Les forces anti-émeutes soudanaises ont empêché lundi, à coups de gaz lacrymogènes, des manifestants de se diriger vers le palais présidentiel à Khartoum, au douzième jour de protestations antigouvernementales à travers le Soudan.
Le mouvement de contestation a été déclenché par la hausse du prix du pain, passé mi-décembre d’une livre soudanaise (1 centime d’euro) à trois alors que le Soudan connaît un marasme économique aggravant les conditions de vie de la population. Les protestations se sont ensuite transformées en manifestations antigouvernementales.
Lundi soir, le président Omar el-Béchir a appelé « tous les partis politiques » à « faire des propositions pour résoudre les problèmes économiques du pays ».
Plus tôt dans la journée et en réponse à l’appel d’une organisation de la société civile à marcher jusqu’au palais présidentiel, une foule d’hommes et de femmes scandant « Liberté, Paix et Justice » et « la révolution est le choix du peuple », s’était rassemblée dans le centre-ville de la capitale soudanaise.
Mais les policiers sont aussitôt intervenus faisant usage de gaz lacrymogène pour disperser les manifestants, ont indiqué des témoins à l’AFP.
Des centaines de policiers, membres des forces de sécurité et des soldats ont été déployés dès le matin sur des places de Khartoum pour empêcher la manifestation. Certains policiers étaient à bord de pick-up avec des mitrailleuses, selon les témoins, qui ont vu des manifestants se mettre à l’abri dans des ruelles pour se protéger des gaz lacrymogènes.
Les forces de l’ordre ont empêché des groupes de protestataires rassemblés dans d’autres quartiers de converger vers le centre-ville pour rejoindre la marche prévue vers le palais du président Omar el-Béchir.
Généralement très animé, le quartier des affaires de Khartoum était désert lundi. La plupart des magasins du centre-ville sont restés fermés en prévision de la marche à laquelle avait appelé dimanche soir un groupe de la société civile rassemblant médecins, enseignants, professeurs et ingénieurs.
« Nous défilerons en direction du palais présidentiel en appelant le président Omar al-Béchir à partir », a dit le groupe qui se présente sous le nom de l’Association soudanaise des Professionnels.
Abdel Wahid Nur, chef du groupe rebelle de l’Armée de libération du Soudan (SLA) au Darfour (ouest), avait appelé ses partisans à se joindre à la manifestation.
Les forces de sécurité avaient déjà empêché une marche similaire mardi dernier.
– Marasme économique –
Au moins 19 personnes, dont deux membres des forces de sécurité, ont été tuées depuis le début du mouvement le 19 décembre, affirment les autorités selon qui la plupart des manifestants ont été victimes d' »incidents liés au pillage ».
Amnesty International évoque un bilan de 37 morts.
Dimanche, M. Béchir a appelé la police à s’abstenir de recourir à une force excessive contre les manifestants, alors que les Nations unies ont demandé aux autorités soudanaises « de mener une enquête approfondie sur les morts et la violence ».
Amputé des trois quarts de ses réserves de pétrole depuis l’indépendance du Soudan du Sud en 2011, le pays a vu l’inflation s’établir à près de 70% annuellement, tandis que la livre soudanaise plongeait face au dollar américain. Des pénuries de pain et de carburants touchent plusieurs villes.
Au-delà des revendications sociales, les manifestations réclament aussi « la chute du régime » de M. Béchir, au pouvoir depuis 1989.
« Nous reconnaissons que nous avons des problèmes économiques, mais ils ne peuvent pas être résolus par des destructions, des pillages et des vols », a dit dimanche M. Béchir en référence à des bâtiments et des bureaux de son parti incendiés par des manifestants.
Lundi soir, lors d’un discours prononcé à l’occasion du 63e anniversaire de l’indépendance du Soudan le 1er janvier, il s’est dit « confiant (dans la capacité à) surmonter les défis économiques ».
« J’appelle tous les groupes politiques (…) à faire des propositions et à venir avec des mesures pour aider à résoudre les problèmes économiques », a-t-il dit devant des responsables gouvernementaux, diplomates étrangers et journalistes lors d’une réception au palais présidentiel.