En plein débat sur la fin du système des subventions généralisées, que reste-t-il de la gratuité des soins hospitaliers en Algérie ?
Dans un message publié sur les réseaux sociaux, le Dr Lyes Merabet, président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP) a posé la question. « De la gratuité des soins à celle de l’entrée gratuite aux hôpitaux », a résumé le praticien, en pointant les difficultés pour bénéficier des soins hospitaliers en Algérie.
En avril dernier, le ministre de la Santé Abderrahmane Benbouzid pointait dans un entretien à El Watan, une gratuité des soins « qui n’a pas reflété l’équité demandée », et un système national de santé qui « a montré ses limites ».
Interrogé sur la question par TSA, le docteur Mohamed Bekkat-Berkani, président du Conseil de l’ordre national des médecins, se dit pour la fin de la gratuité des soins.
“La fin de la médecine gratuite, je suis pour, mais il faudra tenir compte de la situation de chaque citoyen. Est-il assuré ou non, quelles sont ses capacités financières. Tous ces paramètres devront être pris en compte“, explique-t-il.
En Algérie, tous les malades peuvent bénéficier de soins gratuits dans un hôpital public. Mais vu les pénuries de médicaments, les équipements qui tombent en panne, les patients sont orientés vers le privé pour faire des analyses ou des scanners. D’autres patients qui disposent de moyens se tournent carrément vers le secteur privé pour des raisons multiples. Parfois, ils ne trouvent pas de places dans les hôpitaux publics, débordés par l’afflux de malades.
Un secteur dans lequel ils doivent faire face à la cherté des actes médicaux. Pour une consultation auprès d’un médecin spécialiste ou d’un généraliste, il faut en effet débourser en moyenne entre 1.500 et 4.000 DA. D’autres frais, comme ceux de l’imagerie radiologique, ou ceux des analyses médicales, peuvent s’ajouter, rendant ainsi la facture “lourde” aux yeux des patients.
« Je suis pour la fin de la médecine gratuite »
Des factures de plus en plus salées pour le portefeuille des malades et dont seule une infime partie est remboursée par la CNAS (Caisse nationale des assurances des travailleurs salariés).
En effet, la nomenclature des actes médicaux date de 1987. Elle n’a jamais été révisée.
À titre d’exemple, depuis les années 80 et jusqu’à aujourd’hui encore, pour une visite chez un médecin généraliste, les caisses de sécurité sociale ne remboursent que 50 DA pour les malades chroniques qui sont assurés à 100 %, et 40 DA pour les assurés à 80 %.
Pour ce qui est des consultations chez un médecin spécialiste, le remboursement est de l’ordre de 100 DA pour les assurés à 100 %, et de 80 DA pour les assurés à 80 %.
Il est à noter par ailleurs, que les opérations relevant de la chirurgie viscérale, ophtalmique, et de la chirurgie orthopédique, ne sont absolument pas prises en charge. Seules la chirurgie cardiaque, et certaines interventions rénales sont remboursées à 100 %.
Les opérations chirurgicales effectuées dans le privé, et qui coûtent parfois très cher, ne sont pas remboursées à leur juste valeur, en dépit du fait que les assurés sociaux s’acquittent de la totalité de leurs charges sociales.
“Ces taux de remboursement sont totalement obsolètes, concède le Dr Bekkat-Berkani. Le problème de la CNAS est qu’elle n’a pas assez de recouvrements et ce, particulièrement dans les professions non commerciales et les professions libérales. Cela provoque des “trous” au niveau de cette caisse“. Le comble est que parfois ce sont les gens qui ne paient pas la sécurité sociale qui bénéficient, grâce à leurs relations, des soins hospitaliers.
“Il faudrait que la sécurité sociale soit rattachée au ministère de la Santé (au lieu de celui du Travail), comme c’est le cas dans d’autres pays du monde, recommande le Dr Bekkat Berkani. Faire une entité à part, crée des difficultés“.
Un système de sécurité sociale jugé dépassé, qui provoque la grogne des assurés et des médecins, qui appellent aujourd’hui, plus que jamais, à une refonte profonde du système de santé.