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Saïd Sadi réagit à l’arrestation de Toufik, Tartag et Saïd Bouteflika : « Un mini-séisme »

Saïd Sadi réagit à l’arrestation de Toufik, Tartag et Saïd Bouteflika : « Un mini-séisme »

Saïd Sadi a réagi ce dimanche 5 mai à l’arrestation hier samedi 4 mai de Saïd Bouteflika, des généraux Mohamed Mediene dit Toufik et d’Athmane Tartag, dit Bachir, anciens patrons des services de renseignements. Dans un texte intitulé « Batailles d’Alger » publié sur sa page Facebook, l’ex-président du RCD écrit que « les secousses qui ébranlent un régime décadent se multiplient. Comme souvent dans les systèmes illégitimes, les reclassements sont violents et imprévisibles. »

Said Sadi ajoute que « porteur d’une immense et, pour l’instant, fragile espérance le mouvement citoyen doit veiller à ne pas à se laisser aspirer dans des tempêtes qui ne le concernent pas. » Pour lui, « si bruyants qu’ils soient, ces affrontements claniques demeurent secondaires au regard du vrai combat, celui qui oppose le peuple à l’oligarchie. C’est celui-là qui doit toujours nous mobiliser. »

Le fondateur du RCD, explique que « sans préjuger des crimes ou délits pour lesquels ils sont poursuivis, on peut supposer que la récente sortie de l’ancien ministre de la Défense, le général à la retraite Khaled Nezzar, ajoutée à la confession de l’ancien chef d’État Liamine Zeroual, ne sont pas étrangères à la précipitation de la décision qui vient d’être prise ».

Il rappelle que « le premier a publiquement déclaré que Said Bouteflika lui avait fait part, au mois de mars, de son intention de décréter l’état de siège ou l’état d’exception, tout en prévoyant de faire démettre l’actuel chef d’état-major, Ahmed Gaid Salah. Auparavant, Zeroual, avait révélé que le général Toufik l’a approché pour le compte de Said Bouteflika en vue de gérer la transition ».

Sans faire de lien direct, il affirme : « au stade où nous en sommes, les liens entre ces tractations et les trois arrestations ne sont que des possibilités ou, peut-être, des probabilités. Il convient donc de toujours demeurer mesuré dans les analyses et de ne pas, systématiquement, hurler avec les loups. » Pour Sadi, « si ces interprétations venaient à se vérifier, ce serait encore plus terrible pour le pays que tout ce que l’on pouvait imaginer. »

Sans applaudir clairement leurs arrestations, Saïd Sadi enfonce Saïd Bouteflika, en soulignant ce qui a provoqué sa chute. « Au fur et à mesure que déclinait la santé de son frère et au vu et su de tous, un homme a fait et défait des gouvernements, disposé du trésor public pour orienter l’économie du pays vers des intérêts douteux, engagé la nation dans des rapports internationaux contraignants sans que cela ait posé problème à quiconque. Le jour où il est suspecté d’avoir attenté à des positions acquises, son rôle est dénoncé comme une haute trahison. » Pour lui, « c’est la notion même de la responsabilité publique qui est posée dans ce feuilleton où, dans l’ombre, des acteurs sans fonction officielle, disposent du destin d’un peuple. »

Saïd Sadi explique que « fondamentalement, ce qui se passe sous nos yeux n’est pas nouveau. ». « (…) on a vu des versions plus actuelles de ces « alternances » plus ou moins sanglantes en 1965 lors du putsch de Boumediene, en 1967 à l’occasion de la tentative avortée du coup d’état du chef de l’état-major de l’époque, Tahar Zbiri, en 1992 quand le chef de l’État a été poussé à la sortie avant de voir l’exécution en direct à la télévision de l’homme qui avait allumé l’étincelle du premier novembre 1954… »

L’ex-président du RCD pense qu’ « il faut libérer la nation » de « cette spirale infernale ». « Ce n’est pas en se focalisant sur la guerre des clans, si spectaculaire soit-elle, que l’on va dépasser les problèmes qui minent le pays. Et cette bataille d’Alger, remportée par un clan sur un autre, sur fond de coterie régionaliste, n’annonce rien de bon quant à la stabilité et la cohésion de la nation pour laquelle se sont levés des millions d’Algériens depuis le 22 février. »

Et d’ajouter : « Pour qui apprécie la situation politique du pays à l’aune des rapports de force qui rythment les évolutions historiquement conflictuelles du régime, ces trois arrestations qui occuperont, à n’en pas douter, les gazettes pendant quelques jours ou semaines, est un mini séisme. Raison de plus pour ne pas laisser cette révolution de palais vampiriser nos luttes. »

Pour lui, il est « impératif de toujours revenir à l’essentiel qui se joue chaque vendredi pour bien analyser l’autre bataille d’Alger. La vraie. Ni la pluie ni les menaces n’ont dissuadé les marcheurs de sortir encore en masse le dernier week-end. »

Saïd Sadi poursuit en soulignant que « cette Révolution que rien ne semble atteindre est pourtant soumise à des manœuvres d’intimidation, de provocation, de division ou de désinformation qui réveillent de bien pénibles épreuves. » Il dénonce le blocage des routes chaque jeudi soir pour empêcher les manifestants de rejoindre la capitale. « Ne manquent que les laissez-passer pour donner toute leur épaisseur aux sombres souvenirs des affres d’une guerre qui hante la mémoire collective », déplore-t-il.

