Du rap à la pop urbaine, des chansons commerciales aux textes engagés, Soolking a fini d’asseoir sa réputation d’artiste populaire.
Le rappeur algérien Soolking, alias Abderraouf Derradji, a été à nouveau récompensé en France par les NRJ Music Awards. Il a reçu un trophée pour sa reprise du titre latino“Suavemente” qui avait déjà cartonné dans le monde entier en 1999.
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Un pari difficile. Reprendre cette chanson d’Elvis Crespo qui a fait danser plusieurs générations depuis sa sortie était osé pour le chanteur originaire de Staoueli dans l’ouest d’Alger. Mais comme d’habitude, tout ce que touche Soolking se transforme en or.
Quelle est la recette du succès du rappeur qui a pourtant mis du temps à émerger dans le monde artistique ? Aujourd’hui, il a conquis un public large et varié, autant européen que maghrébin.
Des textes simples empreints d’une réalité algérienne
Faire de l’intime un thème universel, est une idée qui fonctionne dans tous les arts, y compris la musique. C’est sans doute à cela que se résume le succès de Soolking. Le rappeur est un acharné.
Il a fait plusieurs tentatives dans la musique en intégrant un groupe de rock puis de rap algérien. Mais c’est seulement avec son parcours solo qu’il a pu trouver sa marque de fabrique. Une musique pop avec des emprunts au rap, au RNB et au raï. Un éclectisme culturel à son image.
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En 2016, l’artiste se lance avec un label marseillais et connaît ses premiers succès dès 2018. C’est son titre “Guérilla” qui lui permet de faire un bond sur la scène musicale.
Son interprétation du titre dans les studios de la célèbre radio Skyrock a créé un séisme notamment auprès du public algérien. Ses paroles racontent l’injustice qui a marqué les ethnies et les classes sociales, le néo-colonialisme, l’héritage des peuples opprimés laissé à leurs enfants, son amour de l’Algérie.
“Ça sera toujours nous les coupables, coupables d’être africains
Coupable comme Kadhafi ou comme Nelson Mandela
Mama, c’est le moment, même on a trop souffert
Ma3lich, c’était écrit qu’on devait souffrir plus que les autres
Mais les autres et leurs fils ils nous ont tout pris”
Ses textes sont assez basiques, mais son ton, les musiques choisies laissent transpirer une mélancolie algérienne mélangée à son lot d’espoir.
Soolking s’autorise certaines envolées vocales qui font écho au raï de l’ouest algérien. Le solo de trompette dans la chanson “Guérilla” fait d’ailleurs un clin d’œil aux anciens titres de ce style musical. En assumant ces références, Soolking crie au monde, nous aussi nous avons une histoire propre et un patrimoine à défendre.
Rendre son histoire algérienne universelle
La vidéo de ce freestyle sur Skyrock a été visionnée 355 millions de fois. Un record pour la radio. Les commentaires – plus 80 000 – en dessous de la vidéo sont preuve de l’émotion que provoque le jeune artiste. Les fans s’expriment dans le monde entier.
“Ça fait 4 ans et je l’écoute encore avec la même émotion. Bravo à notre Soolking national”, écrit Malia depuis la France.
“Je vous envoie de l’amour depuis le Liban. Les paroles et la performance de Soolking ont réussi à me faire sentir algérienne moi aussi”, écrit Samah depuis le Liban.
“J’adore cette chanson. Je ne comprends pas les paroles mais j’aime vraiment cette musique”, écrit Aisyah depuis l’Indonésie.
Soolking, malgré un style très commercial et une communication très travaillée, parvient à chanter ce que vit et ressent un Algérien d’aujourd’hui. On pense à l’exil hérité de générations en générations et l’attachement éternel à l’Algérie. Mais aussi la difficulté d’exister et de rêver pour la jeunesse algérienne.
Il le fait avec l’histoire de la culture algérienne tout en utilisant les moyens de communication et de production musicale actuels. L’auto-tune, les réseaux sociaux et un style vestimentaire calculé comme celui du célèbre chanteur Maître Gims. Et ça marche. Il récidive avec le titre “Liberté”, qu’il chante aux côtés d’Ouled Bahdja et le transforme en hymne de la jeunesse algérienne en plein Hirak.
Duos à succès et reprise de titres phares : Soolking impose son style au monde
Mais c’est lorsque Soolking tente son premier métissage musical qu’il devient une star internationale. Sa chanson Dalida, qui lui permet d’internationaliser son succès. A sa sortie, le titre est dans le top 10 mondial de Deezer.
Il reprend les Paroles, Paroles de Dalida pour raconter ses galères passées. De la pauvreté à l’exil entamé dans les années 2000. Son parcours est mis en scène sur ce tube de la diva italo-égyptienne.
“Heureusement que c’est Dieu qui donne
Sinon ils nous laisseraient nada
Donc j’ai quitté mon village
Rêvé d’une vie juste moins minable
Moi, j’ai quitté mon village”
Faire rencontrer Dalida et le rap, une idée incongrue qui pourtant a de nouveau fait exploser le Youtube. Il s’est attaqué à un classique de la chanson française, lui l’enfant de Staoueli, en lui donnant des sonorités urbaines, algériennes, des mots arabes et issus de l’argot français actuel. Preuve que la culture française ne peut échapper à l’entremêlement des cultures étrangères, puisqu’elles font partie d’elle.
Encore une fois Soolking ne lâche pas ses racines algériennes. Au contraire, il les relie aux autres cultures notamment grâce à des featuring à succès avec des stars de la chanson de divers pays. Il chante avec la chanteuse d’origine albano-kosovarde Dhurata Dora, “Zëmer”, un featuring jamais vu dans la chanson française comme algérienne.
Soolking à travers ses duos et ses reprises relie son bagage culturel personnel, algérien, mais aussi les marseillais et parisien qu’il acquit en migrant, à des symboles marquants. On le retrouve avec le Franco-Algérien RimK, ancien du groupe 113, qui a incarné un symbole musical fort pour les enfants d’immigrés algériens en France avec son célèbre tube Tonton du bled.
Il ne s’arrête pas là, il chante avec Maître Gims “Après vous madame”, et sample une chanson d’Edith Piaf. Encore une fois, il s’approprie un symbole ultime de la culture française.
Soolking offre une certaine légitimité aux cultures étrangères dans une France qui se referme de plus en plus sur une identité nationale excluante. L’artiste algérien ne fait que révéler le réel visage de ce pays marqué par le multiculturalisme et l’immigration.