Helsinki abrite, ce lundi 16 juillet, une rencontre qualifiée presque d’historique entre les présidents russe et américain, Vladmir Poutine et Donald Trump.
« Les deux hommes se sont rencontrés pour la première fois à Hambourg (Allemagne) en marge du sommet du G20 en juillet 2017 puis lors du sommet de l’APEC (Coopération économique pour l’Asie-Pacifique) au Vietnam en novembre de la même année », rappelle l’agence russe Sputnik. « Tout va très bien », avait déclaré le président américain après son bref tête-à-tête avec son homologue russe à Hambourg.
Une année après, « le tout va bien » diplomatique est-il toujours d’actualité ? Les discussions de la capitale finlandaise, qui vont durer au moins huit heures, déjeuné compris, selon l’agenda officiel, vont aborder de nombreux sujets qui fâchent ou qui sont au cœur de discorde entre Moscou et Washington. Alarmiste, le Washington Post rapporte que des conseillers de la Maison Blanche craignent que Trump cède devant Poutine sur certains dossiers comme l’Ukraine ou la Crimée.
L’OTAN ne veut pas « isoler » Moscou
La semaine écoulée, Petro Porochenko, le président ukrainien, a déclaré à France 24 que pour Washington La Crimée « est un territoire ukrainien ». En mars 2014, un référendum a été organisé à l’issue duquel la Crimée et Sébastopol ont été rattachées à la Russie. Le résultat de cette consultation n’est pas reconnu par Kiev et par les Occidentaux. « Nous n’acceptons pas l’annexion illégale de la Crimée », a tranché, cette semaine, Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’OTAN.
L’OTAN, qui considère la Russie comme « un partenaire pour la paix », ne veut pas isoler Moscou ni rompre le dialogue avec le Kremlin même s’il l’accuse de diffuser de « la propagande sur le web » et de s’ingérer «dans les processus politiques nationaux ».
Crise non déclarée entre Bruxelles et Washington
D’autres dossiers épineux seront sur la table des discussions à Helsinki comme la Syrie, l’Iran, la Corée du Nord, la nouvelle et offensive politique commerciale des Etats-Unis (hausse des droits douaniers avec la Chine notamment), la vente des armes russes à la Turquie, le climat et l’énergie.
Le même jour, Pékin abrite le sommet Chine-Union européenne (UE). Hasard du calendrier ? Bruxelles est en crise non déclarée avec Washington à cause des sanctions économiques contre l’Iran et les mesures de restriction contre la Chine décidée par Trump et qui, selon les experts, perturbent le commerce international.
L’UE, qui n’a pas réellement de doctrine commune en matière de défense ou de commerce, entend défendre d’abord ses intérêts avec la Chine et l’Iran. L’EU veut maintenir les investissements engagés ces dernières années en Iran, après l’accord de Vienne de 2015 sur le nucléaire iranien. Un accord dénoncé par Trump. Une rude bataille va s’engager avec les régulateurs américains pour que les parts de marché, arrachés par les entreprises européennes en Iran, à l’image du français Peugeot, ne soient pas perdues ou remises en cause.
L’affaire des « espions russes » évoquée à Helsinki
Non prévu initialement, la récente inculpation aux Etats-Unis d’espions russes, à la faveur de l’enquête sur la probable ingérence de Moscou dans l’élection présidentielle américaine de 2016, pourrait être abordée à Helsinki. Trump a toujours accusé le FBI de « rouler » pour les démocrates dans cette affaire (les démocrates pensent que Trump a été « aidé » par les russes). Pour sa part, Moscou a démenti s’être ingéré dans le processus électoral américain.
Les observateurs s’attendent à ce que des déclarations significatives soient faites, notamment par le président américain, lors de la conférence de presse de clôture, prévue lundi après-midi sur les points abordés lors des discussions par les dirigeants de deux puissances.
L’idée est que le sommet américano-russe ne doit pas passer pour un événement anodin dans l’agenda international. Aussi, des coups de théâtre ne sont-ils pas à écarter. Trump va probablement chercher à sortir « vainqueur » de la rencontre. Là, le message serait plutôt adressé à ses électeurs. Trump a déjà annoncé la couleur en disant qu’il serait vainqueur « d’un second mandat » (en 2020) à la Maison blanche parce que les démocrates ne feraient pas le poids devant lui, selon ses dires.
