Réunis samedi à Moscou pour un sommet visant à relancer la recherche d’un règlement de la guerre en Syrie, les chefs de la diplomatie russe, turque et iranienne ont affiché leur unité et souligné l’importance du processus d’Astana.
Le ministre russe Sergueï Lavrov, le turc Mevlüt Cavusoglu et l’iranien Mohammad Javad Zarif étaient réunis pour discuter des solutions au conflit qui ravage depuis plus de sept ans la Syrie, où les trois pays se sont imposés en maîtres du jeu.
A l’issue de discussions bilatérales et trilatérales n’ayant duré au total qu’une poignée d’heures, les trois chefs de diplomatie ont surtout affiché leur unité et insisté sur l’importance du processus d’Astana. Lancé en mai 2017 par Ankara, Moscou et Téhéran, il a permis la mise en place de quatre « zones de désescalade » en Syrie.
« Pour le dialogue politique, Astana a fait plus » que les autres processus de négociations, a déclaré Sergueï Lavrov, assurant que celui-ci « tient fermement sur ses jambes » grâce à la « coopération unique » entre les trois pays.
« Ceux qui critiquent le processus d’Astana doivent avoir leurs propres objectifs, comme essayer de montrer au monde qu’ils décident de toutes les affaires du monde, mais cette époque est révolue », a-t-il ajouté.
Les trois ministres ont aussi réaffirmé leur unité, alors que la quête d’un règlement du conflit syrien, qui a fait plus de 350.000 morts depuis 2011, patine du fait des intérêts contradictoires de Moscou, Ankara et Téhéran et de leurs divergences sur le sort du président syrien Bachar al-Assad.
Moscou et Téhéran sont les alliés de Damas tandis qu’Ankara soutient les rebelles syriens mais malgré ces « quelques nuances, la Turquie, la Russie et l’Iran ont la même préoccupation qui est d’aider les Syriens », a assuré M. Lavrov.
Le dernier sommet entre les trois pays remonte à début avril à Ankara. Les présidents Vladimir Poutine, Recep Tayyip Erdogan et Hassan Rohani, s’étaient engagés à coopérer pour parvenir à un « cessez-le-feu durable » en Syrie.
Depuis, leur unité a été mise à mal après l’attaque chimique présumée attribuée au régime contre le bastion rebelle de Douma et les frappes de représailles menées par Washington, Paris et Londres contre des cibles syriennes.
La Turquie a salué ces frappes comme une riposte « appropriée » alors que la Russie et l’Iran sont montés au créneau pour défendre le régime de Bachar al-Assad.
Samedi, Sergueï Lavrov a toutefois implicitement critiqué le régime syrien en l’appelant à se montrer plus « flexible », un convoi humanitaire de l’ONU devant ravitailler Douma ayant été bloqué par Damas.
« Atmosphère de confiance »
Avant le sommet, la diplomatie russe avait indiqué que les négociations se concentreraient sur la situation humanitaire dans le pays en guerre. « Fournir de l’aide au peuple syrien ne doit pas être conditionné par un objectif politique », a déclaré sa porte-parole, Maria Zakharova, ajoutant que des discussions bilatérales seraient aussi au programme.
En ouverture du sommet, Sergueï Lavrov a d’ailleurs rencontré Mevlüt Cavusoglu et salué la fréquence des réunions russo-turques, estimant qu’elles montrent « l’importance que Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan accordent à nos relations ».
Mevlüt Cavusoglu a lui salué « l’atmosphère de confiance entre nos deux pays permettant de résoudre des questions d’ordre régional ».
Pour le politologue Alexandre Choumiline, du centre d’analyse des conflits au Proche-Orient de Moscou, l’attaque chimique présumée a pourtant « créé une fissure dans l’union entre ces trois pays » tandis que le responsable de l’Institut du dialogue des civilisations, Alexeï Malachenko estime que le trio constitue une « alliance très instable » aux positions irréconciliables.
Interrogé par l’AFP avant le sommet, Alexandre Choumiline estimait que la reprise du processus de Genève, actuellement au point mort mais selon lui désirée par Moscou, serait « le thème principal de la réunion ministérielle ».
A Bruxelles mercredi, la cheffe de la diplomatie de l’Union européenne Federica Mogherini a d’ailleurs insisté pour que « la Russie et l’Iran exercent une pression sur Damas afin qu’il accepte de s’asseoir à la table des négociations menées sous les auspices de l’ONU ».