Said Salhi, vice-président de Ligue algérienne des droits de l’homme (Laddh), réclame l’ouverture d’une information judiciaire après les graves révélations de l’étudiant Walid Nekiche sur ce qu’il a subi après son arrestation le 26 novembre 2019.
Comment la LADDH a-t-elle réagi aux graves révélations de Walid Nekiche sur ce qu’il a subi après son arrestation ?
Nous saluons son courage pour avoir porté cette affaire sur la scène publique. Et aussi d’avoir évoqué ces tortures devant le juge en pleine audience. En fait, Walid Nekiche ne s’est pas adressé au tribunal et au juge. Il s’est en réalité adressé à l’opinion publique.
À travers ses révélations, Walid voulait prendre à témoin l’opinion et les citoyens Algériens sur ce qu’il a vécu et que n’importe quel autre citoyen peut subir.
Il a révélé une réalité qui n’est pas nouvelle dans notre pays : la torture. Dans le cas de Walid, il est clairement question de torture au vu des faits qu’il a révélés, bien que cette pratique (la torture) soit interdite par le droit national. L’article 39 de la Constitution interdit formellement la torture. L’article 263 du Code pénal définit la torture et l’interdit avec des peines maximales qui peuvent aller jusqu’à dix ans de prison ferme à l’encontre d’agents coupables d’avoir participé ou ordonné la torture.
C’est dans ce cadre que s’inscrit votre appel à l’ouverture d’une enquête …
Tout à fait. L’enquête ou l’information judiciaire devait être ouverte sur le champ dès la révélation des faits. Le parquet devait s’autosaisir immédiatement et ouvrir une information judiciaire.
Le ministre de la Justice devait réagir. Il s’agit d’une révélation grave, d’une atteinte grave aux droits de l’homme et à la dignité humaine. Il faut rappeler qu’une plainte a déjà été introduite via les avocats de Walid Nekiche dès le mois de juillet dernier sur les mêmes faits mais sans aucune suite jusqu’à maintenant.
Pour le moment, nous nous adressons à l’opinion et à la conscience nationale. Cette affaire doit interpeller toutes les consciences. Et puis, nous mettons devant leurs responsabilités les institutions de l’État, sécuritaires et judiciaires notamment.
C’est une responsabilité avérée et ils doivent assumer leurs responsabilités. La torture doit cesser dans ce pays. Elle a fait tellement de dégâts, tellement de plaies et de douleurs, qu’elle nous rappelle jusqu’à ce que nos aïeux ont vécu durant la guerre de libération nationale.
Aujourd’hui, cette pratique doit être bannie de notre système sécuritaire national, et les tortionnaires doivent être extirpés du corps de l’État car ils le déshonorent.
Le cas Walid Nekiche est révélateur de ce phénomène et n’est par conséquent pas un cas isolé…
Il est loin d’être un cas isolé, et loin d’être le premier cas. Il faut juste rappeler qu’il y avait eu le témoignage de Karim Tabbou sur les agressions physiques qu’il a subies lors de sa garde à vue, et aussi lors de sa détention.
Il y a lieu de rappeler également que la LADDH a saisi les autorités sur les violences qu’a subies Brahim Laâlami mais nous n’avons reçu aucune suite jusqu’à aujourd’hui.
Mais ce qu’a vécu Walid Nekiche choque puisqu’il est question d’agression sexuelle. C’est une première pour un détenu du Hirak. Et là je salue le courage de Walid pour avoir cassé un tabou. Et bien qu’il ait reconquis sa liberté, il reste une victime qui doit être accompagnée à travers un suivi psychologique suite au traumatisme qu’il a subi.
Pour la LADDH et c’est l’avis de tous les avocats de la défense, l’affaire de Walid Nekiche n’est pas close. Sa libération ne doit pas occulter aujourd’hui la question des mauvais traitements et des tortures dont il a été victime.