Trump critique ses alliés de l’OTAN
Avant Helsinki, Donald Trump est passé par Bruxelles et Londres. Deux passages orageux pour lui. A Bruxelles, lors du sommet de l’OTAN, mercredi 11 juillet, le président américain a usé d’un langage jamais utilisé par ses prédécesseurs en critiquant l’Organisation politico-militaire qui regroupe actuellement 29 membres. « Il est arrivé comme un bulldozer et a renversé la réunion de ses alliés », a commenté un journaliste d’Euronews.
Trump a ouvertement ordonné aux alliés de l’OTAN d’augmenter leurs dépenses militaires. Dans le cas contraire, il menace d’agir seul. Les Etats-Unis assurent actuellement 20 % du budget de l’OTAN et lui fournissent 75 % des moyens militaires. Trump a, selon les experts, secoué durement la fameuse solidarité géostratégique occidentale en place depuis plus de cinquante ans.
Sur la route vers la capitale belge, le président américain a confié à la presse que les Etats-Unis se faisaient « exploiter » par l’Union européenne en précisant que son pays perdait« 151 milliards de dollars sur le terrain du commerce ». Continuant sur la lancée, Trump a accusé l’Allemagne d’être « sous le contrôle » de la Russie. Il n’a pas toléré que Berlin renforce ses approvisionnements en gaz naturel auprès de la Russie, principal fournisseur du continent européen, avant la Norvège, l’Algérie, l’Azerbaïdjan et le Nigéria. Trump a rencontré ensuite la chancelière Angela Merkel pour dire que les USA entretenaient « une bonne relation » avec l’Allemagne. Des contradictions qui brouillent parfois les grilles de lecture !
Trump : « ego fragile » et « petites mains »
A Londres, le président américain a été accueilli, le vendredi 13 juillet, par des manifestations hostiles. Un ballon géant représentant « un Trump baby » coléreux a été lâché dans le ciel de la capitale britannique, à côté du Parlement, pour dénoncer la politique, qualifiée d’agressive, de l’administration américaine actuelle. « Trump est un gros bébé en colère avec un égo fragile et de petites mains », ont expliqué les protestataires sur leur page Facebook.
Cela n’a pas empêché Trump de s’attaquer à la Premier ministre Theresa May lui reprochant de faire « un travail lamentable » sur le Brexit. Il a même menacé de ne pas négocier un nouvel accord commercial avec Londres avant de revenir à de meilleurs sentiments.
Hier, dimanche 15 juillet, la BBC a rapporté que Trump aurait conseillé May de « poursuivre l’Union européenne en justice » pour éviter d’engager des négociations sur le Brexit. Londres entend établir un accord d’association avec Bruxelles après avoir quitté l’UE. La crainte des experts est que Trump lie les futures dépenses ou achats militaires avec les affaires commerciales.
Le président américain sur tous les fronts
Le président américain, lui-même homme d’affaires, « pratique » déjà cette politique avec les pays du Golfe. Depuis son arrivée à la Maison Blanche, il a, sous le slogan « L’Amérique d’abord », sorti la grosse artillerie pour tirer sur le Mexique avec qui il entend « dresser » une muraille, sur certains pays musulmans, sur les africains, sur la Corée du Nord, sur l’Iran, sur la Chine. Actuellement, Trump concentre ses attaques contre l’Union européenne, pourtant son principal allié.
Curieusement, Trump évite de critiquer directement Poutine. Sorti gagnant d’un Mondial de football bien organisé et salué par le président de la FIFA himself comme le « meilleur de tous les temps », le président russe constate que Trump reconnaisse en lui le leader d’une puissance qui compte sur la scène internationale et qui est incontournable pour le règlement des conflits actuels. « Il apprend vite », aurait dit Poutine à propos de Trump.
A Helsinki, ce lundi, Trump serait mis à l’épreuve du terrain. Le chef du Kremlin, plus à l’aise non loin de ses frontières (la capitale finlandaise est à 390 km de Saint Petersbourg) savoure déjà le fait que son homologue américain critique publiquement l’OTAN. Du pain béni.