Le président Abdelmadjid Tebboune a accordé une interview au quotidien français L’Opinion où il est revenu sur le hirak, détaillé son projet pour les jeunes algériens, évoqué les relations avec la France.
« Le 22 février 2019, pratiquement toute la population est sortie dans la rue pour exprimer son ras-le-bol par rapport à tout ce qui s’était passé les deux à trois années précédentes et s’était achevé par une comédie de préparation d’une élection pour un cinquième mandat, sachant que le président Bouteflika était devenu impotent… Le hirak « béni » a mis fin à cette comédie », a-t-il expliqué, en soulignant que « protégé par l’armée et les services de sécurité, ce mouvement populaire et civilisé s’est exprimé de façon très politique et très pacifique. »
Pour Tebboune, le plus difficile était de « regagner la confiance de ce peuple désabusé par des années de gestion folklorique qui tenait de la république bananière. »
Le président a ajouté que des changements ont été opérés « dans tous les corps de l’Etat ». « « Nous nous sommes attelés à fournir les efforts pour que l’avant-projet de Constitution soit le reflet réel de la demande populaire de changement, comme je m’y étais engagé durant la campagne (…) Nous sommes sur le bon chemin du retour de la confiance des Algériens envers leur Etat et leurs responsables et, à leur tête, leur président de la République. »
Répondant à une question sur les critiques des ONG sur la répression et la détérioration de la liberté d’expression en Algérie, M. Tebboune a dit : « Il n’y aura pas de répression mais de la protection de l’ordre public (…). Les arrestations ne sont pas faites sur la base des idées, des slogans ou le fait d’être opposant… Aucun journaliste n’a été arrêté pour le fait d’être journaliste. »
Mais le chef de l’Etat a précisé que « le fait d’être journaliste ne donne aucune immunité concernant l’atteinte à l’ordre public. »
Sur son projet économique et politique, Tebboune dit compter sur les jeunes. « L’Etat va les (les jeunes) aider à émerger en tant que force économique. Les start-up algériennes deviennent une réalité. Sur le plan politique, je me suis engagé à introduire le maximum de jeunes au niveau des instances élues, y compris au sein de l’Assemblée nationale. Ils seront là pour représenter le peuple de manière plus moderne… Les jeunes sont restés honnêtes, propres et n’ont pas répondu aux sirènes des oligarques (…) J’espère avoir une majorité de jeunes aux assemblées nationale, régionales, au niveau des wilayas et des municipalités. »
Revenant sur les évènements du 5 octobre 1988, le président Tebboune les qualifiés de « printemps algérien », tout en regrettant le « dérapage » de 1992.
« En 1988, nous avons eu notre “printemps algérien”. La société s’est métamorphosée, le pouvoir aussi. Le multipartisme a aidé à l’introduction de nouvelles idées. Le pays a commencé à sortir de l’économie socialiste et administrée… Malheureusement, il y a eu un dérapage en 1992. Cette démocratie débutante a été “squattée” par un mouvement islamiste» », a-t-il dit.
Le chef de l’Etat a estimé qu’à « la fin des années 2012-2014, on a revécu les mêmes déviations avec un pouvoir personnel adossé à la kleptocratie qui s’est emparée des richesses du pays. Cela a donné le « hirak béni » du 22 février. »
Le président Tebboune a assuré qu’ « en Algérie, plus personne ne pourra toucher la Constitution pour [réaliser] un troisième mandat. »
Sur les relations entre l’Algérie et la France, M. Tebboune a déclaré : « J’ai confiance en le président Macron, en son raisonnement, en sa probité, sa manière de voir les choses. Nous nous entendons très bien sur beaucoup de sujets même s’il y a des lourdeurs qui le freinent, de temps en temps. En ce qui concerne nos relations bilatérales, il est allé assez loin. »