Ce n’est pas le genre de crime qu’on assume, même lorsqu’on est une armée d’occupation qui tue quotidiennement depuis trois quarts de siècle.
Contre l’évidence, l’armée israélienne tente de nier que ses soldats soient à l’origine de l’assassinat de la journaliste palestinienne Shireen Abu Aqleh.
Elle a annoncé l’ouverture d’une enquête qu’elle mènera elle-même et qui aboutira, sans le moindre doute, à des tirs d’origine inconnue ou, pourquoi pas, à la responsabilité des Palestiniens eux-mêmes.
Pourtant, le monde entier a cette fois tout vu. La journaliste d’Al Jazeera, qui couvre depuis plus de deux décennies les événements de Palestine pour la chaîne qatarie, a été tuée très tôt dans la matinée de ce mercredi 11 mai alors qu’elle assistait en témoin à un assaut de l’armée israélienne contre le camp de Jénine, en Cisjordanie occupée.
Les images de son corps gisant face contre terre ont fait le tour du monde. Ses collègues présents sur place, dont certains travaillant pour de grands médias internationaux, ont confirmé en direct que la journaliste a été touchée à la tête par des tirs de snipers israéliens.
La victime portait au moment où elle a été ciblée un gilet et un casque de protection propres aux journalistes et sur lesquels la mention « PRESS » était visible et lisible même à distance.
« Le journalisme n’est pas un crime »
Face à une armée qui ne veut pas de témoins, ce genre d’attirail ne protège pas. Personne n’oublie, surtout pas l’armée israélienne, que ce sont des journalistes qui ont dévoilé au monde les pires horreurs subies par les Palestiniens, comme l’assassinat du petit Mohamed Al Durah en 2000.
Si les images de l’enfant de 12 ans, tué alors que son père tentait de le protéger de son corps, hantent encore le monde vingt ans après, c’est grâce à la présence sur place d’une équipe de France 2.
Shireen Abu Aqleh a été tuée parce qu’elle est journaliste et témoin gênant, non seulement de l’assaut qu’elle couvrait, mais de horreur quotidienne que vit tout un peuple.
« Le journalisme n’est pas un crime », pouvait-on lire sur des pancartes brandies par les journalistes d’Al Jazeera au cours d’une minute de silence observée à la mémoire de leur collègue.
Le journalisme n’est pas un crime, c’est sûr, mais dans beaucoup de pays de la planète, il mène encore dans la tombe ou en prison quand il dérange des puissances occupantes, des régimes autoritaires ou des réseaux criminels.
L’assassinat de Shireen Abu Aqleh vient rappeler cette triste condition et celle des Palestiniens dans les territoires occupés, devant l’indignation sélective et les valeurs à géométrie variable de l’Occident, qui ne se gêne même plus de le montrer ostensiblement depuis le début de la guerre en Ukraine.