Le président du Syndicat national des praticiens spécialistes de santé publique (SNPSSP), le Dr Mohamed Yousfi, revient dans cet entretien sur les statuts particuliers des personnels de santé, la réforme du système de santé algérien, les pénuries de médicaments et le service civil.
Le président de la République s’est engagé lors des dernières assises à réviser les statuts des personnels de santé avant la fin de l’année. On est en décembre qu’est ce qui a été fait, est ce que la promesse a été tenue ?
Le Syndicat des spécialistes attend cet amendement des statuts depuis 2011. Le feu vert a été donné par le président de la République l’année dernière.
On attend beaucoup de cette révision, parce que le statut des spécialistes est le plus pénalisant au niveau de la fonction publique. Cette révision va permettre de mettre fin à cette hémorragie de spécialistes au niveau des structures de santé publiques.
On a eu plusieurs réunions avec le ministère de la Santé concernant ces statuts. Nous avons proposé nos amendements qui sont pratiquement les mêmes depuis 2011.
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Nous saluons le nouveau ministre de la Santé pour tout le travail qui a été fait et surtout pour l’ouverture du dialogue qui a été rompu avant son arrivée.
Lors de la dernière réunion qu’on a eue avec le ministère de la Santé le 27 octobre, on s’est mis d’accord sur l’amendement proposé par le syndicat. On était sur la même longueur d’ondes pour que ce soit envoyé à la Fonction publique.
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On attend beaucoup après les instructions du président de la République et l’engagement du ministère de la Santé qui a été réaffirmé lorsque le ministre nous a reçus le 6 décembre dernier où on a évoqué beaucoup de problèmes des spécialistes de la santé publique.
On a évoqué avec le ministre actuel, l’ouverture du dialogue. Il nous a assuré de son soutien et de la prise en charge de l’ensemble des points qui sont en instance au niveau du premier ministère, à savoir la mise en conformité de la prime d’apaisement, les mesures incitatives concernant le service civil qui ont été évoquées par le président de la République en 2020 et 2021.
On attend leur concrétisation comme la fin de la discrimination en matière d’imposition et les statuts particuliers. Le ministre nous a rassurés à ce sujet.
Nous attendons la fin de l’année pour concrétiser cette réhabilitation du spécialiste de la santé publique à travers la prise en charge de l’ensemble de ses problèmes particulièrement les statuts qui serait la première mesure incitative pour les encourager, pour les réhabiliter et leur rendre confiance.
Nous sommes sortis de la réunion avec le sentiment de prise en charge d’une manière sérieuse. Ça ne nous étonne pas du nouveau ministre, qui est un fervent partisan du dialogue et qui a réglé beaucoup de problèmes de spécialistes par le passé.
Vous êtes donc optimistes Dr Yousfi ?
On est toujours optimiste. Si on est dans ce syndicat depuis trente ans malgré tous les problèmes et tous les obstacles qu’on a eus, on a toujours été optimistes pour le secteur public et pour notre pays.
Sans langue de bois, on a fait beaucoup de sacrifices. C’est un choix qu’on a fait de rester dans le secteur public. J’espère qu’avec le nouveau ministre, on pourra franchir de nombreux obstacles parce qu’il y a l’écoute et le dialogue, chose qu’on n’avait pas avant.
Le président de la République, depuis son arrivée, a affiché la volonté d’améliorer la prise en charge des malades pour leur assurer un meilleur accès aux soins. Sur le terrain, il y a beaucoup de problèmes : manque de médicaments, manque de spécialistes, beaucoup de médecins quittent l’Algérie… Avez-vous discuté de ces problèmes avec le ministre de la Santé ?
Ces discussions sont permanentes même quand il était secrétaire général du ministère de la Santé. On en a discuté ces jours-ci, bien sûr.
Le ministre est conscient que la tâche est très lourde, avec un système de santé complètement délabré et des dysfonctionnements importants.
