Le sommet arabe d’Alger, prévu le 1er novembre prochain, s’annonce comme l’un des rendez-vous les plus réussis de l’histoire de la Ligue arabe, du moins du point de vue du niveau de représentation des États membres.
À un mois et demi de l’échéance, aucun président ou souverain n’a annoncé qu’il ne viendra pas, à l’exception de l’émir du Koweït, malade, qui se fera représenter sans doute par son prince héritier.
Certes, plusieurs dirigeants de grands pays de la région n’ont pas encore confirmé officiellement leur présence, mais les choses semblent sur la bonne voie pour une présence optimale au plus haut niveau, ce qui serait une première depuis longtemps.
À l’annonce de la tenue du sommet dans la capitale algérienne, beaucoup avaient entrevu un flop, voire son annulation à cause des fortes divergences entre certains États arabes ou avec l’Iran, la normalisation de plusieurs d’entre eux avec Israël, le statut de la Syrie, la situation en Libye et au Yémen ou encore la crise entre l’Algérie et le Maroc.
C’est à cause de cet enchevêtrement de difficultés et de la pandémie du Covid-19 que le sommet ne s’est pas tenu depuis deux ans. Mais l’Algérie, qui mène une offensive pour revenir en force sur la scène diplomatique régionale, a fait le pari de réunir tout le monde et, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle est en train de le réussir.
Le sommet « sera un succès dans la mesure où l’Algérie n’a aucune autre intention derrière l’organisation de ce Sommet que d’œuvrer pour l’unification des rangs arabes », a assuré le président Abdelmadjid Tebboune début août dernier.
Pour cela, l’Algérie ne s’est pas précipitée. Devant se tenir en mars dernier, sans qu’aucune date précise ne soit retenue, le sommet a finalement été fixé à la date symbolique du 1er novembre 2022, anniversaire du déclenchement de la Révolution algérienne.
Ces six derniers mois ont été mis à profit par la diplomatie algérienne pour rapprocher les points de vue et convaincre. L’un des principaux points de discorde était la présence de la Syrie qui devait revenir dans le giron arabe à l’occasion de ce sommet.
La question a été finalement tranchée début septembre et c’est la Syrie elle-même qui a renoncé à reprendre son siège maintenant.
À l’issue d’un entretien téléphonique entre le ministre algérien des Affaires étrangères Ramtane Lamamra et son homologue syrien Faisal Mekdad, le 4 septembre, il a été annoncé que la Syrie préfère que la question de son retour ne soit pas abordée à Alger, et ce dans le souci de contribuer à « la consolidation de l’unité des rangs ».
Points positifs
Il faut dire que la diplomatie algérienne bénéficie d’un alignement des planètes exceptionnel, dans le sens où la situation dans le monde arabe et la conjoncture internationale sont en faveur de l’Algérie.
En plus des difficultés économiques et politiques ainsi que des tensions qui minent le monde arabe, le règlement de la crise politique entre le Qatar et les pays du Golfe comme en témoigne la récente visite du président égyptien à Doha participe à cette conjoncture favorable à l’Algérie pour réussir son sommet arabe.
« Avec la fin de la crise entre le Qatar et les autres pays du Golfe, on peut dire que l’Algérie est servie par une conjoncture favorable pour organiser ce sommet », analyse un spécialiste algérien des relations entre les pays arabes.
Fait complètement inattendu, même la présence du roi du Maroc n’est pas exclue. Cette semaine, Jeune Afrique et Al Sharq Al Awsat ont annoncé que Mohamed VI prendra part personnellement au sommet d’Alger.
Mieux, il aurait, selon les mêmes sources, plaidé auprès de certains chefs d’État du Golfe pour une représentation au plus haut niveau pour assurer le succès du rendez-vous.
Rabat avait précédemment annoncé que l’Algérie allait dépêcher son ministre de la Justice pour remettre une invitation au roi.
Si la venue à Alger de ce dernier n’est pas encore confirmée officiellement, beaucoup de dirigeants arabes ont annoncé leur présence, dont le président des Émirats arabes unis Mohamed Ben Zayed dit MBZ.
La présence de ce dernier est un signe plus que positif. Elle procède d’un réchauffement des relations entre l’Algérie et les Émirats et elle est peut-être annonciatrice de la présence également des alliés égyptien et du Golfe de MBZ, qui divergent avec l’Algérie sur certains dossiers, comme celui de la Libye.
Le succès du sommet se mesurera à l’aune de la qualité de la participation des dirigeants des grands pays arabes. « Ce n’est pas le nombre qui compte, mais la qualité des participants », ajoute le même spécialiste algérien.
C’est pourquoi la décision du prince héritier d’Arabie saoudite et véritable régent du royaume, Mohamed Ben Salmane, et à un degré moindre celle du président égyptien Abdel Fattah Al Sissi, sont très attendues.
Rien en tout cas dans les déclarations des diplomaties de ces deux pays ne laisse entrevoir l’absence de leurs premiers dirigeants respectifs au sommet d’Alger.
La présence de tous les dirigeants ou de la majorité d’entre eux sera déjà un succès retentissant, et pour l’Algérie et pour tout le monde arabe qui a plus que jamais besoin d’afficher une unité, même de façade, dans cette conjoncture marquée par les divisions, les guerres et les difficultés économiques et où les retombées des printemps arabes se font toujours sentir.
« Le monde arabe, qui est divisé, a besoin d’afficher au moins une unité de façade à l’occasion de ce sommet. Les pays de la région sont conscients des difficultés auxquelles ils font face et des conséquences néfastes de l’instabilité politique qui les guettent. Ce n’est pas le moment d’étaler leurs querelles », note le même spécialiste.
À défaut d’accorder réellement leurs violons sur tous les dossiers délicats, les pays arabes ont besoin de s’entendre sur le minimum et afficher une unité, même de façade, qui leur permettait de se voir et de se concerter par le passé.
En attendant l’annonce de la participation du prince héritier d’Arabie saoudite, Mohamed Ben Salmane, presque tous les États seront représentés au plus haut niveau. L’Algérie est en train de réussir une prouesse diplomatique, grâce notamment au travail inlassable de son ministre des Affaires étrangères Ramtane Lamamra.