Said Sadi a rendu un vibrant hommage au professeur Mahfoud Boucebci, qui a été assassiné par des terroristes le 15 avril 1993 à Alger.
« Parler du parcours du professeur Mahfoud Boucebci c’est appréhender une phase historique particulière de l’Algérie en général et de son université en particulier », entame le fondateur du RCD, dans un témoignage intitulé « Mohfoud Boucebci: un homme libre ».
À Bastia (France), devant les participants au 116e colloque international de l’Association du congrès de psychiatrie et de neurologie de langue française et du 52e congrès annuel de l’Association des médecins psychiatres du Quebec, Said Sadi a longuement évoqué « les grandes axes de la philosophie des principes » de Boucebci.
Avant d’entamer son témoignage, il commence par « rappeler quelques éléments de contexte au moment où Boucebci a eu à exercer sa profession. »
« Après l’indépendance, l’Algérie a fait un certain nombre de choix doctrinaux et politiques qui n’étaient pas sans incidence sur l’université. À la faculté de médecine, ces orientations se traduisirent rapidement par des décisions qui signaient une volonté de rompre avec la pratique médicale universelle », rappelle l’orateur.
Il enchaîne ensuite pour préciser que « quand Boucebci obtint son agrégation en 1972, les franchises universitaires étaient déjà largement érodées et l’université algérienne avait entamé une involution générale qui est toujours à l’œuvre. »
Said Sadi affirme que « sans contester frontalement cette spirale descendante, Boucebci, auquel on ne connaît aucune accointance partisane, entreprit rapidement de se fixer les limites au delà desquelles il n’accepterait pas de négocier dans l’exercice de son métier. »
D’abord au CHU Mustapha Bacha, ou le professeur en psychiatrie a commencé à exercer. « Il fit rapidement savoir que ses consultations ne dérogeraient pas aux normes universelles de la visite médicale. «
« Mais c’est en prenant en charge le service de Drid Hocine qu’il se distingua par une conception pédagogique et une gestion administrative où, faisant valoir ses convictions éthiques, il structura des unités de soins qui n’avaient rien à envier à leurs semblables occidentales, assumant de s’inscrire comme acteur de la psychiatrie francophone au moment où l’éducation nationale était dédiée à un panarabisme hégémonique », relate le Docteur Sadi, également psychiatre.
« Je crois que l’on peut dire qu’au delà de sa grande disponibilité, Boucebci était un vrai transmetteur de savoir », affirme encore Said Sadi.
Pour le fondateur du RCD, le Pr Boucebi n’était pas seulement un psychiatre. Il « s’est aussi signalé assez tôt par une large ouverture sur la société. Il avait initié et accompagné des associations de parents de handicapés, des femmes célibataires, d’enfants abandonnés, de toxicomanes… « , affirme encore Said Sadi, dans son témoignage, publié sur sa page Facebook.
Pour Said Sadi, « malgré des contraintes considérables, Boucebci a pu initier et valoriser la psychiatrie algérienne dont nous avons vu sinon la genèse du moins l’émergence. »
Said Sadi ajoute que Boucebci, qu’il a sollicité, avait donné son accord, sans hésiter, pour faire partie des membres fondateurs de la ligue algérienne des droits de l’Homme.
Poursuivant son témoignage, Said Sadi explique que « quand le fondamentalisme commença à projeter ses premières prétentions sur la communauté universitaire, beaucoup d’enseignants livrés à eux- mêmes par un pouvoir menacé par sa création, s’employèrent à négocier des compromis plus ou moins acceptables. D’autres ont décidé de quitter le pays. Boucebci restera en Algérie. »
Boucebci a continu à exercer « sans concession ni provocation et ne cédera aucune parcelle de ses prérogatives. » « Il sera assassiné devant son service le 15 juin 1993. Il est mort comme il a vécu : libre », affirme Sadi.
Pour lui, le parcours de Boucebci « parle à notre présent et peut encore éclairer notre avenir. »