Le président de la République a donné des instructions à plusieurs reprises, je parlais de mesures incitatives, de la réforme profonde du système de santé. Nous attendons la concrétisation avec impatience. Concernant le ministre, c’est l’homme qui pourrait conduire ces réformes. C’est clair, la situation est très dure.
Beaucoup de choses doivent être rapidement redressées. Elles ne peuvent être redressées que lorsqu’on fait confiance aux professionnels de la santé, aux enfants du système et lorsqu’on prend en considération leurs préoccupations.
Tous les pays, qui ont avancé, ont investi dans les ressources humaines. Malheureusement, dans notre secteur, on a investi dans les murs et les équipements et on a oublié les ressources humaines.
Que faut-il faire ? Par quoi faut-il commencer ?
La révision des statuts est la première chose à faire. Il faudrait s’occuper des ressources humaines et parallèlement revoir complètement le système de santé en termes de gestion et de fonctionnement.
On attend avec impatience aussi les textes d’application de la loi sur la santé. La mise en application de la carte sanitaire, c’est très important. Ça fait quatre ans et demi que cette loi a été votée et que jusqu’à présent, il n’y a aucun texte d’application.
Le ministre s’attèle à mettre en application cette loi. Il nous l’a dit : il compte beaucoup sur la contribution et la concertation avec les partenaires sociaux pour relever le défi rapidement qui est celui d’améliorer la prise en charge des malades à travers le pays.
Malgré les mesures prises par les autorités du pays, il y a toujours des ruptures fréquentes de médicaments. Que propose votre syndicat ?
Quand on parle de dysfonctionnement du système de santé, c’est valable pour le médicament et la Pharmacie centrale des hôpitaux.
Est-ce que c’est un problème de gestion ?
Bien sûr. Je vous le dis sincèrement : c’est un problème de gestion. Ce n’est pas un problème de moyens humains ou matériels. On est sur le terrain et on est à l’aise pour le dire.
On peut faire mieux que ça, que ce soit pour le médicament ou pour les structures de santé. Tout le monde s’accorde à dire que le problème de santé est un problème de gestion d’abord.
C’est pour cela que j’insistais sur l’application de la nouvelle loi sur la santé notamment la contractualisation et la numérisation. Ce sont des éléments clés dans cette loi qu’on tarde à appliquer.
Actuellement, c’est le flou total. N’importe qui fait n’importe quoi. C’est en mettant les bases d’une gestion saine à travers l’application de la loi qu’on pourra sortir de cette situation.
On est confiants avec la nomination du nouveau ministre de la Santé mais aussi du nouveau ministre de l’Industrie pharmaceutique. Je pense qu’avec ces deux ministres, le problème du médicament sera bien pris en charge. On a déjà noté ces derniers mois, une légère amélioration.
Qu’en est-il du service civil qui est décrié par les médecins ?
On est le seul syndicat à demander l’abrogation du service civil. On a proposé des mesures incitatives pour abroger le service civil depuis 20 ans.
Le service civil est une fausse solution pour un véritable problème. La couverture spécialisée et équitable dans toutes les wilayas, c’est notre devoir mais le service civil n’est pas la solution.
On oblige les gens à partir. Les médecins y vont en étant démobilisés, démissionnaires. Il faudrait qu’on fasse comme dans tous les pays du monde en mettant en place les mesures incitatives que nous avons déjà proposées.
Personne ne nous a écoutés depuis 2002. Tout le monde est au courant, y compris la Présidence de la République. On se réjouit de la préoccupation affichée par le président pour le secteur de la santé qui a clairement appelé à l’application des mesures incitatives.
En les appliquant, le service civil va disparaître de lui-même. Malheureusement, les instructions présidentielles tardent à être concrétisées. J’espère qu’avec la nouvelle équipe, elles seront concrétisées dans l’intérêt du secteur, du spécialiste de santé publique et dans l’intérêt du malade.