Figure de proue de l’opposition algérienne, l’ex-Président du RCD, Saïd Sadi, présent vendredi à la marche d’Alger, a évoqué ce samedi l’existence de « compromis et de consensus » autour d’une phase de transition et qui amènerait la démission du président Bouteflika et de son Gouvernement.
« Je ne suis qu’une voix parmi d’autres, je n’ai aucune responsabilité organique dans le pays, mais j’entends déjà des compromis, des consensus qui, à travers d’échanges entre différents partis politiques, certaines personnalités politiques, parlent d’une phase de transition qui amènerait la démission de Bouteflika et du gouvernement pour engager le pays sur de nouvelles perspectives », a déclaré ce samedi Saïd Sadi à la radio Europe1.
« Il faut absolument faire en sorte que cette formidable énergie qui s’est libérée de façon pacifique, mais déterminée, ne soit pas neutralisée ni polluée cette fois-ci. Nous avons été dépossédés de la guerre de libération par des hommes qui ne l’ont pas faite. Il faut espérer que les Algériens, cette fois-ci, fassent preuve de la résolution qui leur a permis d’être exemplaires dans la décolonisation », a ajouté Saïd Sadi pour qui « nous sommes en train d’assister à quelque chose d’inédit ». « Sans préjuger de ce qui va se passer par la suite, c’est véritablement historique, par son ampleur et la nature de la manif », observe-t-il.
« Même s’il s’interroge de « quoi tout cela sera fait à l’avenir et dans les prochaines semaines », Saïd Sadi n’exclut pas un maintien de la candidature de Bouteflika. « Je le crois capable de déposer un dossier par quelqu’un d’autre. De toutes les façons, la Constitution est déjà violée puisqu’il n’avait pas le droit de postuler à un autre mandat aux termes de la constitution actuelle. Mais, ce qui est remarquable, c’est que, et ça donne bien la nature du régime, ce sont ses deux frères qui sont allés le voir pour des choses qui concernent le destin du pays, la présidence de la république. Ce n’est ni l’ambassadeur, ni le ministère des affaires étrangères qui ont été le voir pour savoir s’il devait se présenter ou pas », a-t-il dit.
La menace islamiste ne « joue plus »
Interrogé sur l’existence ou non de la menace islamiste, tout comme le suggérait Ouyahia devant les députés, en évoquant le cas syrien, Saïd Sadi a estimé que cet « effet ne joue plus ». « Passons sur le pauvre Ouyahia qui est rappelé épisodiquement pour faire le ménage du régime (…). Je ne crois pas à la menace syrienne en Algérie. Dans les manifs beaucoup de slogans ont dit : « l’Algérie n’est pas la Syrie », d’abord parce que l’Algérie est passée par cette terrible épreuve. On sait ce que la tentation islamiste veut dire. Je crois que les islamistes eux même ont compris qu’il n’y avait pas d’intérêt à se montrer trop ; je n’ai pas entendu de slogans islamistes, et ça ne veut pas dire qu’ils ont disparu pour autant. Il me semble aussi pour certains dirigeants de cette mouvance qu’ils ont compris qu’il fallait s’adapter, s’accommoder à l’évolution de la société algérienne. Alors évidement est ce que tout cela ne deviendra pas éruptif dans un deuxième temps, ça dépendra de la mobilisation populaire, mais j’ai bien vu qu’il y avait une retenue dans l’expression islamiste à travers ces manifestations. L’effet groggy islamiste ne joue plus », soutient-il.
Autre question : sa comparaison de l’Algérie à « une réplique africaine du Venezuela », comme il l’avait écrit récemment. « Nous sommes à peu près dans ces espèces de régimes despotiques qui sont arrivés au pouvoir à la faveur d’un coup d’État, qui sont adossés à une économie de rente et qui en disposent comme bon leur semble à travers des réseaux sectaires qui fonctionnent sur le mode mafieux ; alors, c’est trop embêtant sur le plan économique et social, bien évidemment, parce qu’il y a un détournement de la principale source du pays. C’est plus embêtant encore car ça finit par structurer, pervertir la relation sociale et la cité complètement aliénée par les humeurs des dirigeants. Il n’y pas de perspectives, ni de vie publique et je sais de quoi je parle : ça fait 15 ans que je n’ai pas pu dire un mot dans la télévision de mon pays et la vie publique est parasitée par les réseaux souterrains. Au Venezuela, ce sont des clientèles qui gravitaient autour de Chavez et Maduro et ici, maintenant, c’est la police politique qui depuis l’indépendance représente le cœur du pouvoir militaro-policier du pays et qui n’est soumis absolument à aucun contrôle et qui irradie dans toutes les institutions ; qui est la réalité du pouvoir que personne ne voit », explique-t-il.
« C’est bien de cela dont il s’agit aujourd’hui, c’est de dépasser cette confiscation de la volonté populaire », dit-il.