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Sahara occidental : le rôle néfaste de l’Europe

Sahara occidental : le rôle néfaste de l’Europe

Le Front Polisario parle de « courte vue » et de « climat dépourvu de sérieux ». L’adoption, mercredi 16 janvier, par le Parlement européen d’une résolution autorisant d’inclure le Sahara occidental occupé dans l’accord commercial entre l’Union européenne et le Maroc est perçue par les Sahraouis comme une énième embûche jetée sur le chemin du règlement du conflit.

Ce quitus parlementaire intervient deux jours après la signature de l’accord de pêche entre les deux parties, le 14 janvier. Cet accord couvre la zone de pêche s’étendant de Cap Spartel dans le nord du Maroc jusqu’au Cap Blanc à l’extrême sud du Sahara occidental, incluant donc les territoires sahraouis.

Les péripéties de négociation et d’adoption d’accords de ce type entre le Maroc et l’UE, et les batailles judiciaires qui les accompagnent, ont toujours constitué un baromètre des intentions des Européens vis-à-vis du processus de paix au Sahara occidental. Le vote du Parlement européen de ce mercredi est donc logiquement perçu comme un parti pris pour les thèses marocaines.

« Le vote adopté aujourd’hui a été pris dans un climat dépourvu de sérieux et de transparence. Son résultat porte un coup non seulement aux défenseurs des droits humains et au droit international, mais aussi au processus de paix conduit par l’ONU que l’Union européenne prétend elle-même défendre. Nous pressons les États membres de l’UE de reconsidérer le vote non obligatoire d’aujourd’hui et de changer de cap immédiatement », écrit le Front Polisario dans un communiqué.

Le parti pris est d’autant plus flagrant que l’inclusion des territoires sahraouis dans l’accord est en porte à faux avec de précédents arrêts de la cour de justice européenne qui a statué sur le caractère distinct des territoires du Sahara occidental.

L’Algérie aussi a réagi par le biais d’une source diplomatique à Bruxelles, y voyant « une véritable forfaiture ». « C’est une journée funeste pour les institutions européennes et pour le droit international et le droit européen », estime la source auprès de TSA.

Ce qu’il convient désormais de qualifier d’alignement flagrant de l’Union européenne sur les thèses marocaines va aussi à l’encontre de la volonté affichée par le reste de la communauté internationale, les Nations-Unies et les Etats-Unis en tête, d’en finir avec ce conflit. Une sorte de perche de salut tendue au Maroc comme à chaque fois que celui-ci se retrouve sous forte pression sur la question.

Juste après les pourparlers de Genève, début décembre, et qui ont vu la participation de l’Algérie et de la Mauritanie, le Royaume a dû faire face à « l’impatience » du conseiller américain à la sécurité nationale. John Bolton s’est dit « frustré » du fait que le processus de règlement du conflit n’a pas avancé. « J’aimerais que cela soit résolu si les parties peuvent se mettre d’accord sur la voie à suivre. C’est ma préférence », déclarait-il le 13 décembre dernier, en faisant part de sa « frustration » du fait que le conflit ne soit toujours pas réglé, 27 ans après la mise en place de la Minurso. «Vous devriez penser au peuple sahraoui, aux Sahraouis qui sont encore dans les camps de réfugiés», a-t-il ajouté.

John Bolton connait bien le dossier pour avoir travaillé aux côtés de James Baker, l’envoyé spécial du SG de l’ONU dans les années 2005-2006, participant à la rédaction d’un plan de paix accepté par le Front Polisario et prévoyant la tenue d’un référendum d’autodétermination. Sa nomination au poste de conseiller à la sécurité nationale en mars dernier par le président américain Donald Trump avait d’ailleurs été très mal accueillie à Rabat. Des analystes ont même expliqué la tenue de la table ronde de Genève par le « forcing » exercé par John Bolton depuis son arrivée à la Maison-Blanche.

Les Etats-Unis ont maintenu la pression en quantifiant début janvier le nombre de réfugiés sahraouis à Tindouf. Contrairement à la thèse marocaine qui situe leur nombre à seulement 40 000, les Américains les ont estimé dans leur projet de budget pour 2019 à près de 100 000. Ce qui a suscité des craintes au Maroc de voir l’administration US exclure le Sahara des fonds alloués au Maroc.

Les Etats-Unis avaient aussi pesé de tout leur poids pour renouveler de «six mois seulement le mandat de la Minurso, en dépit du forcing de la France et du Maroc pour maintenir la durée habituelle d’un an.

L’ONU n’est pas restée en marge de cette pression soutenue. Au lendemain de la table ronde de Genève, l’envoyé spécial Horst Köhler avait réitéré le préalable de l’autodétermination du peuple sahraoui. « Ce rendez-vous est un premier pas vers un processus renouvelé de négociations en vue de parvenir à une solution juste, durable et mutuellement acceptable qui permette l’autodétermination du peuple sahraoui ».

Aussi, le 14 janvier, les Nations-Unies ont formellement démenti des allégations marocaines sur une prétendue violation de l’accord de cessez-le feu par le Polisario.

C’est donc dans un contexte très défavorable au Maroc qu’interviennent la signature de l’accord de pêche et le vote du Parlement européen. Le procédé est maintenant éculé. A chaque fois que le Maroc se retrouve sous forte pression et en mal d’arguments, les Européens, sous l’impulsion de la France, s’adonnent à un exercice d’équilibrage qui, en fin de compte, ne fait que perdurer le statu quo.

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