Le laboratoire pharmaceutique français Ipsen et la société d’investissement algérienne Isly Holding ont conclu, le 7 décembre à Paris, un accord de partenariat en vue de la création d’une usine de fabrication d’un médicament anticancéreux en Algérie.
Adlane Soudani, directeur général d’Ipsen Pharma Algérie et Lyes Boudiaf, président et fondateur de la société Isly Holding ont accordé un entretien à TSA, dans lequel ils reviennent avec plus de détails sur ce projet.
Votre entreprise Isly Holding a signé un accord de partenariat avec les laboratoires Ipsen France, pour la création d’une joint-venture afin de produire des médicaments essentiels. Pouvez-vous nous donner plus de détails sur ce projet ?
Lyes Boudiaf : ce projet repose sur un accord de partenariat qui a été signé le jeudi 7 décembre 2017 lors de la rencontre du Comité intergouvernemental de haut niveau algéro-français à l’Hôtel Matignon à Paris, en présence des deux Premiers ministres algérien et français, Messieurs Ahmed Ouyahia et Edouard Philippe.
Cet investissement consiste en la création d’une société mixte algéro-française régie par la loi de l’investissement étranger en Algérie, c’est-à-dire la règle du 51/49, entre Ipsen, un laboratoire pharmaceutique de renommée mondiale et la société d’investissement Isly Holding qui donnera naissance à Ipsen Pharma Algérie SAP.
C’est un signal fort et exemplaire de la collaboration entre deux entreprises privées française et algérienne encouragées par les autorités des deux pays.
Avec ce partenariat entre Isly et Ipsen, vous comptez produire un anticancéreux, une première en Algérie. Qu’est-ce que le Decapeptyl et quelle est son importance ?
Adlane Soudani : il s’agit d’un médicament de type peptide à libération prolongée, le Decapeptyl 3,75 mg et 11,25 mg, indiqué dans le traitement du cancer de la prostate avancé seul ou en traitement concomitant, l’endométriose à localisation génitale et extra-génitale, la puberté précoce centrale, les fibromes utérins et enfin l’infertilité féminine.
Mais vous allez aussi produire d’autres médicaments, d’utilisation plus courante…
Adlane Soudani : nous allons procéder à un transfert de technologie pour fabriquer d’autres médicaments chez des sous-traitants et laboratoires locaux qui ont déjà les équipements et le savoir-faire nécessaires dont le processus de production peut être réalisé par leurs soins.
Il s’agit de la gamme de santé familiale d’Ipsen : Smecta, Bedelix, Forlax et Tanakan. C’est tout l’intérêt du projet, car nous allons réaliser une usine en propre d’innovation dont le processus de production n’existe pas en Algérie.
L’installation d’une telle usine de fabrication d’anticancéreux est une première en Algérie. Quel est son intérêt et que va-t-elle apporter à l’industrie pharmaceutique algérienne ?
Lyes Boudiaf : Ipsen n’a qu’une seule usine au monde qui fabrique le Decapeptyl, celle qui sera réalisée en Algérie sera la deuxième. Ça sera aussi une première en Afrique.
La première valeur ajoutée est la disponibilité du produit afin de satisfaire au besoin du marché local, ce produit représentant une enveloppe d’importation de 10 millions d’euros qui seront économisés grâce à notre investissement.
Nous étudions également la possibilité d’exporter certains produits de notre gamme de produits à destination des marchés limitrophes et des pays africains.
À quel point la fabrication du Decapeptyl sera effectivement algérienne ?
Adlane Soudani : nous serons sur un full process. Il y a, de mémoire, une dizaine d’étapes de fabrication qui seront totalement faites dans notre usine en Algérie.
L’usine pourra couvrir la totalité de la demande algérienne en Decapeptyl ?
Adlane Soudani : c’est notre objectif. Cette usine sera capable de satisfaire aux besoins de patients algériens. Nous allons la calibrer de façon à ce qu’elle prenne en compte la croissance de la demande lorsqu’elle sera opérationnelle 2021.
Avec ce projet, vous vous lancez dans la fabrication de médicaments oncologiques en Algérie, des produits de haute technicité. Ce savoir-faire d’Ipsen profitera-t-il à l’industrie pharmaceutique algérienne et aux travailleurs de la filière ?
Adlane Soudani : innover pour mieux soigner est la devise d’Ipsen, nous sommes dans une logique d’investissement durable et nous sommes assez optimistes sur l’évolution économique de notre investissement en Algérie.
Lyes Boudiaf : le transfert de technologie, l’innovation, la création d’emplois très qualifiés, la contribution à la satisfaction des besoins nationaux pour les médicaments de ce type constituent nos lignes de conduite. Nous sommes conscients d’entrer dans un domaine vital pour répondre aux besoins de la santé publique et satisfaire la demande des patients et des praticiens.
Je fais confiance aux compétences de mes compatriotes pour participer à ce beau projet car nous ferons appel à eux pour que ce projet porte ses fruits.
De nombreux investisseurs et économistes pensent que la règle du 51/49 est un frein à l’investissement étranger en Algérie. La réalisation de votre projet n’a pas été compliquée par cette règle ?
Lyes Boudiaf : les deux partenaires ont reconnu que la structure d’investissement 51/49 n’était pas une entrave car il n’y a pas que l’investissement financier, il y a un investissement d’innovation et de technologie et surtout, le management.
Au sein de la société mixte, nous nous sommes répartis les tâches de façon que chacune des deux parties fasse et maîtrise son métier.
Les investisseurs se plaignent aussi du problème de manque de foncier industriel. Qu’en est-il pour votre usine ?
Adlane Soudani : une demande a été formulée auprès de la ville nouvelle de Sidi Abdellah. Les autorités nous ont demandé de fournir un certain nombre d’éléments conformément à la procédure en vigueur.
Nous allons nous mobiliser pour satisfaire à cette procédure avec l’objectif partagé de poser la première pierre durant l’année 2018.