Une visite privée dans les territoires sahraouis occupés a valu de vives critiques au Grand-Duc de Luxembourg, même dans son pays.
Le Grand-Duc Henri (chef de l’Etat luxembourgeois) a annoncé le 10 septembre dans un communiqué qu’il s’était rendu dans la ville occupée de Dakhla où il s’est livré au kitesurf. Dans un éditorial paru dans son édition du 21 septembre, le journal luxembourgeois Lëtzebuerger Land a souligné le caractère illégal de cette visite.
« La Cour se heurte à une affaire diplomatique sensible. Car selon le droit international, Dakhla ne se trouve pas au Maroc, comme l’indique le communiqué du 10 septembre, mais sur le territoire du Sahara occidental. Pourtant, le Grand-Duc a choisi de se rendre au Sahara occidental avec la permission du gouvernement marocain, qui contrôle militairement la ville de Dakhla. Dès lors, le voyage du Grand-Duc soulève des problèmes d’ordre juridique », écrit le journal germanophone qui rappelle que « depuis 2016, la Cour de justice de l’Union européenne a confirmé dans plusieurs arrêts que l’UE ne reconnaissait aucune souveraineté marocaine sur le Sahara occidental ».
« Si la situation au Sahara occidental reste relativement méconnue chez nous, c’est également à cause de la répression par Rabat des voix plus critiques venant du Sahara Occidental. Torture, longues peines d’emprisonnement et expulsions réduisent de nombreux militants au silence », ajoute la publication, qui trouve tout de même surprenant que les dirigeants luxembourgeois puissent ignorer ce qui se passe dans ces territoires.
« Dans ces conditions, le communiqué du Palais a de quoi surprendre : la Cour peut-elle ignorer l’existence de ce conflit géopolitique? Il est permis d’en douter : tous les voyages du Grand-Duc sont encadrés par des mesures de sécurité importantes, même lorsqu’il part en vacances. Est-il possible que la Cour ait voulu prendre une position politique en approuvant en public l’annexion par le Maroc du Sahara occidental ? », s’interroge l’éditorialiste.
La visite a été dénoncée aussi par le Front Polisario par la voix de son responsable Mohamed Khaddad. « Cette visite du Grand-Duc, à Dakhla occupée, est un pas dans l’illégalité. C’est un manquement au droit international. Et à la décision de la Cour Européenne, dont le siège est à Luxembourg lui-même, et qui dit que le Maroc et le Sahara sont deux territoires distincts et séparés. Et le Luxembourg, en tant que petit pays et petit peuple, qui a été plusieurs fois occupé est bien placé pour comprendre ce que c’est que l’occupation. Et bien entendu, s’il existe aujourd’hui, c’est par respect de la légalité et du droit international », a indiqué le responsable sahraoui.
Le palais grand-ducal a réagi en expliquant que le Grand-Duc ne s’était pas rendu à Dakhla en visite officielle, mais à titre « strictement privé ».
L’incident a suscité un débat dans la presse locale sur le statut du Grand-Duc : peut-il avoir une vie privée ou représente-t-il toujours l’État luxembourgeois ? « En tant que dirigeant européen, le Grand-Duc représente toujours l’Etat luxembourgeois.
Même lorsqu’il est en vacances, le Grand-Duc est tenu de respecter les positions européennes. En l’occurrence, que le Sahara occidental ne se trouve pas au Maroc », répond Thomas Giegerich, professeur spécialiste en droit européen et international à l’Institut Européen de l’Université de la Sarre, en Allemagne.