Un commissaire de police parisien est au centre d’une polémique en France. Il a tenu des propos qualifiés de racistes à l’encontre des supporters de l’équipe d’Algérie de football qui ont célébré dans la rue le sacre des Verts en Coupe arabe.
Pendant deux samedis consécutifs, les fans des Fennecs ont fait la fête à Paris : le 11 décembre après la victoire de l’Algérie en quarts de finale face au Maroc et le 18 à l’occasion du sacre final aux dépens de la Tunisie. Des incidents ont été signalés notamment lors de la première célébration sur l’avenue parisienne des Champs-Élysées.
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Matthieu Valet, commissaire de police et porte-parole du syndicat indépendant des commissaires de police (SICP) a partagé une photo des incidents sur Twitter et l’a accompagnée d’un commentaire qui ne passe pas.
« Des supporters algériens ? Non ! Des voyous des cités ! Ils ont la violence dans leur ADN, a-t-il écrit. Ils agressent nos collègues. Ils ne respectent rien : ni l’uniforme, ni la France qui leur a tout donné ».
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Ces propos sont tenus alors que la précampagne pour l’élection présidentielle du printemps prochain est dominée par les thèmes liés à l’immigration et l’identité.
Le compte Twitter du commissaire est suivi par plus de 12 000 personnes et son tweet a été aussitôt signalé. Bien qu’il l’ait supprimé, des captures d’écran ont été prises et partagées sur les réseaux sociaux. Beaucoup estime qu’on est devant une attaque à caractère raciste.
Dès mardi 14 décembre, Daoud Achour et Elyacine Maallaoui, deux avocats parisiens, alertent le parquet de Paris et dénoncent une « incitation publique à la haine, à la violence et à la discrimination raciale ».
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Pour ces deux avocats, la publication du commissaire de police « tendait à attribuer une particularité biologique, en l’espèce la violence, à un groupe de personnes en raison de leur appartenance à une ethnie, à une nation ou encore à une prétendue race ». C’est ce qu’ils ont écrit dans leur lettre au parquet, dont des extraits ont été publiés par Le Parisien.
Le commissaire ne se démonte pas
Le discours anti-immigrés s’est banalisé dans la société française et parmi la frange extrémiste de la classe politique, mais que de tels propos soient tenus par un fonctionnaire, homme de loi de surcroît, cela a provoqué un tollé en France.
« On peut trouver honteux les événements qui ont suivi ce match, c’est une chose (…) Dire une chose comme cela, lorsque vous êtes commissaire de police, cela pose un vrai problème », estime Me Maallaoui.
Mais le commissaire ne se démonte pas. Il envisage même de déposer plainte pour « dénonciation calomnieuse ».
« C’est une stratégie qui vise à démolir les gens », a-t-il réagi en maintenant ses propos : « Dans ce post, je parle bien des voyous des cités et pas des supporters algériens. Je ne vise aucune catégorie de personnes ». « La violence fait partie de l’ADN des voyous. Je ne pouvais pas faire plus clair », se défend-il dans les colonnes du même journal.
Les propos du commissaire surviennent alors que la précampagne pour la présidentielle française du printemps est dominée par des thèmes liés à l’immigration et à l’intégration des immigrés.
Imposé par les candidats de l’extrême droite, Eric Zemmour et Marine Le Pen, ce débat tend à montrer que les enfants d’immigrés maghrébins refusent de s’intégrer dans la société française, et certains rejettent même les lois de la République. Un débat qui cache en réalité l’échec des politiques d’intégration et le rejet d’une partie de la population d’origine immigrée.
Dans une tribune publiée en mai dernier dans le magazine Marianne, Benjamin Beauchu, animateur de la Commission citoyenneté de République souveraine, et Marc-Antoine Frebutte, membre du même mouvement, ont pointé du doigt les difficultés que rencontrent les étrangers et Français d’origine immigrés.
Reprenant les chiffres de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), ils ont souligné que près de 40 % des immigrés en France sont pauvres et que les enfants d’immigrés sont « trois fois plus touchés par le chômage que les autres ».
Selon les mêmes chiffres, 50 % des familles d’immigrés originaires du Maghreb et d’Afrique vivent dans des quartiers pauvres où le taux du logement social dépasse les 25 %.
Benjamin Beauchu et Marc-Antoine Frebutte ne mettent pas en cause uniquement le racisme dans la situation précaire des immigrés et de leurs enfants en France. Ils pointent du doigt « des choix économiques, politiques, sociaux, des gouvernements de droite comme de gauche qui se sont succédé ».