Quinze mois après le revirement historique de l’Espagne dans le conflit au Sahara occidental, le mystère entoure toujours la décision prise en mars 2022 par le chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez.
L’alignement espagnol sur la proposition marocaine a été annoncé le 18 mars 2022 par le palais royal marocain citant une lettre signée par le chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez qui considérait dans son écrit le plan d’autonomie comme la base « la plus sérieuse » et « la plus réaliste » au règlement du conflit au Sahara occidental.
L’existence même de la fameuse lettre est remise en cause par le journal El Debate dans son édition de ce lundi 26 juin.
« Pedro Sánchez n’a envoyé aucune lettre au Roi du Maroc pour changer un demi-siècle de position de l’Espagne sur le Sahara et céder à Rabat le contrôle de l’ancienne colonie espagnole. Et s’il l’a fait, il ne peut pas montrer l’original ni expliquer comment cette décision a été gérée », note le journal.
El Debate va plus loin en évoquant la possibilité que ladite lettre ait été rédigée à Rabat.
Le journal pointe « l’incapacité » du gouvernement à rendre publique la lettre originale que Pedro Sánchez a prétendument envoyée au Maroc, sans l’approbation du Congrès ni la tutelle formelle du Roi Philippe VI, pour renoncer au Sahara et « donner libre cours à Mohamed VI pour réaliser son rêve de s’emparer, de facto, d’une région qui n’a jamais été marocaine » et « qui essaie depuis 50 ans de décider de son avenir, avec le soutien de l’ONU ».
Pas de traces de la lettre de Pedro Sanchez à Mohamed VI
Ya-t-il un lien entre le changement brusque dans la position espagnole sur le Sahara occidental opéré par Sanchez et l’espionnage de ce dernier par le Maroc quelques mois avant ? Pour El Debate, cette hypothèse est plausible.
Dans un document portant le numéro de série 00001-00079114, signé le 16 juin dernier par la directrice du Département de la coordination technique et juridique de la présidence du gouvernement, Beatriz Pérez Rodriguez, il est dit que depuis le palais Moncloa (siège du gouvernement espagnol, NDLR) on ne sait ni qui a rédigé la lettre , ni comment, ni quand elle a été envoyée, indique El Debate qui évoque un fait « sans précédent dans le monde de la diplomatie ».
Les collaborateurs de Pedro Sanchez avouent qu’« au niveau de la présidence, il n’existe aucun document ou contenu » attestant « le moyen et la date de remise » de la lettre au Roi du Maroc ni de l’« autorité ou fonctionnaire qui a ordonné et effectué cette remise », selon la même source.
« Il n’y a pas de document », c’est en substance la réponse arrachée du palais du Moncloa par El Debate quand le journal a insisté pour avoir la copie originale de la lettre, par laquelle a été exprimée la position officielle de l’Espagne sur le Sahara occidental. Le journal est passé par une procédure dans le cadre de la loi sur la transparence et l’accès à l’information publique pour tenter de contraindre le gouvernement à rendre public le fameux document.
Face à l’absence de traçabilité de la lettre de Sanchez à Mohamed VI, il y a un doute sur le fait que le chef du gouvernement espagnol en soit l’auteur.
La semaine dernière, l’ancien président du gouvernement espagnol, José Maria Aznar avait, selon El Debate, haussé le ton contre Pedro Sanchez concernant justement les dessous de l’envoi de la lettre.
Tout en déclarant qu’il était « inadmissible que le chef du gouvernement envoie une lettre personnelle au roi sans qu’elle soit discutée au parlement ni au conseil des ministres », Aznar a estimé que la lettre en question « obligeait l’actuel président du gouvernement mais pas le prochain ».
À moins d’un mois des élections générales en Espagne qui pourraient déboucher sur un changement de gouvernement, la position exprimée par Pedro Sanchez sur le Sahara occidental semble plus que jamais remise en cause quand on sait que le doute plane sur l’existence même du document.
Le nouveau chef du gouvernement espagnol qui résulterait des élections du 23 juillet prochain en Espagne pourrait facilement remettre en cause la position exprimée par Sanchez vu que, dans les archives de l’Etat espagnol, l’existence de la fameuse lettre n’est pas établie.