Les autorités algériennes sont-elles à la hauteur dans leur gestion de la crise du coronavirus ? Si l’on s’en tient aux chiffres, le nombre de cas enregistrés est très inférieur à celui des pays européens et l’épidémie de grande ampleur redoutée n’a toujours pas lieu, près d’un un mois après la découverte du premier cas.
Le risque n’est néanmoins pas écarté et l’évaluation définitive de l’action gouvernementale et du système de santé se fera lorsque tout cela sera fini. En attendant, les critiques qui fusent çà et là sont surtout destinées à mettre le doigt sur des dysfonctionnements qui risquent d’être lourds de conséquences.
Il est reproché par exemple au gouvernement sa longue tergiversation avant de procéder à la fermeture des écoles, et surtout des liaisons aériennes et maritimes avec les foyers mondiaux de l’épidémie ainsi que les mosquées qui n’est intervenue que ce mardi 17 mars.
Que dira Tebboune ?
Mais c’est sur le volet de la communication, arme décisive dans la crise en cours puisque l’enjeu est d’éviter la propagation du virus avant de songer à la prise en charge médicale proprement dite, que l’action des responsables est discutable.
Mieux vaut tard que prise de parole officielle de leur jamais, le président va s’exprimer ce mardi sur la question dans un discours à la Nation. La solennité d’un discours présidentiel peut en effet avoir le double avantage d’atténuer la psychose en rassurant la population que les plus hautes autorités suivent de près la situation et de faire prendre conscience aux gens que la question est sérieuse au point de nécessiter une intervention à un tel niveau.
Que dira Abdelmadjid Tebboune ? Sans doute qu’il tentera de rassurer que l’Etat est là et fera tout pour préserver la vie et la santé des citoyens et, pour que les gens ne baissent pas la garde, soulignera la gravité de la situation.
Pour les mesures, il ne reste que le confinement général ou partiel de la population, mais il semble exclu que le chef de l’Etat le décrète dès ce soir. Les chiffres actuels ne prêtent pas à l’alarmisme et la cote d’alerte est loin d’être atteinte, du moins si l’on compare la situation à celle qui prévaut dans certains pays européens.
Il est surtout attendu du président qu’il explicite le plan d’action national de lutte contre le virus et sa propagation et qu’il renvoie l’image d’un timonier qui suit et chapeaute en personne la gestion de la crise. Car jusque-là, les dysfonctionnements et les errements n’ont pas manqué en matière de communication et de prise de décision concernant les mesures à mettre en œuvre.
La communication doit être centralisée
Certains des responsables propulsés sur le devant de la scène communiquent admirablement, d’autres moins bien. C’est connu, dans la gestion des crises, la communication est centralisée et confinée à des canaux déterminés. Laisser aux directions locales de la santé, voire aux directions des établissements, la latitude de communiquer sur l’évolution de la situation à leur niveau, c’est prendre le risque de créer la confusion par des informations contradictoires, mal formulées ou carrément déformées, jusqu’à faire prendre aux gens des cas suspects pour des cas avérés ou, pire, penser que l’Etat cache la réalité des choses.
La multiplication des intervenants n’est pas indiquée dans ce genre de situation et ce que peut dire un ministre sans s’en référer à un autre peut bien mettre à mal la stratégie arrêtée. La crise en cours est d’une telle complexité que plusieurs départements ministériels sont directement concernés, mais il aurait été mieux de confier l’annonce des décisions prises ou à prendre, les recommandations et les évaluations à une seule voix.
Une stratégie de communication bien concertée aurait sans doute évité la maladresse du ministre des Transports qui a prédit la fin de l’épidémie en avril grâce à la chaleur, ou encore celle du ministre de la Santé qui a ébruité sa rencontre avec un personnage qui n’en est pas à sa première bouffonnerie du genre. Le ministre n’a visiblement pas été informé que Loth Boutaniro, qui a lui annoncé avoir découvert le remède miracle contre le coronavirus, avait, il y a quelques années, prétendu pouvoir prédire les tremblements de terre.
Pire : en professeur de médecine, Benbouzid doit savoir que les délais de fabrication d’un vaccin se comptent en plusieurs mois, entre l’identification du virus, les tests et l’obtention des autorisations. Faire croire aux gens faussement qu’un vaccin sera bientôt disponible, c’est les inviter à baisser la garde.
Les citoyens ne savent pas aussi à quel canal se fier. Les annonces et les interventions publiques se font partout, à la télévision d’Etat ou par le biais de l’agence de presse officielle, mais aussi sur les chaînes privées, en conférence de presse, dans les journaux et même sur les réseaux sociaux. Le mieux aurait été de fixer un point de presse régulier, de préférence quotidien, avec le même responsable, pour faire le point de la situation et prodiguer consignes et recommandations.
La centralisation devrait s’étendre aussi à la décision et aux mesures de prévention. Il est par exemple incompréhensible que les salles de fêtes et les bains maures soient fermés à Alger deux jours avant Blida, l’épicentre de l’épidémie en Algérie. Il est tout aussi aberrant que la fermeture ou non des marchés hebdomadaires soit laissée à la seule appréciation des walis. A moins d’interdire les déplacements entre les wilayas, fermer les marchés dans une wilaya et ne pas le faire dans une autre relève du non-sens.
| LIRE AUSSI : « L’épidémie du Covid-19 nécessite une communication adaptée qui soutient les efforts sur le terrain »