L’Algérie entame l’année 2022 sur fond de pénuries et de tensions sur plusieurs produits alimentaires de base, qui s’ajoutent à une inflation galopante qui met à rude épreuve le pouvoir d’achat.
Après une accalmie de plusieurs mois, l’huile de table est de nouveau introuvable sur les étals. La production nationale étant suffisante et couvrant largement les besoins internes, les autorités dénoncent un acte délibéré.
Le ministre du Commerce a pointé du doigt « la spéculation » et le président de la République a mis ces crises à répétition sur le compte d’un « complot ».
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« Pleinement conscients des défis actuels, complexes et difficiles, et des complots de déstabilisation, y compris les tentatives visant à créer la pénurie dans les produits de base, nous puisons ensemble, à cette occasion, la force de déjouer les tentatives de démoralisation », a indiqué Abdelmadjid Tebboune dans son message de vœux aux Algériens à l’occasion du Nouvel An.
Le chef de l’État a aussi évoqué les potentialités des jeunes « bloquées par des entraves bureaucratiques, résultat naturel des mentalités de la rente et d’actes de corruption qui ont rongé les capacités de la Nation ».
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Dans le même temps, le prix du pain ordinaire, aliment de base de tous les ménages algériens, est revenu au-devant de la scène. Fixé à 7,50 dinars depuis 25 ans, le prix de la baguette ne couvre plus les coûts de revient, selon les boulangers qui réclament son augmentation à 15 dinars algériens.
Si le gouvernement a fermé les yeux sur l’augmentation unilatérale du prix à 10 dinars algériens depuis plusieurs années, il ne compte pas laisser faire cette fois. Le ministre du Commerce vient d’instruire ses services de prendre des mesures fermés contre les initiatives unilatérales dans ce sens.
Le moment ne se prête pas pour toucher à ce produit sensible. Le pouvoir d’achat s’est dégradé pendant toute l’année 2021, à cause d’une inflation presque à deux chiffres (9,2%).
Dans son dernier rapport qui a provoqué l’ire de l’Algérie, la Banque mondiale a expliqué cette poussée inflationniste par « une récolte décevante, les efforts de rationalisation des subventions et la dépréciation de la monnaie ».
Pénuries, tensions et inflation galopante
Surtout, la Banque mondiale a noté que la forte hausse de l’inflation alimentaire a affecté « disproportionnellement » le pouvoir d’achat du segment le plus vulnérable de la population, « compte tenu du poids majeur des produits alimentaires dans son panier de consommation ».
Si les prix de l’huile et du pain n’ont pas augmenté, c’est parce qu’ils sont subventionnés par l’Etat. Pour les autres produits alimentaires, presque aucun n’est épargné par la flambée et certains sont devenus subitement inaccessibles même aux couches moyennes. Pendant toute l’année 2021, des produits comme la pomme de terre, le poulet, la tomate, les œufs ou la sardine ont tour à tour défrayé la chronique.
Pour les produits subventionnés ou soutenus (pain, huile de soja, lait et sucre), les tensions sont permanentes, excepté pour le dernier produit, mais ce n’est pas pour longtemps. Dans les magasins, des citoyens achètent d’importantes quantités de sucre et ce n’est jamais bon signe. Ils anticipent peut-être une éventuelle hausse des prix de ce produit, après la décision du gouvernement de le soumettre à une TVA de 9%.
Derrière cette situation, outre la spéculation dans le secteur du commerce qui est largement dominé par l’informel, il y a la flambée des prix sur les marchés mondiaux. L’organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a indiqué que le panier de son indice (céréales, lait, viandes et sucrés) a connu en octobre dernier une hausse de 30% sur une année.
La subvention permet de maintenir un certain niveau de pouvoir d’achat mais elle coûte les yeux de la tête à l’Etat. Rien qu’en compensations accordées aux producteurs d’huile, 40 milliards de dinars (287 millions de dollars) ont été déboursés en 2021, selon le ministre du Commerce. On parle d’un total de 17 milliards de dollars consacrés chaque année aux différentes subventions (alimentation et énergie notamment).
Maintenir le statu quo et fermer les yeux sur les abus en tout genre (farine et poudre de lait destinées à d’autres usages, ménages aisés qui profitent des subventions) ou mettre en œuvre son projet de révision du système des subventions généralisées au risque d’affaiblir davantage le pouvoir d’achat, c’est tout le dilemme qui se pose au gouvernement algérien en ce début d’année.
La révision du système des subventions, qui a montré ses limites, est inscrite dans la loi de finances 2022, mais il y est spécifié que sa mise en œuvre est tributaire de la mise en place d’un mécanisme de compensation financière directe aux ménages défavorisés.
Il n’est pas normal que dans un pays de la taille de l’Algérie, avec ses potentialités agricoles et industrielles, les principaux sujets de débats sont liés à la disponibilité des produits alimentaires de base.