Sa démission aurait dû être annoncée dans le sillage de celle de Bouteflika dont il faisait partie du cercle proche, mais le PDG de Sonatrach est toujours en poste.
Mieux, Abdelmoumène Ould Kaddour agit en faisant abstraction des événements qui secouent le pays depuis deux mois et qui pourraient déboucher sur de profonds changements politiques et économiques.
La continuité des activités de la compagnie nationale est certes vitale pour le pays, mais le bon sens aurait voulu qu’elles se limitent dans cette conjoncture de transition à la production et la commercialisation.
Une équipe dirigeante que tout donne partante au mieux dans quelques mois ne peut engager l’entreprise et tout le pays sur le long terme. Les partenaires étrangers de la compagnie ne sont pas sans savoir ce que vaudra la parole de l’actuel PDG une fois le changement survenu et c’est pourquoi on a assisté à des temporisations sur des projets à long terme immédiatement après le début de la contestation populaire.
En mars dernier, Exxon Mobil avait annoncé la suspension des discussions avec Sonatrach sur un important contrat d’investissement. Les dirigeants de la compagnie américaine avaient prophétisé le départ de Ould Kaddour « dans la minute qui suivra » celui de Bouteflika dont la chute était imminente.
Jusque-là, ils n’ont pas vu juste. Le PDG de Sonatrach est toujours en poste deux semaines après la démission du président et ne se contente pas d’expédier les affaires courantes. La semaine passée, il a procédé à la nomination d’un nouveau directeur général pour le Mouloudia d’Alger, dont Sonatrach est actionnaire majoritaire. Il aurait expliqué qu’il a été instruit « d’en haut » pour rappeler le controversé Omar Ghrib aux affaires dans un contexte de révolution populaire.
Ce mardi 16 avril, il a annoncé une autre décision aux conséquences autrement plus lourdes. A l’agence Reuters, il a déclaré que Sonatrach va tenir des discussions la semaine prochaine avec le géant pétrolier américain Chevron sur un partenariat dans la production de pétrole et de gaz de schiste. Ce dossier sensible avait été mis au tiroir alors que la situation politique du pays n’avait encore rien d’instable. C’était en 2015, lorsque le gouvernement avait dû reculer sur l’idée d’exploiter cette énergie non conventionnelle, sous la pression de la société civile.
On se demande bien pourquoi Ould Kaddour le déterre au moment où, officiellement, le pays vit une transition politique. Une telle décision, qui engage l’avenir des générations futures, ne peut être prise par le PDG de Sonatrach qui a donc dû se référer au gouvernement. Ou à d’autres parties ? Quand bien même le calendrier des discussions annoncées avec Chevron serait arrêté avant le début de la contestation populaire, il aurait été plus sage de tout ajourner, en attendant que la situation se stabilise et que de nouveaux dirigeants soient élus. Pourquoi cet empressement qui risque de mettre le futur gouvernement devant une situation de fait accompli, notamment si les discussions venaient à être conclues par un accord ?
Si dans la banale affaire Ghrib, Ould Kaddour avait reconnu qu’il avait agi sur injonction, il va sans dire qu’il ne peut avoir agi seul dans cette histoire de gaz de schiste. Qui, alors, chercherait à léguer aux futurs dirigeants du pays un autre cadeau empoisonné ?