En pleine relance des efforts de résolution des Nations-Unies, les tensions autour du Sahara occidental ont été ravivées cette semaine par des conclusions défavorables sur l’accord de pêche entre le Maroc et l’Union européenne.
En droite ligne avec les arguments des indépendantistes, l’avocat général de la cour de justice de l’UE a estimé mercredi que “l’exploitation halieutique des eaux adjacentes au Sahara occidental (…) ne respecte pas le droit du peuple de ce territoire à l’autodétermination”.
La cour a été saisie pour avis par un tribunal britannique, lui-même saisi par une association pro-Sahraouie, Western Sahara Campaign (WSC), qui milite pour la reconnaissance du droit du peuple du Sahara occidental à l’autodétermination et dénonce le pillage de ses ressources naturelles.
Abondamment commenté par la presse algérienne et marocaine, l’avis qui détaille l’historique du conflit et sa jurisprudence appelle la cour à juger “invalides” des accords contredisant le “droit international”.
Vaste étendue désertique de 266.000 km2, avec 1.100 km de côte atlantique poissonneuse au nord de la Mauritanie, le Sahara est le seul territoire du continent africain dont le statut post-colonial n’a pas été réglé : le Maroc en contrôle 80%, le Front Polisario 20%, séparés par un mur et une zone tampon contrôlée par les casques bleus de l’ONU.
Après des décennies de statu-quo, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a chargé l’an dernier un nouvel envoyé spécial de relancer les négociations entre deux camps inconciliables: le Front Polisario veut un référendum d’autodétermination pouvant conduire à l’indépendance, le Maroc rejette tout autre solution que l’autonomie sous sa souveraineté.
– ‘Mise en garde’ –
Cet effort de relance a été accompagné par un regain de tensions sur le terrain, poussant le secrétaire général de l’ONU à appeler début janvier les deux parties “à faire preuve de retenue et à éviter toute escalade”.
Vendredi, le ministre marocain de l’Intérieur Abdelouafi Laftit a reçu le nouveau chef de la Minurso (la mission de l’ONU au Sahara occidental), Colin Stewart, avec une “mise en garde des autorités marocaines contre la poursuite des provocations et agissements du Polisario dans la zone tampon”.
Dans ce contexte, le débat sur l’accord de pêche Maroc-UE “est avant tout politique”, selon l’universitaire Mohammed Benhammou, du Centre marocain des études stratégiques joint par l’AFP.
“Pas politique, mais juridique”, assure Me Gilles Devers, un avocat français qui défend les intérêts du Polisario en Europe.
Le Polisario a appelé l’UE à “assumer les responsabilités juridiques et morales qui lui incombent en faveur d’une solution juste”. Le Maroc, lui, met en avant ses efforts de développement dans la zone sous son contrôle tout en avertissant l’UE sur les enjeux globaux d’un partenariat qui concerne aussi la lutte contre le terrorisme et l’immigration, selon une note d’analyse transmise à l’AFP à Rabat.
– ‘Retour sur investissement’ –
La question est d’autant plus sensible que l’UE et le Maroc se préparent à négocier un nouveau protocole de pêche, l’actuel arrivant à échéance en juillet prochain.
Dans un récent rapport, la Commission européenne appelle à la reconduction de l’accord, se félicitant d’un “bon retour sur investissement”, avec “pour chaque euro investi (…) la création de 2,78 euros de valeur ajoutée pour le secteur de la pêche” européenne.
Entre 2014 et 2018, les chalutiers de pêche industrielle autorisés par l’accord ont capturé 83.000 tonnes par an en moyenne – en majeure partie dans les eaux du Sahara – pour une valeur d’environ 80 millions d’euros, le Maroc touchant une contrepartie annuelle d’environ 40 millions d’euros, selon ce rapport.
Fin 2016, la justice européenne avait estimé que l’accord de libre-échange sur les produits agricoles et la pêche entre le Maroc et son principal partenaire commercial, l’UE, ne concernait pas le Sahara, ouvrant la voie à de nombreux recours.
Depuis, des associations pro-Polisario contestent régulièrement des opérations commerciales entre le Maroc et des pays européens. La dernière action en date vise l’ouverture d’une liaison aérienne entre Paris et Dakhla, port touristique de la zone contrôlée par le Maroc, opérée par la compagnie low-cost Transavia du groupe Air-France-KLM.