Depuis le début de cette 3e vague de covid-19 en Algérie, la communauté nationale établie à l’étranger s’efforce d’apporter sa contribution aux efforts menés par le gouvernement et les citoyens pour lutter contre cette pandémie.
La diaspora algérienne n’est pas restée en marge de l’extraordinaire élan de solidarité pour offrir du matériel vital aux malades et équiper les hôpitaux de générateurs et autre matériel d’oxygénothérapie, dont ils manquent cruellement.
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On parle de plus 600 000 euros récoltés auprès des Algériens établis à l’étranger, essentiellement en Europe. L’opération la plus remarquable est celle menée par deux ONG d’assistance médicale, Algerian Medical Network (AMN) et Ashifa, ainsi que l’association Ecaf (Étudiants et cadres algériens en France).
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Cette énième preuve d’attachement des émigrés à la patrie est saluée par la voix la plus officielle qui soit, celle du ministre des Affaires étrangères.
« Au nom du président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, et en ma qualité de ministre chargé de la Communauté nationale à l’étranger, j’ai le grand privilège de saluer chaleureusement nos compatriotes établis à l’étranger pour l’admirable sursaut patriotique avec lequel elles et ils redoublent d’engagement et de dévouement pour prendre part au combat de leur nation contre la pandémie dévastatrice du coronavirus », a déclaré Ramtane Lamamra mercredi 4 août.
Mais coup de théâtre deux jours plus tard. Vendredi 6 août, l’ambassade d’Algérie en France a publié les conditions pour les opérations de solidarité. Elles sont désormais soumises à l’autorisation de l’ambassade et les dons récoltés doivent obligatoirement transiter par la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH) en Algérie qui se chargera de les dispatcher suivant les besoins des établissements hospitaliers à travers le pays.
« Les initiateurs d’opération de collecte et d’acheminement de dons sont tenus de prendre attache avec les représentations consulaires territorialement compétentes à l’effet de solliciter la délivrance de l’Autorisation d’acheminement de dons (…) Le ministère de la Santé (Pharmacie Centrale) est le seul et unique destinataire des dons recueillis. Il se charge de la répartition du matériel médical, des consommables et produits pharmaceutiques collectés selon son évaluation des besoins au niveau national », a précisé l’ambassade qui a également posé des conditions similaires pour les médecins bénévoles qui souhaiteraient se rendre en Algérie pour participer à l’effort de lutte contre la pandémie.
Une décision très mal perçue
La décision est très mal accueillie en Algérie et au sein de la diaspora. De nombreuses voix ont crié au « monopole de la solidarité ».
Sur les réseaux sociaux, citoyens, bénévoles, militants associatifs, et parents de malades se sont accordés à trouver l’initiative de l’ambassade injustifiée. Encadrer et réguler les collecte de fonds est légitime car les sommes réunies peuvent servir à d’autres usages, mais dans le cas d’un matériel médical spécifique, dont tout le monde connait la pénurie en Algérie dans cette période de crise, est une décision difficilement justifiable.
On fait remarquer que de telles tracasseries bureaucratiques supplémentaires sont tout simplement susceptibles de briser l’admirable élan de solidarité.
« Le communiqué de l’ambassade d’Algérie en France est un véritable frein à la générosité de la diaspora algérienne envers leur pays d’origine pour atténuer de la détresse des milliers de malades qui sont livrés à une non-assistance. Ce n’est pas à l’Etat de décider à la place de celui qui vient en aide par son propre argent », écrit par exemple Atmane Mazouz, porte-parole du Rassemblement pour la culture et la démocratie.
« En lisant ce document, l’ambassade d’Algérie en France, impose une batterie de procédures bureaucratiques et draconiennes qui ne feront que ralentir ce processus d’acheminement d’un matériel médical jugé vital pour des populations déshéritées , au bord de l’asphyxie générale », a critiqué Hakim Belahcel, membre de l’instance présidentielle du FFS.
Pour lui, « l’urgence » et la crise sanitaire « alarmante nous recommandent de tout faire pour desserrer l’étau sur les initiatives citoyennes et fluidifier les opérations de solidarité d’où qu’elles proviennent. »
On souligne aussi que si les autorités en avaient fait de même pour les opérations menées en Algérie, les dizaines de générateurs installés dans les hôpitaux grâce à l’implication du secteur économique privé, ne seraient peut-être pas acquis. On dénonce aussi ce deux poids, deux mesures dans le traitement des opérations menées par les citoyens en Algérie et celles de leurs compatriotes à l’étranger.
La décision de l’ambassade d’Algérie en France est d’autant plus mal perçue qu’elle survient après des rumeurs malintentionnées diffusées sur les réseaux sociaux et faisant état du blocage au niveau des Douanes du matériel expédiés en Algérie par les émigrés.
La désapprobation de la décision n’est pas que populaire. Il semblerait qu’elle ne soit pas bien accueillie même dans les milieux officiels à Alger. Elle susciterait en tout cas des réserves, et son « côté autoritaire » ne passe pas, à en croire nos sources.
Une rencontre devrait bientôt se tenir entre des responsables de l’ambassade d’Algérie à Paris et des associations pour présenter les choses de manière moins autoritaire et en tant que facilitateurs.