Les propos de Said Bouteflika devant le tribunal de Dar el Beida sur la divulgation des secrets d’Etat ont scandalisé Abdelaziz Rahabi, qui demande la mise en place d’une loi pour protéger les secrets officiels.
Said Bouteflika, qui était considéré comme le véritable régent de la vie politique en Algérie après la maladie de son frère Abdelaziz, a été condamné à deux de prison ferme par le tribunal de Dar el Beida (Alger) pour « entrave au bon déroulement de à la justice ».
L’ex-conseiller à la présidence de la République était poursuivi dans l’affaire de l’ancien ministre de la Justice Tayeb Louh qui a été lui condamné à six ans de prison ferme.
Said Bouteflka, 63 ans, est poursuivi dans une autre affaire dite de la chaîne Istimraria TV et du financement occulte de la campagne électorale pour le 5e mandat avorté de son frère Abdelaziz. Il attend son procès.
Devant le tribunal de Dar el Beida, Said Bouteflika a fait une déclaration qui n’est pas passée inaperçue. Il a dit devant le juge qu’il a de « lourds secrets qui pourraient ébranler l’Etat » algérien. Une menace à peine voilée de divulguer des secrets d’Etat quand il était considéré comme le véritable dirigeant de l’Algérie, notamment durant le 4e mandat du président déchu Abdelaziz Bouteflika (2014-2019). Une menace qui a provoqué la consternation d’Abdelaziz Rahabi.
« L’ancien conseiller et président de fait depuis 2009 menace devant le tribunal de révéler ”des secrets de nature à ébranler l’Etat”, ajoutant ainsi une autre phase dans la déliquescence de l’Etat entamée en 1999 », a dénoncé Abdelaziz Rahabi, ancien ministre et ex-ambassadeur d’Algérie à Madrid, dans une déclaration à TSA, ce mercredi 13 octobre.
« Le juge pas plus que les pouvoirs publics, qui ne se sont pas d’ailleurs servis par le faible et inopérant cadre légal actuel, n’ont pas jugé utile de rappeler publiquement et fermement que les secrets sont la propriété exclusive de l’Etat et que les porteurs de ces secrets sont soumis à de strictes règles de protection d’informations acquises au moment de l’exercice de fonctions étatiques quel qu’en soit le niveau, ou par le fait même de leur implication dans le processus de prise de décision stratégique », a estimé Abdelaziz Rahabi.
« Besoin urgent d’une loi pour protéger les secrets officiels »
L’ancien diplomate rappelle qu’il n’a pas « cessé de le dénoncer depuis 2008, quand j’ai observé la confiscation progressive de l’Algérie par des aventuriers dénués de tout sens de l’Etat. »
Il est « regrettable de voir la persistance » et en « toute impunité d’un véritable souk informel aux informations sensibles instrumentalisées selon le cas comme une arme de chantage, un outil privilégié dans les luttes de clans, une monnaie d’échange ou encore un gage de fidélité et un ticket d’entrée dans l’intelligence avec des puissances étrangères ».
Pour Rahabi, les secrets officiels sont destinés à « servir l’Algérie et à la protéger, non pas à l’ébranler dans ses fondements déjà fragilisés par la corruption généralisée et la mauvaise gouvernance ».
Abdelaziz Rahabi enchaîne en plaidant pour la mise en place d’une loi de protection des secrets d’Etat. Il soutient que l’Algérie, à « l’instar de tous les Etats organisés, a un besoin « urgent d’une Loi de protection des secrets officiels, d’affaires, d’actes, documents et données, car la divulgation d’informations sensibles peut constituer un risque pour la sécurité et la défense de notre pays. »
Il soutient que cette loi doit « évidemment respecter les droits fondamentaux du citoyen et ne pas constituer une restriction à l’accès à l’information. »
Arrêté le 4 mai 2019, deux mois après la démission de son frère de la présidence de la République sous la pression de la rue et de l’armée, Said Bouteflika a été condamné par le tribunal militaire de Blida à une peine de 15 ans de prison ferme.
Il était poursuivi dans une affaire de « complot contre l’autorité de l’Etat et de l’armée ». Le 2 janvier 2020, il a été blanchi par la justice militaire. Mais il a été transféré à la prison d’El Harrach ou il attend la tenue de son procès sur l’affaire du 5e mandat de son frère.