Politique

Sortie du SG de la présidence : l’apaisement en monnaie d’échange ?

Quelle lecture faut-il faire des propos tenus par le secrétaire général de la présidence de la République concernant le dialogue politique à venir ? Au-delà de la forme qui constitue une nouveauté puisque le SG de la plus haute institution de l’Etat n’a pas pour habitude de s’adresser aux médias, c’est surtout le fond qui interpelle.

L’entretien accordé ce mercredi 24 juillet par Noureddine Ayadi à l’agence officielle est une succession de rappels de lignes que l’opposition ne devra pas se faire l’illusion de franchir.

« Il est (…) évident que le dialogue portera sur les conditions d’organisation de cette élection, sur les mécanismes ou les organes à mettre en place pour garantir la transparence et la régularité du scrutin ainsi que sur l’échéancier électoral », dit-il d’emblée.

On le savait depuis le 3 juillet : le dialogue proposé par le pouvoir ne portera que sur les modalités de l’organisation de l’élection présidentielle dans « des délais raisonnables », mais le rappel d’un tel « cadrage » au moment où le pouvoir peine à convaincre des personnalités et des formations politiques de poids du bien-fondé de sa démarche, est pour le moins inopportun.

La classe politique est globalement favorable au dialogue mais elle demeure réticente à s’engager dans une entreprise où son rôle se limitera à définir les aspects « techniques » d’un projet décidé unilatéralement par le pouvoir. Même ceux qui ont publiquement annoncé leur disposition à faire partie de l’instance de médiation ont émis des réserves.

Pas d’ouverture dans l’immédiat

Karim Younès fait partie des treize personnalités proposées par le Forum civil pour le changement pour mener le dialogue.

S’il a accepté de jouer un rôle, l’ancien président de l’APN a néanmoins soulevé une contradiction dans la démarche adoptée. « Le pouvoir pense que la sortie de crise passe par une élection présidentielle dans les plus brefs délais. Le recours à une instance de dialogue pour tenter de trouver un accord pour une démarche politique consensuelle rejette de fait le caractère urgent de la solution. (…) L’initiative d’une démarche de médiation arrive au bon moment pour contribuer à trouver un accord pour une démarche consensuelle, ou, à défaut, majoritaire, afin de permettre à notre pays de retrouver la sérénité et de s’engager dans un processus de démocratisation respectant le choix souverain du peuple », déclarait-il en début de semaine au Soir d’Algérie.

C’est peut-être à M. Younès et à tous ceux qui partagent cette réflexion qu’est destinée la mise au point du pouvoir qui prend là un risque insensé de réduire à néant les chances, déjà infimes, de voir des personnages de la trempe d’Ahmed Taleb Ibrahimi ou de Mouloud Hamrouche légitimer par leur présence le dialogue à venir.

D’autant plus que, dans la même interview, le SG de la présidence reconnaît implicitement que le climat n’est pas propice pour une élection libre mais laisse entendre que les mesures d’apaisement, réclamées pourtant unanimement et avec force par toute la classe politique et la société civile, ne seront pas prises avant le début des discussions.

« Le Panel pourrait également proposer toutes les mesures qui concourent à apaiser les tensions et à rétablir la confiance autour du processus électoral », explique-t-il, excluant de fait la prise de telles mesures dans l’immédiat. Simple maladresse ou stratégie visant à forcer la main à l’opposition en utilisant la question des libertés comme carte de pression ?

Un pan entier de la classe politique exclu de facto

Quoi qu’il en soit, une telle posture ne cadre pas avec l’objectif déclaré qui est de convaincre le maximum d’acteurs politiques parmi les plus influents et les plus représentatifs d’accepter l’offre de dialogue.

Faut-il le rappeler, la libération des détenus du hirak, l’arrêt du harcèlement des manifestants et l’ouverture immédiate des champs médiatique et politique constituent le minimum syndical autour duquel se rejoignent toutes les propositions et initiatives autant des partis politiques que des dynamiques de la société civile, y compris celle des partis de l’Alternatives démocratique qui porte sur une période de transition et un processus constituant.

Ce qui nous amène à une autre maladresse qui ne va pas dans le sens du rassemblement et du rapprochement des vues. « Il s’agit bien entendu de tenir compte des opinons majoritaires, pas des exigences partisanes ou des visions étriquées de ceux qui ne reflètent que des secteurs minoritaires de la société et qui cherchent à imposer, par médias interposés, leurs vision en faisant des préalables au lancement du processus de dialogue. Ceux-là, en fait, ne veulent pas d’élections crédibles ; voire même les craignent », tranche le SG de la présidence.

Une exclusion à peine voilée qui cible les sept partis de l’alternative démocratique, soit un pan entier de la classe politique.


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