Politique

Tayeb Louh relance le débat sur la relation entre l’argent et la politique

Le débat du rapport de l’argent à la politique revient aux devants de la scène à dix mois de l’élection présidentielle. Lundi 25 juin, Tayeb Louh, ministre de la Justice, a évoqué cette question, après avoir fourni des détails devant la presse sur l’affaire de la saisie de 701 kg de cocaïne à Oran, fin mai 2018.

« Je le dis et je prends mes responsabilités, Il ne faut pas mélanger entre la fortune et le pouvoir. C’est un principe consacré en Algérie et dans le programme du président de la République d’une manière claire », a-t-il prévenu. Il a évoqué la nécessité de « moraliser » l’action politique et publique.

« Celui qui veut amasser la fortune peut le faire dans un cadre légal », a-t-il conseillé. À qui s’adresse ce message de Tayeb Louh ? Énigme. Toujours est-il que le Garde des sceaux, ancien magistrat, a appelé les journalistes à « bien analyser » les interventions des ministres en évoquant « la lutte contre la corruption ».

« Cette politique est consacrée dans les pratiques de l’État algérien sous la direction du président Bouteflika », a-t-il appuyé. Une manière de suggérer que le ministre de la Justice a été autorisé à intervenir publiquement sur une affaire qui défraie la chronique, celle du trafic de drogue dure, au moment où l’opinion publique se pose une multitude de questions sur Kamel Chikhi, principal accusé, et son réseau.

Politique, fortune et Kamel Chikhi

Mais quel est donc le rapport entre « la fortune » et « la politique » abordé par Tayeb Louh à la fin de son intervention devant la presse avec l’affaire de la cocaïne ? Kamel Chikhi a-t-il des connexions avec des milieux politiques voulant peser sur les prochains choix d’avant la présidentielle de 2019 ? Si oui, lesquels ? Si non, il n’y a pas de raison pour que le ministre de la Justice parle de « fortune » et de « politique ». Pour Louh, il n’y a pas d’impunité. « Toutes les institutions ne doivent pas cacher les cas d’atteintes à la loi ou dissimuler des crimes comme la corruption. Nous serons impitoyables avec ceux qui commettent ces actes nuisibles à la société. Nous les poursuivrons quelles que soient leurs postures », a-t-il menacé.

Avant Tayeb Louh, Abdelmadjid Tebboune avait parlé de l’argent et la politique en juin 2017 lorsqu’il était Premier ministre. « L’Algérie est un pays de libertés et le demeurera, chaque citoyen est libre de s’engager dans les affaires, la politique ou même les deux, mais pas à la fois. L’État veillera à la séparation entre le pouvoir de l’argent et le pouvoir politique », a promis Abdelmadjid Tebboune. Une déclaration qui lui aurait valu son poste de Premier ministre.

Amar Saâdani avait évoqué la question du pouvoir et de l’argent lorsqu’il était secrétaire général du FLN. « Il faut choisir entre la politique et les affaires », avait-il conseillé en s’attaquant à un industriel.

Un dosage toxique ?

Pourquoi la question est évoquée une nouvelle fois et présentée comme « un danger » ou « une ligne rouge » à ne pas franchir par un membre important du gouvernement ?

Le dosage politique-argent est-il si toxique ? Les postes de prise de décisions politiques sont-ils interdits aux hommes d’affaires et aux personnes fortunées ?

Ahmed Ouyahia, Premier ministre, a lui, prévenu contre l’emprise de « l’argent sale » sur certaines institutions de l’État et sur l’économie. Ce qui remet aussi « l’argent » au milieu du jeu politique d’une manière ou d’une autre.

L’affaire de la saisie de la cocaïne à Oran est, à suivre l’évolution du dossier au niveau des tribunaux, également celle d’argent et de blanchiment d’argent. La justice va déterminer les sommes engagées dans ce scandale qui commence à avoir des allures politiques.

Il faut s’attendre à des rebondissements surtout après les déclarations d’Abdelghani Hamel, ex-directeur général de la sûreté nationale (DGSN), intervenues moins de 24 heures après celles de Tayeb Louh, et presque un mois après la saisie de la drogue dure à Oran.

« L’institution de la police est déterminée à poursuivre son travail et à continuer la lutte contre la corruption. Là, je dis que celui qui veut lutter contre la corruption doit être propre. Même si l’institution n’est pas concernée par cette enquête, nous allons transmettre les dossiers en notre possession concernant cette affaire à la justice. Je répète, nous avons une grande confiance en la justice. L’institution est décidée à rester sous les ordres de la justice, au service du citoyen et de la société algérienne. Personne ne peut arrêter l’institution avec les allégations, les manipulations ou en lui faisant peur ou en jouant. Nous résistons », a déclaré Abdelghani Hamel devant les journalistes.

À qui s’adressait-il ? Quelques heures après ces déclarations, il est remplacé par le colonel Mustapha Lehbiri à la tête de la DGSN. D’autres changements pourraient intervenir dans les prochains jours.

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