Politique

Souveraineté sanitaire, médicaments anti-Covid… : Lotfi Benbahmed nous dit tout

Lotfi Benbahmed, ministre de l’Industrie pharmaceutique, explique comment l’Algérie a renforcé sa souveraineté sanitaire pour mieux lutter contre la pandémie de Covid-19. Il revient sur les pénuries de médicaments dont le Lovenox et la régulation des importations de produits pharmaceutiques.

Vous avez annoncé que les kits de dépistage de la Covid-19 seront désormais produits localement en Algérie. Pouvez-vous nous livrer plus de détails ?

Lotfi Benbahmed, ministre de l’Industrie pharmaceutique : Nous avons fait un communiqué pour informer que dans le cadre de la riposte contre la Covid-19, et pour assurer la disponibilité et l’accessibilité des moyens de protection au grand public, les tests antigéniques ainsi que les tests PCR seront désormais produits localement par quatre laboratoires nationaux. Deux producteurs pour les kits de prélèvement et de transports, qui existaient déjà avec une capacité de production quotidienne qui dépasse les 80 000 kits par jour, et deux autres pour les réactifs PCR. C’est une grande nouvelle parce que c’est un produit qu’on importait.

Aujourd’hui, avec une capacité de production de près de 10 000 tests, nous pourrons répondre en grande partie à la demande. Bien sûr, c’est une quantité qui sera produite au départ, le rythme de production devrait augmenter au fur et à mesure dans les semaines à venir. Nous avons aussi ces deux producteurs qui vont se lancer dans la production de tests antigéniques avec une capacité de production qui devrait dépasser les 50 000 tests par jour, soit environ 250 000 tests par semaine, ce qui nous permettra de rendre les tests plus accessibles, sachant que les tests antigéniques sont considérés comme étant beaucoup plus fiables que les tests sérologiques.

« C’est une étape importante dans la préservation de notre souveraineté sanitaire »

Ils seront mis sur le marché dans combien de temps ?

Ces produits sont en cours d’homologation par l’agence nationale des produits pharmaceutiques et, d’ores et déjà, les premières évaluations nous paraissent très intéressantes. Dès qu’ils seront homologués, ils seront mis sur le marché et permettront de mieux assurer encore une fois notre souveraineté sanitaire.

Après la production de l’héparine à bas poids moléculaire, de l’hydroxychloroquine et des masques, aujourd’hui nous fabriquons tous les types de tests ; les tests sérologique, les tests antigéniques, les kits de prélèvement PCR et les kits PCR. On peut dire que quasiment l’ensemble des produits qui rentrent dans le protocole de traitement et du dépistage de la Covid et des moyens de protection sont désormais produits en Algérie. C’est une étape importante dans la préservation de notre souveraineté sanitaire.

Et qu’en est-il de la disponibilité des autres médicaments qui rentrent dans le protocole thérapeutique du Covid-19 ?

Pour ce qui est du Lovenox, nous aurons près de 2 millions de boîtes qui seront mises sur le marché d’ici la fin de l’année. Il y a déjà plusieurs centaines de milliers de boîtes qui sont mises sur le marché chaque semaine. Entre la production nationale et l’importation, les quantités devraient très largement suffire. Nous avons deux opérateurs ; un producteur local, Frater-Razes, et Sanofi qui importe ce produit. Ces deux opérateurs continuent à opérer sur le marché national. Frater Rzeas produit près de 200 000 boîtes par semaine et Sanofi est en train d’appliquer son programme d’importation de 2020. Les quantités qui sont mises chaque jour sur le marché sont quatre à cinq fois plus importantes que celles qui sont mises habituellement pour cette molécule.

Malgré la tension mondiale, nous avons pu assurer un approvisionnement quatre ou cinq fois plus important que la normale et je pense que les quantités qui seront produites où importées permettront très largement de satisfaire les besoins, pour peu bien sûr qu’il n’y ait pas de phénomène de spéculation ou d’automédication.

