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Salles de cinéma d’Alger : la dernière séance

Sale temps pour les salles obscures à Alger. Le plan de sauvetage initié par les pouvoirs publics a fait pschitt. L’acte de décès des cinémas a bel et bien été signé.

Et pourtant, il y a trente ou quarante ans, la capitale pouvait s’enorgueillir d’avoir des salles de cinéma dignes de ce nom. L’Afrique, L’Algéria, Le Debussy, Le Paris, le Musset, le Roxy, le Caméra, le Mondial… Disparues, dégradées, inexploitées, les salles obscures « crient » au secours.

Des salles de cinéma fermées, d’autres dans un état de total abandon. Triste décor pour une capitale. Celles qui ont subi un lifting n’abritent que des spectacles pour enfants, de manière occasionnelle. Quant aux enseignes cédées aux gérants privées, elles n’affichent que des projections vidéo. Des films de sang et de violence qui n’attirent que des personnes oisives et désœuvrées. Petit tour d’horizon.

Les salles obscures dans le noir

El Hillal (Ex-Triomphe), à côté de la rue Abane Ramdane, a perdu son lustre d’antan. Les sièges sont pourris et une odeur de moisissure asphyxie les lieux. À 100 da le ticket au balcon et 80 da à l’orchestre, cette salle obscure propose uniquement des films vidéos : violence, action, hémoglobine et sexe.

À quelques pas de là, non loin du tribunal, un autre cinéma tombe en décrépitude : Dounyazed. Le portail est “saucissonné” dans un grillage qui indique que la salle est fermée. Encore un ancien cinéma qui tombe en ruine.

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Cinéma El Hayet (Ex- Midi Minuit), une petite salle à côté de la rue Larbi Ben M’Hidi. Elle est gérée par un privé qui la loue auprès de la commune d’Alger-centre.

« Cela me revient à 150 000 da par mois. Je fais des projections vidéo à 50 da le ticket. L’accès à mon cinéma est interdit aux couples. J’ai dû prendre cette mesure après avoir reçu la visite de policiers qui ont traité mon cinéma de lieu de débauche ».

Le gérant reconnaît que la salle aurait besoin de travaux. Il nous laisse jeter un œil à l’intérieur : le plancher est usé, les fauteuils défraîchis et une odeur de renfermé nous prend à la gorge « Cela coûte une fortune de tout retaper. Sans l’aide des pouvoirs publics, je ne peux supporter l’ardoise tout seul », se plaint-il.

Le cinéma L’Oursenis (Ex-Le Français), de la rue Réda Houhou est un crève-cœur. L’entrée est jonchée de détritus. Rats, cafards, et insectes en tous genres hantent les lieux. Ce qui fut jadis la perle des cinémas algérois se meurt, sous le regard incrédule des anciens habitués de ce petit joyau.

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Cinémas fantômes

Certes, plusieurs cinémas ont été réhabilités à grands frais. Toutefois, leur exploitation est quasi nulle pour ne pas dire obsolète. Le cinéma Sierra Maestra (Meissonnier), n’a accueilli qu’un spectacle pour enfants depuis janvier dernier. C’est ce que nous a appris le gardien des lieux. Seul un sachet de pains et un tapis de prière, posés sur le comptoir du guichet, témoignent d’une présence humaine, dans ce cinéma fantomatique.

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Après plusieurs années de fermeture, le cinéma Afrique (Rue Rabah Noel) a subi des travaux de rénovation. Inauguré le 18 mars dernier, aucune projection cinématographique n’y a encore été programmée, à ce jour.

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Rue Claude Debussy, le cinéma El Khayam (Ex-Debussy) abrite des projections timides de films DVD. Le cinéma ABC (à proximité de la rue Didouche Mourad) est dévolu à quelques représentations spéciales enfants. L’Algeria (qui a connu plusieurs chantiers de rénovation) ainsi que la salle Ibn Khaldoun (Rue Dr Saadane) programment des films du box-office américain.

Sur les hauteurs d’Alger, à El Biar, le cinéma El Feth (Ex-Beaulieu) a mis la clef sous le paillasson après avoir servi de salle des fêtes et de fast-food, dans les années 1990. El Abraria (Le Rex, précédemment), sur l’Avenue Ali Khodja est également fermé.

L’Ex-Casino (Rue Larbi Ben M’Hidi) a bénéficié de travaux de rénovation. La commune d’Alger-centre a désormais son théâtre municipal. Inauguré en février dernier, cette petite salle abrite des activités culturelles (one-man show, pièces de théâtre…)

Des cinémas mythiques de la capitale ont été rasés. D’autres ont définitivement baissé rideaux. D’autres encore ont été transformés en commerce d’habillement à l’instar du cinéma le Régent (Rue Ben M’Hidi).

À mon âge, je n’ai jamais été au cinéma

Les salles obscures qui restent encore debout sont désertées par le public. Les amoureux du 7e art se font des toiles dans la douceur de leurs foyers. « Je préfère regarder des films tranquillement chez moi avec des amis en streaming », nous confie Wahid (26 ans) « À mon âge, je ne sais pas ce que c’est que d’aller voir un film dans une salle de cinéma, dans mon pays ».

Dégradation, reconversion, abandon, démolition, désertion, les salles de cinéma algériennes n’existent plus que dans la mémoire des anciens. La dernière séance s’est jouée il y a fort longtemps et les écrans qui jadis s’animaient de projections en 35 millimètres, ont définitivement pris leur retraite, au grand dam des vrais cinéphiles.

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