La colère gronde dans le secteur de la santé en Algérie. Huit syndicats de ce secteur, regroupés au sein d’une coordination nationale, réclament une augmentation substantielle des salaires et l’application des mesures décidées en leur faveur par le président de la République.
« Parmi nos revendications, il y a d’abord l’augmentation substantielle des salaires alors que le pouvoir d’achat des professionnels de la santé est laminé », explique le Dr Mohamed Yousfi, président du Syndicat national des praticiens spécialistes de santé publique (SNPSSP), dans un entretien à TSA.
Une mesure qui, selon lui, implique l’accélération de la révision du statut particulier des professionnels de la santé. « Il y a eu une seule réunion avec le ministre de la Santé durant l’été. On nous a écoutés et puis il n’y a plus rien », déplore-t-il.
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Les syndicats de la santé réclament l’augmentation le plus rapidement possible du point indiciaire.
« Sur ce point, faut-il le rappeler, le président de la République a annoncé récemment qu’il avait donné des instructions. Elles ne sont jusqu’à présent pas appliquées. En tant que syndicats, nous demandons que les décisions du président de la République soient concrétisées sur deux volets : le statut particulier et le point indiciaire », ajoute le Dr Yousfi, membre de la Coordination des syndicats de la santé.
« Nous demandons aussi l’application des autres décisions du chef de l’État au sujet des mesures annoncées en avril 2020 dans le cadre de la pandémie Covid. Elles n’ont dans leur majorité pas été concrétisées. À l’instar de la prime Covid dont nous demandons l’accélération du versement en mettant les mécanismes nécessaires », énumère le président du SNPSSP précisant que certains professionnels n’ont pas perçu la 4e tranche de la prime Covid alors qu’ils attendent toujours le versement des 5e, 6e, 7e , 8e et 9e tranches.
L’autre revendication soulevée par la Coordination des syndicats de la santé concerne la nécessité d’accélérer la mise en application de l’assurance globale pour les professionnels de la santé à 100 %. Comme troisième revendication, ils réclament la mise en application de la bonification des mois et années Covid dans la retraite. « Ces mesures ont été instruites par le président de la République et on les attend toujours », remarque le Dr Yousfi.
Boycott des rencontres nationales sur la santé
Le Dr Yousfi soulève la question de la « marginalisation » des syndicats de la santé par le ministre de la Santé. « Il faut mettre fin à l’entrave à l’exercice syndical : à savoir ne pas recevoir la Coordination des syndicats de la santé alors qu’une demande d’audience a été déposée au ministère », critique le président du SNPSSP.
Le 7 novembre, la Coordination a demandé une audience au ministre de la Santé qui est restée « sans suite à ce jour alors que le ministre a reçu une autre intersyndicale », déplore le Dr Mohamed Yousfi.
« Nous avons exprimé notre ras-le-bol et dénoncé cette marginalisation de la part du ministère de la Santé. On se retrouve étrangers dans notre propre ministère. Un ministère qui est géré au profit de certains. Ceci n’est pas normal », s’offusque-t-il.
La Coordination a signifié au ministre Abderrahmane Benbouzid qu’elle ne participera pas aux rencontres sur la santé.
M. Benbouzid a tenu, le 9 novembre au siège du ministère, une réunion avec les leaders syndicaux du syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP), le Dr Lyes Merabet, du Syndicat national des enseignants chercheurs hospitalo-universitaires (SNECHU), le Pr Rachid Belhadj et le syndicat algérien des paramédicaux (SAP), présidé par Lounès Ghachi.
« La question de la réforme du système de santé a été au centre des discussions et les présidents des syndicats présents ont passé en revue les différents problèmes soulevés, en suggérant des solutions pour les résoudre », a annoncé un communiqué du ministère de la Santé.
« Le président de la République a demandé une réforme profonde du système de santé, que nous attendons depuis des années », réplique le Dr Yousfi.
« Or si on veut avancer, on a les outils nécessaires pour la concrétisation de cette réforme. Il y a la loi sanitaire qui sommeille depuis 2018 et dont on attend toujours les textes d’application. Il y a aussi la carte sanitaire qui a été discutée avec les partenaires sociaux depuis 2015. Ne perdons pas de vue aussi que la réforme hospitalière vient d’être validée par le Conseil des ministres du mois de mai dernier. On demande aux syndicats d’élaborer le diagnostic et de faire des propositions. Or, tout cela a été fait depuis des années », développe-t-il.
« Il est temps qu’on nous écoute et qu’on arrête cette marginalisation. Qu’on s’occupe des dossiers de tous les professionnels de la santé et qu’on avance. On parle de l’ « armée blanche » mais où est cette dignité et les droits de ces professionnels de la santé qui entament leur 22e mois de pandémie de la Covid ? Ils sont là debout à faire leur devoir, en mettant de côté leurs revendications. Mais ça ne peut pas continuer », met en garde le président du SNPSSP qui estime que la valorisation des professionnels de la santé passe par la concrétisation de leurs revendications.
« Au final, qui est le perdant ? C’est le citoyen, car la non valorisation des professionnels de santé va se répercuter automatiquement sur la prise en charge des citoyens. Si les droits des professionnels de la santé sont bafoués, comment pensez-vous qu’ils soient moralement et physiquement prêts à prendre en charge les malades ? En s’occupant des professionnels de la santé on s’occupe de la santé des citoyens algériens », a affirmé le Dr Mohamed Yousfi en guise de conclusion.
La Coordination nationale des syndicats de la santé regroupe les syndicats d’infirmiers, biologistes de la santé publique, sages-femmes, psychologues médecins généralistes, professeurs de l’enseignement paramédical et les praticiens spécialistes de santé publique.