l’Algérie n’est pas à l’abri d’un nouvel choc pétrolier qui pourrait affaiblir durablement ses finances et l’obliger à solliciter l’endettement extérieur, ce qu’elle ne veut pas faire.

En Algérie, le véhicule neuf est devenu non seulement un luxe, mais un bien difficile à trouver.

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