Des centaines de personnes ont manifesté entre jeudi et vendredi à Khartoum, capitale du Soudan, pour protester après que le Conseil militaire de transition ait admis que des « dépassements » ont été commis lors de l’opération de répression du sit-in de manifestants devant le QG de l’armée au début du mois, tandis que les Etats-Unis ont appelé à une enquête « crédible et indépendante » sur l’évènement, rapportent plusieurs médias.
Le Conseil militaire de transition a reconnu jeudi soir qu’il avait donné l’ordre de disperser le sit-in et a avoué que des dépassements ont eu lieu, affirmant que de nombreux officiers ont été arrêtés. Le Conseil militaire soudanais a affirmé avoir arrêté 68 officiers, des généraux dans leur majorité. Ils seraient accusés d’avoir été associés à un projet de putsch.
En réaction aux aveux, des centaines de personnes sont sorties manifester à Oumdourman, en face de la capitale Khartoum, en scandant des slogans demandant la mise en place d’un gouvernement civil et appelant à une « révolution infinie ».
Ces manifestations interviennent alors que les leaders de l’opposition ont appelé en fin de semaine dernière à mettre fin à la campagne de « désobéissance civile » (consistant en une grève générale) débutée la semaine dernière pour protester contre la répression sanglante de Khartoum, ayant fait plus de 120 morts depuis le 3 juin.
Le Conseil militaire de transition a indiqué jeudi soir avoir lancé sa propre enquête interne pour déterminer les circonstances dans lesquels a pris place la répression. Insuffisant pour l’opposition, qui a réclamé vendredi une enquête internationale sur la répression meurtrière, appel rejeté par l’armée soudanaise.
L’appel de l’opposition a été soutenu par les Etats-Unis. Le secrétaire d’État adjoint chargé de l’Afrique, Tibor Nagy, a en effet appelé le Soudan à mener une enquête « indépendante et crédible », estimant que l’attaque menée contre les manifestants était « dévastatrice ».
« Nous croyons que très fortement qu’il doit y avoir une enquête indépendante, crédible pour comprendre exactement ce qui s’est passé, pourquoi ça s’est passé, qui a donné l’ordre, combien de victimes il y a eu », a indiqué Tibor Nagy en Ethiopie après une visite effectuée au Soudan.
« Lorsque les gouvernements enquêtent sur eux-mêmes, il y a souvent beaucoup de scepticisme », a estimé le responsable américain, ajoutant qu’une enquête indépendante était importante à cause du « concept d’impunité » prévalant dans certains pays « où l’armée bénéficie de l’impunité pour littéralement échapper aux meurtres commis. Nous devons nous assurer que ça n’ait pas lieu » au Soudan, a affirmé Tibor Nagy.
Une crise politique majeure frappe le Soudan depuis le mois de décembre, lorsqu’un vaste mouvement de contestation populaire s’est formé contre le règne du président soudanais Omar el-Bechir, en poste depuis 1989. La violente répression du mouvement a fait des dizaines de morts et des centaines de blessés parmi les manifestants, ainsi que des centaines d’emprisonnements. L’armée a fini par destituer le président el-Bechir le 11 avril dernier.
Incarcéré depuis le 16 avril, le désormais ex-président a été remplacé à la tête de l’État soudanais par un Conseil militaire de transition présidé par Abdel Fattah al-Burhan. Un état de fait rejeté par la population soudanaise qui a continué de protester pour demander un transfert immédiat du pouvoir à une autorité civile.