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Séries TV Ramadan 2023 : quand l’excès de réalisme tue l’artistique

Séries TV Ramadan 2023 : quand l’excès de réalisme tue l’artistique

C’est Ramadan, le mois sacré du jeûne, mais aussi la saison des productions télévisées, dramatiques ou comédiennes en Algérie, comme si la création artistique ne se déguste qu’avec un bol de chorba.

Mais la question n’est pas là, c’est l’occasion de jeter un œil sur le contenu proposé d’un point de vue artistique.

Les chaînes de télévision algériennes, publiques ou privées, semblent n’attendre que le mois de Ramadan pour diffuser leurs meilleures productions.

D’ailleurs, tous les comptes à rebours et délais accordés aux producteurs s’arrêtent à la nuit du doute et d’observation du croissant lunaire annonçant le début du mois de ramadan.

Dès l’adhan du Maghreb annonçant la rupture du jeûne, un florilège de programmes télévisés défile, jusqu’à des heures tardives, sur les petits écrans des Algériens.

Des incontournables caméras cachées aux séries dramatiques, en passant par moult programmes culinaires et comiques, le public a de quoi zapper.

Au-delà de la qualité des programmes diffusés et des performances des acteurs, qui suscitent des controverses chaque année, l’aspect artistique fait souvent défaut.

De plus, c’est la période dans laquelle l’Autorité de régulation de l’audiovisuel (ARAV) intervient le plus, comme c’est le cas des explications demandées à la Télévision algérienne (ENTV) à propos du feuilleton Damma.

Si l’on s’arrête sur les séries dramatiques ramadanesques, la présentation artistique du contenu interpelle à plusieurs égards. Sans citer nommément tel ou tel travail, l’image globale que dégagent ces productions est une représentation typique, voire caricaturale, du vécu quotidien de la majeure partie du public algérien.

Des productions plus proches du documentaire que de l’artistique

D’un point de vue purement artistique et critique, le réalisme dans l’art n’est pas du tout cette représentation de la réalité telle qu’elle, en la répétant fadement devant le spectateur.

Dans les œuvres artistiques qui se respectent, même celles dites réalistes, aucune réalité ne doit être représentée sans être déviée ou du moins agrémentée d’une touche artistique.

Vouloir gagner l’estime du public en lui proposant des visions exactes de ce qu’il vit au quotidien n’est que naïveté et incompréhension de l’expression artistique.

Pour le critique et professeur d’université Mohamed-Lamine Bahri, « le réalisme dans l’expression artistique n’est nullement une projection totale de l’art sur la réalité », ce qui pourra être d’une fatalité inéluctable pour cet art dans le monde réel.

Et lorsque, au contraire, la réalité détient sur l’expression artistique, celle-ci se retrouve dénuée de tout son véritable sens, devenant un simple « perroquet qui ne fait que répéter ce qui se passe dans la réalité ».

Dans ce cas, on se retrouve plutôt devant « une œuvre documentaire, mais pas du tout une œuvre dramatique », a-t-il constaté dans une contribution parue ce jeudi 30 mars sur Facebook.

On est donc devant l’obligation de bien définir les limites du réalisme dans l’art et celles de l’art représenté sous la cape du réalisme. L’idéal dans une œuvre dramatique, du point de vue du professeur à l’université de Biskra, est d’exprimer la réalité à travers une vision artistique. C’est-à-dire que l’image présentée doit être totalement artistique, mais basée sur une perspective réaliste.

Pourquoi le public est-il si réceptif à ces œuvres dépourvues de l’artistique ? 

Le problème se pose, de ce fait, au niveau de l’écriture scénaristique. Dans cette étape cruciale, l’auteur ou le scénariste a le devoir de décomposer cette réalité et de la reconstruire avec une touche artistique, ce qui est en soi une création.

« Cela signifie que la matière, l’espace et la base dramatique sont tous des éléments devant être puisés de l’imagination artistique », explique le professeur. La réalité devient donc uniquement un sujet traité par l’artistique.

Ainsi, le public découvre la touche et les techniques artistiques qui reproduisent devant ses yeux la reconstruction de la réalité et du monde.

Il sera devant une œuvre artistique par excellence retraçant sa réalité, « agrémentée par l’imagination du réalisateur », et non pas devant sa réalité telle qu’elle, répétée d’une manière plate et fade dans son petit écran. De toute façon, il est confronté quotidiennement à cette réalité, pas besoin de la lui rappeler.

À quelques œuvres près, dont la comédie dramatique Dar Lefchouch de Djaffar Gacem, la majorité des œuvres dramatiques proposées au public algérien durant ce Ramadan sont dénuées de toute vision artistique, mais plutôt proches de « documentaires traitant la criminalité, la délinquance, la marginalisation et autres fléaux sociaux », explique le critique.

Avec cette représentation dépourvue de toute approche artistique et dramatique, ces productions ont trahi, « à la fois, l’art et la réalité ». Mais le public, du moins une certaine frange, apprécie ces représentations, ce qui est une preuve de plus qu’il s’agit « de messages documentaires qui reflètent parfaitement sa réalité ». Il ne s’agit aucunement d’une appréciation artistique.

Résultat des comptes, l’étendue et la portée de ces productions s’éteignent aussi rapidement qu’elles naissent, avec éventuellement un buzz instantané et éphémère.

On ne retient d’elles que ces extraits, souvent sortis de leurs contextes, qui vont continuer à défiler sur les fils d’actualité des réseaux sociaux, comme de vulgaires séquences amateures. Et l’artistique alors, celui qui laisse sa trace indélébile dans l’histoire, quand est-ce qu’on y aura droit ?

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