La Première ministre britannique Theresa May a nommé lundi ministre de l’Intérieur Sajid Javid, fils d’un chauffeur de bus pakistanais, après la démission d’Amber Rudd, emportée par le scandale du traitement réservé aux immigrés originaires des Caraïbes, qui déstabilise l’exécutif.
Avec cette démission, Theresa May se retrouve en première ligne pour défendre une politique dont elle a été la principale instigatrice alors qu’elle était ministre de l’Intérieur de 2010 à 2016 dans le gouvernement de David Cameron.
“Amber Rudd a servi d’écran à Theresa May. Elle est désormais partie et c’est à Theresa May de répondre aux questions sur son action en tant que ministre de l’Intérieur”, a réclamé le chef de l’opposition travailliste Jeremy Corbyn tandis que plusieurs députés de son parti ont demandé la démission de la cheffe du gouvernement.
Mais ce sera Sajid Javid, 48 ans, première personnalité politique issue de l’immigration à prendre les rênes du ministère de l’Intérieur, qui viendra répondre aux députés dans l’après-midi, a annoncé le Parlement.
Amber Rudd, 54 ans, a pris la sortie après la révélation que ses services avaient des objectifs chiffrés pour expulser les immigrés clandestins. Elle avait tout d’abord nié être au courant de l’existence de tels objectifs devant une commission parlementaire.
“J’ai involontairement trompé la commission parlementaire des affaires intérieures sur les objectifs de déplacement des immigrés clandestins”, a reconnu Amber Rudd dans sa lettre de démission envoyée dimanche à Theresa May.
En réponse, Mme May s’est dite “vraiment désolée” de voir partir sa ministre, à laquelle elle a dû trouver un remplaçant en quelques heures à quelques jours d’élections locales test pour son Parti conservateur déjà déchiré par le Brexit et qui dispose d’une très mince majorité au Parlement.
Equilibre délicat
Amber Rudd a payé le scandale dit de Windrush – le traitement des immigrés d’origine caribéenne arrivés au Royaume-Uni après la Seconde Guerre mondiale – qui a suscité une vague d’indignation dans le pays.
Les milliers d’immigrés venus des pays du Commonwealth entre 1948 – quand le Windrush, premier bateau transportant des migrants depuis les Caraïbes, a débarqué près de Londres – et le début des années 1970, pour aider à reconstruire le pays, avaient obtenu le droit de rester indéfiniment.
Mais ceux qui n’ont jamais réclamé de papiers d’identité en bonne et due forme se sont retrouvés traités comme des immigrés illégaux, courant le risque d’être expulsés s’ils ne fournissaient pas de preuve pour chaque année de présence au Royaume-Uni.
Dimanche, dans les colonnes du Sunday Telegraph, Sajid Javid, dont les parents ont émigré du Pakistan dans les années 1960 avec une livre en poche, faisait part de son amertume, expliquant que sa propre famille aurait pu être visée par les menaces d’expulsion. Mais il s’était félicité de la réponse de la cheffe du gouvernement et de la ministre de l’Intérieur, qui s’étaient toutes deux excusées
Avec la nomination de celui qui était jusque-là ministre des Communautés, Theresa May maintient un équilibre délicat au sein du gouvernement entre les pro-Brexit et les europhiles, Amber Rudd figurant parmi ces derniers. Sajid Javid avait voté pour le maintien dans l’Union européenne, bien qu’il se soit depuis montré défavorable à un Brexit “doux”.