L’Algérie va mettre en place pour la première fois un statut d’auto-entrepreneur pour les activités individuelles. Une forme juridique moins lourde pour les entrepreneurs au chiffre d’affaires limité.
L’auto-entrepreneuriat est déjà très pratiqué à l’étranger. Il a même été généralisé en France ou encore en Espagne pour répondre à la crise du chômage. Un moyen pour tout travailleur de lancer son entreprise sans lourdeur administrative.
Faciliter l’accès à l’entreprise en Algérie
Lundi 17 octobre, le ministre de l’Economie de la Connaissance, des Start-up et des Micro-entreprises Yacine El Mahdi Oualid a présenté le projet de loi portant statut de l’auto-entrepreneur devant les membres de la Commission des affaires économiques, du développement, de l’industrie, du commerce et de la planification de l’Assemblée populaire nationale (APN).
Cette première présentation a laissé entrevoir les grandes lignes de ce statut. L’auto-entrepreneuriat sera destiné à « la pratique individuelle d’une activité lucrative qui s’inscrit sur la liste des activités éligibles fixées par voie réglementaire », a expliqué le ministre.
Il sera idéal pour les entrepreneurs dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas les 5 millions de dinars algériens. Les activités numériques sont la principale cible de ce statut entrepreneurial. En revanche, les activités libérales, réglementées ou d’artisanat ne sont pas comprises.
Facile d’accès, l’auto-entrepreneuriat a du succès en France
Ailleurs, le statut d’auto-entrepreneur séduit de plus en plus de personnes. Prenons l’exemple de la France où il est largement appliqué. Le pays compte plus de 2 millions d’auto-entrepreneurs, dont le chiffre d’affaires moyen par trimestre est de 4706 euros. Plus de la moitié de ces auto-entrepreneurs affichent un résultat positif.
L’auto-entrepreneuriat existe en France depuis 2008. Il est accessible à toute personne majeure résidant en France et ayant la nationalité française. Il est possible de mener n’importe quelle activité professionnelle disposant d’un code NAF.
Il peut s’agir de la vente de services, de la vente d’objets ou de l’artisanat. Les activités libérales mais non réglementées sont également autorisées. En revanche, les activités réglementées comme celles de santé ou juridiques ou encore celles relevant du domaine agricole ne sont pas concernées.
Devenir auto-entrepreneur en France est très simple, puisque la démarche se fait en ligne auprès de l’Urssaf qui immatricule l’entrepreneur. En moins d’une semaine, l’auto-entrepreneur dispose d’un numéro Siret fourni par l’Insee qui lui permet de facturer ses clients.
L’auto-entrepreneur a ensuite l’obligation de déclarer son chiffre d’affaires chaque mois ou chaque trimestre (en fonction de son choix) et de payer des cotisations sociales pour son activité.
Le montant est proportionnel au chiffre d’affaires déclaré. Les déclarations peuvent se faire en toute autonomie en ligne et sans l’aide d’un comptable. Cela implique une comptabilité très simplifiée, un aspect que compte appliquer l’Algérie.
Une demande en hausse mais des résultats mitigés en France
Chaque année, l’adhésion à ce statut augmente en France. Sa simplicité et la rapidité pour l’obtenir convainquent chaque année de nombreux Français d’essayer une activité indépendante.
Sans risque, il permet aussi d’être auto-entrepreneur tout en cumulant une activité salariée en parallèle. Donc si on est frileux on peut commencer en douceur sans laisser de côté son travail de salarié.
Le statut d’auto-entrepreneur semble être une aubaine pour démarrer une activité indépendante à moindre coût mais il présente certaines limites. Tout d’abord la limite du chiffre d’affaires annuel.
Les plafonds à ne pas dépasser sont les suivants :
176 200 € pour une activité de vente de marchandises, de denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fourniture de logement (sauf meublé qui relève du seuil de 72 600 €)
72 600 € pour les prestations de services relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou des bénéfices non commerciaux (BNC) et les professions libérales non réglementées
Au-delà de ces plafonds, les auto-entrepreneurs devront basculer sur un autre statut et changer de régime fiscal, souvent moins intéressant que celui de la micro-entreprise.
Les auto-entrepreneurs n’ont pas à récupérer la TVA, ce qui leur permet d’offrir des tarifs intéressants. Mais là encore, il existe un plafond. Pour les activités de vente dépassant un chiffre d’affaires de 94 300 € et celles de prestations de services dépassant 36 500 €, la TVA doit être appliquée. A l’inverse, l’auto-entrepreneur ne peut pas récupérer la TVA sur ses investissements matériels.
Autre inconvénient, le statut d’auto-entrepreneur est taxé sur son chiffre d’affaires et non sur ses bénéfices. Les indépendants en France n’ont donc pas la possibilité de déclarer des charges fixes ou variables ou encore d’amortir du matériel acheté dans le cadre de l’activité.
Salariat déguisé, protection sociale moindre : les limites de l’auto-entrepreneuriat
Cette réponse juridique aux micro-activités que représente l’auto-entrepreneuriat a aussi développé des pratiques professionnelles contestables. Notamment le salariat déguisé.
L’auto-entrepreneur assure lui-même ses cotisations à la sécurité sociale, ce qui libère les entreprises des cotisations patronales et autres charges liées à une embauche en CDD ou en CDI.
Ainsi les entreprises n’hésitent pas à faire appel de manière régulière voire à plein temps aux auto-entrepreneurs. Ces derniers deviennent des ersatz de salariés sans avantages puisqu’ils n’ont pas le droit à la même protection sociale que des employés lambda. Pas de congés payés ou encore de congés maladie pour les auto-entrepreneurs qui ne bénéficieront pas d’indemnités journalières en cas de maladie.
Autre limite, la cotisation pour la retraite. Les auto-entrepreneurs ne bénéficient pas des mêmes droits que les salariés. Un auto-entrepreneur doit réaliser un chiffre d’affaires minimum sur 4 trimestres pour valider ses trimestres de retraite. Un seul mauvais trimestre peut mettre à mal toute l’année.
L’Algérie semble s’inspirer de loin du statut pratiqué en France mais on ne sait pas encore quelles mesures seront retenues pour la protection de l’auto-entrepreneur. Les obligations ont déjà été évoquées par le ministère de l’Economie de la connaissance, des Start-up et des Micro-entreprises, mais qu’en sera-t-il des droits de l’auto-entrepreneur ?