L’Algérie a entrepris de généraliser les tablettes dans les écoles, y compris dans le cycle primaire.
Dans d’autres pays où l’on a opté pour la numérisation, la tendance est au retour aux méthodes classiques, avec le livre comme principal support de l’enseignement. C’est par exemple le cas de la Suède, l’un des pionniers de la numérisation de l’enseignement dans le monde.
Dans ce pays nordique, des spécialistes imputent le recul des résultats scolaires des élèves à l’usage de la tablette.
La Suède, comme de nombreux pays avancés, a beaucoup investi pour numériser l’enseignement et doter tous les élèves de tablettes, ces supports électroniques destinés à remplacer les livres, cahiers et autres fournitures qui alourdissent les cartables.
Au bout de quelques années, le pays se retrouve contraint d’investir encore, cette fois pour supprimer les tablettes et rétablir le support papier.
Si le gouvernement suédois se retrouve dans cette situation paradoxale, c’est parce que les médecins sont formels : les tablettes sont le premier responsable de la baisse du niveau des élèves.
Pourtant, il y a seulement quelques mois, en décembre dernier, était présentée une stratégie nationale pour aller vers encore plus de numérisation.
Le gouvernement vient de faire machine arrière, annonçant des investissements d’un montant total de plus de 100 millions d’euros les deux prochaines années pour revenir aux méthodes classiques d’enseignement, rapporte le journal français Le Monde.
L’Algérie a aussi opté pour la numérisation de l’école, à une cadence plus lente certes. La stratégie mise en place consiste à doter progressivement les établissements scolaires de tablettes pour, entre autres, « alléger le poids du cartable » et offrir aux élèves un outil didactique de pointe.
L’avancement de l’opération est régulièrement présenté par les autorités comme indice de la modernisation de l’école.
Les tablettes feraient reculer le niveau des élèves
En juillet 2022, soit quelques semaines avant la rentrée de l’année scolaire en cours, le ministre de l’Éducation a révélé les derniers chiffres relatifs à l’opération.
Selon Abdelhakim Belabed, 1.600 écoles, minutieusement choisies aux quatre coins du pays, ont été dotées de tablettes, ajoutant que l’opération sera généralisée à terme dans toutes les écoles du pays. Il a aussi annoncé que le livre numérique sera disponible pour la première fois à l’école, au profit de 5,5 millions d’élèves.
On ne connaît pas le coût de ces acquisitions, mais ce qui inquiète les spécialistes, c’est plus l’impact de ces nouvelles méthodes sur la qualité de l’enseignement.
À la dernière rentrée scolaire, déjà, des voix se sont élevées pour s’interroger ou carrément remettre en cause cette option.
Des pédagogues ont exprimé leur scepticisme et leur crainte de voir ces nouvelles technologies produire tout à fait l’effet inverse, d’autant plus que les problèmes logistiques auxquels font face les écoles algériennes tardent à être réglés, comme la surcharge des classes.
Un ancien inspecteur de l’éducation, Salah Lazari, s’est montré formel : pour lui, la compréhension est nettement plus facile avec les méthodes classiques dans une classe de 25 élèves que dans un groupe de 50 élèves munis de tablettes.
« De bien meilleures solutions existent », dit-il, cité dans un article de TSA en septembre dernier.
Avec l’expérience qui a tourné court en Suède, ces voix discordantes seront-elles enfin entendues en Algérie ?
Il est, en tout cas, impératif d’engager un débat avec les spécialistes pour ne pas s’engouffrer dans une passe et être contraint de faire le chemin inverse au bout de quelques années.
D’autant plus que l’acquisition de tablettes et autres outils didactiques numériques ne se fait pas gratuitement. Des investissements colossaux sont nécessaires pour doter plus de 11 millions d’élèves des trois cycles de ces outils coûteux.
Au lancement de l’opération, le ministère de l’Éducation a eu d’ailleurs recours au mécénat de Sonatrach.
Une réflexion profonde et sereine est d’autant plus souhaitée que de nombreux établissements scolaires algériens souffrent encore de carences en chauffage, transport, cantines, mobilier et autres insuffisances logistiques.