« D’autres forces, naguère, ont, elles aussi, cru pouvoir anéantir la détermination des Algériens à arracher leur indépendance. Aujourd’hui, l’oppresseur n’est plus un étranger mais les deux dénis se rejoignent dans leur aveuglement : l’engagement dans le sens interdit de l’Histoire », assène encore Saïd Sadi.

Il dénonce aussi la couverture des médias publics des manifestations de vendredi. « Comme aux pires années de braises, les moyens de propagandes prennent le relai du déploiement des troupes pour créer chaque vendredi l’impression de désaffection des populations à Alger. L’intérieur du pays, où la mobilisation, se renforce et gagne tous les chefs lieux de wilayas, est, pour l’instant, passé par perte et profit. L’urgence est d’éviter une manifestation durable de la relation fusionnelle du peuple en éloignant la province de la vitrine du pays ».

Il ajoute que « le mimétisme avec le passé traumatique est poussé à son paroxysme. Le pouvoir exige de ses supplétifs de tenter des incursions dans « le djebel » pour convaincre l’indigène de renoncer à ses virées algéroises et même, si possible, de le persuader qu’un régime éternel tient bien la barre et qu’il ne cédera sur rien. »

Dans sa contribution, Sad Sadi n’épargne pas le MSP, qui a applaudi les arrestations des trois grandes figures du système Bouteflika. « Une filiale de l’internationale des frères musulmans qui a montré patte blanche au régent, aujourd’hui sous les verrous, il y a à peine trois mois applaudit avec le même zèle au dernier message de l’armée. Demain, cette succursale saluera avec un empressement intéressé toute équipe qui conduira le train du pouvoir. L’essentiel est d’être dans l’un des wagons où le bazar économique permet de grignoter des positions, même insignifiantes, en attendant, espère-t-on toujours, de se rapprocher de la locomotive ».

Il critique aussi « les stagiaires du garde à vous politique. » « Ces êtres se sont auto-intoxiqués au point de ne pouvoir envisager l’Algérie en dehors de leurs ambitions. Aujourd’hui, ils ont les deux pieds dans le système et un œil sur le mouvement de contestation. Ils veulent, contre vents et marées, que l’élection présidentielle soit organisée avant les législatives. Et vite. Subordonnant au carriérisme politique le destin d’un peuple en marche, ils reniflent les humeurs des militaires pour ajuster leur propos et sécuriser leur positionnement, un peu comme le rhumatisant guette la météo avant de programmer ses sorties et doser ses potions. Tant d’erreurs d’appréciation, d’approximation dans l’analyse et de fausseté dans le jugement frise la déraison. »

Saïd Sadi poursuit en raillant ces « nouveaux soutiens » de l’armée : « Voilà donc les béquilles sur lesquelles compte la direction de l’armée pour faire écho à une démarche politiquement illisible et stratégiquement aléatoire. »

Poursuivant son analyse de la situation politique, il indique que « sur le terrain, ce n’est guère mieux. » « A Djelfa, les zooms des caméras de la télévision publique, dépêchée mercredi premier mai pour la circonstance, n’ont rien pu faire pour donner un minimum de visibilité à une escouade expédiée sur les lieux aux fins de rehausser la crédibilité de l’état-major. Conduite par une matrone qui défraie régulièrement la chronique par ses éructations xénophobes et qui, hier encore, célébrait le génie de Bouteflika, l’initiative a tourné court. Missionnée aussi pour semer les germes de la division, la bande n’a dû son salut qu’à sa fuite. Ses commanditaires ont dû boire le calice jusqu’à la lie. La ville, condamnant sans appel la manœuvre, a répondu par des manifestations de rejet du système en brandissant, à côté du drapeau algérien, l’emblème amazigh et celui des Ouled Nail. Le salut national ne viendra que du dévouement citoyen. »

Pour lui, « au niveau populaire, l’état-major a perdu l’autre bataille d’Alger que, du reste, rien ne l’obligeait à engager. Quand bien même se convaincrait-il qu’il peut encore tenter d’autres opérations, chaque fois plus périlleuses, quelle gloire y aurait-il à gagner contre son peuple ? Et à quel prix ? »

Ne lâchant rien, Saïd Sadi ajoute : « Quand le militaire s’immisce dans la sphère politique ou, plus grave, quand il prétend la diriger ou la domestiquer, il devient alors la pire des forces extra-constitutionnelles. » Pour lui, « l’ANP peut encore se ressaisir et se fondre dans la République en rejoignant ses casernes. Alors, et alors seulement, elle pourra gagner sa bataille d’Alger et se présenter, enfin, comme la digne héritière d’une ALN qui s’était fixé l’objectif de libérer la patrie, et non, comme c’est le cas depuis l’indépendance, celui de la dominer. »

Pour conclure Saïd Sadi parle de l’essentiel en affirmant qu’il « faudra maintenant assumer le sens et les implications démocratiques de cette miraculeuse insurrection en faisant fi de tous les soubresauts du pouvoir. » « Outre l’indispensable poursuite de la lutte qu’il faudra adapter à la conjoncture immédiate, les veillées du ramadan peuvent être mises à profit pour débattre des modes d’organisation et des agendas de la période de transition. Il est impératif que tout un chacun saisisse qu’au-delà des spasmes qui agitent le sérail, c’est dans cette phase que se décidera le destin algérien. C’est là qu’il faudra mobiliser l’ensemble du potentiel moral, intellectuel et politique du pays car tout le reste en dépend et en découle. Si le plus dur, en l’occurrence le dépassement de la peur, est acquis ; le plus délicat, c’est-à-dire le plus important, est devant nous. »

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