Forums publics, sit-in, débats : depuis le début du mouvement populaire amorcé il y a bientôt trois mois, les citoyens multiplient les initiatives pour manifester leur rejet du système et faire des propositions pour l’avenir.
À Tizi-Ouzou, c’est aussi l’art qui sert de support à l’expression de ce ras-le-bol grâce à Révolte Arts, un événement lancé le 23 mars dernier. Chaque samedi, les artistes de tous âges et de toute spécialité proposent des performances au grand public en puisant leur inspiration dans la révolte citoyenne. « Comme les endroits dédiés à la culture et à l’expression artistique étaient inaccessibles, monopolisés et souvent restreints, l’espace public était le seul endroit qu’il nous restait pour échapper aux censures et aux blocages bureaucratiques, pointe l’équipe. Révolte Arts est une manière de s’impliquer dans le mouvement actuel et de maintenir la pression en utilisant l’une des meilleures expressions de l’Homme, à savoir l’art. »
Révolte Arts en est déjà à sa huitième semaine. « La première action s’est tenue sur la placette de l’ex-mairie, explique Melgaoua Zoulim, étudiante en littérature anglaise à l’université Mouloud Mammeri, et membre de l’organisation. Elle a rassemblé des peintres, des chanteurs, des poètes, des musiciens, des conteurs. Depuis, l’événement a été déplacé vers la place M’Barek Ait Menguellet (ancienne gare) ».
S’impliquer dans le mouvement et maintenir la pression
L’appellation Révolte Arts, nous la devons à Samir Djebbar, grossiste et coordinateur au sein de l’Union générale des commerçants et des artisans algériens (UGCAA). « Il met aussi son infrastructure au service de nos répétitions théâtrales, musicales. Mais notre action reste indépendante. Elle est portée par l’action des bénévoles, par des aides d’ici et là », tient à préciser Melgaoua Zoulim.
Toutes les semaines, des espaces dédiés au débat et ouverts à tous sont également aménagés afin de ne pas perdre de vue l’objectif de la démarche. « Comme tout le peuple algérien, cette action demande le départ du système mafieux actuel, rappelle Melgaoua Zoulim. C’est une façon différente de dire ‘Non’ à la continuité de ce qui nous a étouffés et marginalisés depuis des années. Je crois vivement que l’art fait bouger les choses. Beaucoup ont combattu ce système avec des chansons, des poèmes, des livres, des pièces de théâtre ».
À l’image des manifestations du mardi (marche des étudiants) et du vendredi, Révolte Arts n’entend pas lever le pied pendant le mois de Ramadhan. Les activités seront lancées chaque samedi à partir de 21 heures.
NOTE : dans notre direct du samedi 11 mai, nous écrivions : « 21h52 : trois des artistes qui organisent les manifestations de Révolte Arts à Tizi-Ouzou interpellés par la police. Les policiers sont intervenus pour les déloger de la place Mbarek Ait Menguellet, où ils ont l’habitude d’organiser leurs activités dans le cadre du mouvement populaire ». Yazid Ouamrane, qui fait partie de l’équipe organisatrice de l’événement nous a apporté des précisions : « Au moment de lancer l’événement, la police, qui nous a dit avoir reçu des instructions, nous a demandé de ranger nos affaires. Nous avons dû remballer des chapiteaux parce que nous n’avions pas d’autorisation. Or jusqu’ici, nous n’en avions jamais eu besoin. Il n’y a pas eu d’altercations ni d’arrestations. La police a été à l’écoute. L’événement s’est ensuite poursuivi dans les meilleures conditions possibles. La semaine prochaine, nous serons là, au même lieu et à la même heure ».