Effectivement, il ne sert à rien aux consommateurs de stocker des produits dont ils n’ont pas besoin et dont d’autres malades en ont besoin. Donc, il faut éviter l’automédication ou de délivrer ces produits sans prescription. Je pense que le conseil de l’ordre des pharmaciens l’a rappelé maintes fois aux pharmaciens d’officine. Il faut éviter aussi les prescriptions de complaisance et abusives qui permettent de stocker des produits. Mais nous n’avons pas d’inquiétude concernant la disponibilité de ce produit parce que nous avons réellement une visibilité sur les quantités qui continuent à être produites et importées et qui devraient très largement suffire à la satisfaction de nos besoins.

« Les programmes d’importation pour 2020 ont été signés en 2019 par l’ancien gouvernement »

Mais des tensions sur certains médicaments sont régulièrement signalées en Algérie…

Pour ce qui est des nouveaux programmes d’importation ou de production, comme je l’ai expliqué, ils seront délivrés sur la base d’un système numérisé qui nous permettra d’avoir un monitoring des stocks, à la fois au niveau des importateurs et des producteurs, pour pouvoir coordonner leurs approvisionnements afin qu’il n’y ait plus de tensions sur le marché.

Par ailleurs, nous procédons à travers la direction de la veille stratégique et de la pharmaco-économie, à l’élaboration, conformément à la loi en vigueur et à nos prérogatives, de la liste des médicaments et des dispositifs essentiels qui nous servira de référence pour pouvoir s’assurer réellement de la disponibilité des produits essentiels. On communiquera très régulièrement la liste des produits qui pourraient manquer dans le monde pour des raisons exogènes, c’est-à-dire des problèmes qui ne seraient pas liés à notre régulation ou à notre production. Nous les communiquerons sur nos plateformes pour que les prescripteurs puissent effectivement présenter leurs prescriptions en fonction des produits disponibles pour que nos malades ne soient pas désemparés par le manque de tel ou tel produit.

Je rappelle que la disponibilité des produits pharmaceutiques est tributaire d’une régulation qui est faite sur la base de programmes d’importation et de programmes de production. Les programmes d’importation pour 2020 ont été signés en 2019 par l’ancien gouvernement et, aujourd’hui, la disponibilité des produits pharmaceutiques est la conséquence des programmes signés à cette période-là.

Vous avez déjà évoqué une insuffisance de régulation. Le problème se pose toujours ?

Au-delà des perturbations qui ont pu exister sur le marché national et international en termes d’industrie pharmaceutique avec la Covid (unités fermées, problématique d’approvisionnement de matières premières) qui ont considérablement handicapé l’industrie pharmaceutique mondiale, nous avons aussi constaté depuis octobre 2020, date à laquelle nous avons pris nos prérogatives en termes de régulation du marché, que la régulation qui existait en Algérie était largement insuffisante. C’est pour cela que, dans un premier temps, nous avons mis en place une attestation de régulation. En attendant de mettre en place les programmes d’importation pour 2021, nous avons pour la fin 2020 une visibilité complète sur les produits qui sont importés et nous orientons désormais les importations sur les produits qui manquent sur le marché, pas forcément ceux qui sont rentables pour les laboratoires.

Nous avons remarqué effectivement que les produits qui étaient le plus en rupture, ce sont les produits qui ne sont généralement pas chers et qui étaient très demandés, alors que d’autres produits, beaucoup plus onéreux, étaient largement surstockés parfois. Donc nous nous orientons vers les produits qui ne sont pas fabriqués localement mais qui sont déjà disponibles en Algérie pour éviter les surstocks mais aussi sur les produits qui sont en rupture. C’est ainsi que nous avons pu déjà importer des quantités supplémentaires de certains produits comme le Levothyrox qui était nécessaire pour certains malades chroniques.

Pour ce qui de la régulation d’une manière plus globale, nous sommes en contact avec les représentants des pharmaciens mais aussi des opérateurs et nous mettons au point une nouvelle politique qui va nous permettre de mieux réguler le marché et d’en finir définitivement avec ces ruptures. Nous pensons que d’ici six mois, la mise en place des nouveaux programmes d’importation et de production nous permettra non simplement de livrer, comme ça se faisait avant, les quantités annuelles, mais aussi d’avoir un prévisionnel opposable sur les quantités livrées, importées ou produites. Le programme de production et d’importation sera accompagné par le ministère de l’Industrie pharmaceutique et la régulation se fera au fur et à mesure.

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