C’est une image dont le secteur du tourisme algérien pourrait bien se passer. Un poulet infesté de vers qui trône au milieu d’un four. La scène nauséabonde a été filmée dans un hôtel-restaurant de la côte-ouest du pays et publiée par le président de l’Association de protection du consommateur (APOCE), Mustapha Zebdi.
Dans une autre vidéo, dans un hôtel à Oran on aperçoit des agents de contrôle ayant mis la main sur des viandes cuites qui ont été congelées par la suite, pour être servies aux clients.
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Sur place, les agents de contrôle ont ordonné la destruction de cette viande dont la consommation présente un danger mortel pour les clients. Ce sont deux scènes qui ne rehaussent pas l’image du tourisme en Algérie.
« C’est de la triche et de la tromperie », dénonce M. Zebdi, contacté par TSA. Cela au moment, dit-il, où ces hôtels font payer au consommateur le prix fort. « Il y a une façade qui donne l’impression que tout est parfait », déplore-t-il, faisant part de « zones d’ombres ». « Ce n’est que la partie émergente de l’iceberg », conclut-il. Comprendre que ce qui est caché est encore plus grave.
Ces pratiques relancent le débat sur les critères de classement des hôtels en Algérie, selon M. Zebdi. « Un hôtel classé doit mériter son étoile”, dit-il. “Or, on voit des hôtels, infestés de cafards et autres bestioles, classés 4 étoiles ! Le ministère du Tourisme est appelé à revoir le cahier de charge et les critères de classement. N’importe qui peut s’improviser propriétaire d’un hôtel 4 étoiles alors qu’à l’intérieur c’est sale », critique le président de l’Apoce qui s’interroge : « Qui est en train de distribuer les étoiles à tort et à travers ? ».
Le président de l’Apoce s’indigne qu’avec de telles conditions les prix pratiqués dans les hôtels algériens sont excessifs.
Ces images désolantes sur l’état de certains hôtels du pays relancent le débat récurrent sur le sous-développement qui caractérise la filière touristique en Algérie.
Les très mauvaises prestations, le manque d’offres touristiques et les prix excessifs contraignent de nombreux Algériens à choisir entre deux options : opter pour des locations chez des particuliers ou bien se rendre en Tunisie pour passer quelques jours de vacances.
Pourquoi l’Algérie peine-t-elle à développer son tourisme en dépit du potentiel non négligeable qu’elle renferme ? Salim Ayache, expert dans le domaine du tourisme, avance trois facteurs.
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« Le tourisme, ce n’est pas la plage et l’hôtel »
Le premier renvoie, selon lui, au fait que les investisseurs « pensent que les gens viennent pour la plage ou l’hôtel, en oubliant qu’il y a d’autres paramètres qui entrent en jeu ».
« Il y a la plage, l’hôtel, mais aussi l’animation, la restauration, les circuits touristiques, les restaurants, les soirées animées. En termes de segmentation, on parle toujours de l’hôtel et de la plage alors que c’est faux. Or, une destination touristique c’est un tout : le transport, l’hébergement à prix concurrentiel avec des buffets ouverts… Ce qu’on ne fait pas chez nous. Et même si on le fait c’est de façon très médiocre au point que les vacanciers préfèrent manger dehors qu’au restaurant de l’hôtel », développe-t-il.
Par ailleurs, les animations aquatiques n’existent pas et les vacanciers « sont livrés à eux-mêmes ». « Normalement, on est censés faire des programmes d’animation pour tous les âges. On propose des soirées DJ alors qu’elles devraient être accompagnées par des activités culturelles. Les facteurs directs ou indirects pour construire une destination, ce ne sont pas uniquement la plage ou bien l’hôtel… », insiste M. Ayache.
Il fait état de la faiblesse de l’offre touristique le long du littoral algérien qui n’est pas à même de répondre à la forte demande exprimée.
« Le constat amer c’est que nous avons environ 22 000 lits sur la côte. C’est impossible pour répondre à la demande du tourisme intérieur. Il faut qu’il y ait, je dirais, dans les 140 000 lits. Là on commencera vraiment à jouer sur les prix et (à parler) de concurrence, etc. L’offre en lits est quasi inexistante et la classe moyenne est livrée à elle-même. Alors, vous avez des estivants qui optent pour la location chez l’habitant, et il y en a qui préfèrent partir en Tunisie », expose-t-il.
L’expert liste les besoins du touriste. « Que veut un touriste ? C’est que lorsqu’il sort de l’hôtel il trouve un parc aquatique, un parc d’attraction, le transport disponible 24h/24. Alors que chez nous, à partir de 18 h tout s’arrête. De plus, les gens se disent à quoi bon d’aller à la plage pour ensuite se disputer avec le gardien du parking pour payer 500 DA la place. Il se dit que pour payer le même prix en Algérie, il peut aller dans un hôtel pied dans l’eau en « All inclusive » en Tunisie avec toutes les attractions tout autour », relève-t-il.
Le président de la Fédération nationale des hôteliers et du tourisme (FNHT), Abdelouahab Boulefkhad, estime qu’une destination touristique « est un tout » avec l’implication de tous les acteurs intervenant dans le domaine touristique.
Selon lui, pour améliorer les prestations dans les hôtels algériens il faut d’abord avoir une main-d’œuvre qualifiée et pérenne. « Il faut un personnel spécialisé et qualifié, qui aime son métier », dit M. Boulefkhad, ajoutant que le facteur de l’offre et de la demande entre aussi en jeu en termes de tarifs. Il met en exergue le facteur lié à la politique d’accueil qui mériterait d’être améliorée.