Société

Témoignage : le récit choc d’une anesthésiste algérienne de retour de Gaza

Elle vient de revenir de Gaza où elle a exercé pendant deux semaines dans un hôpital de l’enclave palestinienne : Amina Kasmi est médecin femme algérienne spécialiste en anesthésie-réanimation à l’hôpital de Bordj Badji Mokhtar.

Originaire de Mila, elle exerce dans cette région de l’extrême sud de l’Algérie dans le cadre du service civil. En juin dernier, elle a pu concrétiser le projet qui la taraude depuis le début de la guerre à Gaza : se rendre dans l’enclave palestinienne pour soulager un tant soit peu les souffrances de la population qui croule sous les bombardements de l’armée israélienne.

La jeune spécialiste y est allée et a vu toute l’horreur que subissent les Palestiniens depuis le 7 octobre dernier.

Dans un témoignage à TSA, Amina assure que la situation à Gaza est bien plus grave que ce que décrivent les médias les plus objectifs.

« Je ne m’attendais pas à voir autant de destruction. Il ne reste presque plus rien de la ville de Gaza », dit-elle. Mais évidemment, ce n’est pas ce qui marque le plus un médecin qui a exercé, même pendant quelques jours seulement, dans un hôpital de Gaza en guerre. La jeune femme a vu l’horreur de ses propres yeux.

L’idée de partir à Gaza en bénévole la taraudait depuis le début de la guerre. « Je sentais que c’est un devoir, c’est la moindre des choses que je pouvais faire pour les Palestiniens ».

La jeune femme médecin a fini par trouver le moyen d’y aller. Par l’intermédiaire d’une ONG américaine, Rahma Worldwide. C’est l’association qui a organisé le déplacement pour une quinzaine de médecins et d’infirmiers de différentes nationalités.

La plupart sont originaires de pays musulmans, et détiennent la nationalité des États-Unis ou d’un pays européen. Il y avait aussi une chinoise. Amina est la seule médecin d’Algérie du groupe.

« Je n’ai pas de mots pour décrire l’ampleur de la dévastation »

Elle a tout préparé toute seule. En dehors de deux amies, elle n’a mis personne au courant de son projet, ni ses collègues ni sa famille.

Elle a pris son congé annuel, acheté un billet pour la Jordanie et, le 15 juin, elle s’est retrouvée à quelques encablures de la Palestine occupée. Et c’est là que commencent les difficultés. Le départ, prévu le 16 juin, n’a eu lieu que le 20.

Un médecin palestinien est empêché d’entrer en Palestine. Le reste du groupe est autorisé à emprunter le pont roi Hussein, direction le sud de Gaza où se trouve l’unique passage encore ouvert vers l’enclave, le passage Karam Abou Salama, qui donne directement sur Rafah.

Aux postes de contrôle, les soldats israéliens sont interloqués en découvrant la nationalité de la praticienne bénévole, mais ils ne lui réservent aucun traitement différent.

À Gaza, Amina assure avoir vu ce qu’elle n’a jamais imaginé. « C’est horrible, affreux, je n’ai pas de mots pour décrire l’ampleur de la dévastation. Très peu de bâtiments sont encore debout. C’est encore plus dramatique que ce qu’on voit à la télé », dit-elle.

La spécialiste algérienne et une partie de l’équipe sont affectés à l’hôpital Nasser de Khan Younès.

Bien qu’occupé par les soldats israéliens en février 2024, l’hôpital est en bon état. Seul un bloc, celui de néphrologie, est brûlé. Les autres services ont subi des dégradations, avec notamment les équipements détruits ou volés.

@wisamabuzaid وصول وفد طبي جزائري الي غزة #الجزائر#فلسطين#رفح_غزة_خانيونس #وسام_ابوزيد ♬ الصوت الأصلي – الصحفي وسام أبوزيد

Une anesthésiste algérienne décrit l’enfer de Gaza

L’établissement est l’un des derniers établissements encore fonctionnels dans le sud de Gaza, avec l’hôpital européen.

L’hôpital Nasser est submergé par le nombre de blessés qui affluent quotidiennement, en plus de devoir prendre en charge les patients ordinaires, les femmes enceintes au service de gynécologie ou encore les cancéreux.


Le personnel s’occupent d’eux pendant les journées « calmes », celles où il y a moins de 15 blessés graves évacués.

« Au vu de la nature des blessures, j’ai l’impression que les soldats visent des parties spécifiques du corps pour rendre les gens handicapés », raconte la jeune médecin à TSA.

Parfois, même l’amputation ne sert plus à rien. De nombreux blessés n’ont pu être sauvés. C’est le cas d’une cette mère de cinq enfants, tous blessés dans le bombardement de leur tente.

Les enfants ont pu être sauvés, mais pas leur mère qui avait la jambe écrabouillée par un obus. Son dernier, un bébé, pleurait toute la nuit et réclamait sa maman. Ses cris hantent encore la bénévole algérienne.

Amina n’oubliera pas aussi le drame d’un de ses collègues de circonstance. Un médecin palestinien qui a dû quitter son lieu de travail pour aller ramasser lui-même les restes des membres de sa famille tués dans un bombardement.

Le médecin a perdu ses parents, sa femme, ses enfants et des frères et sœurs. Seules deux de ses sœurs ont survécu, mais elles se trouvent dans un état très grave.

Les blessés sont pris en charge mais dans des conditions extrêmement difficiles. L’hôpital manque terriblement d’équipements et surtout de médicaments.

« Nous n’avons pas opéré de blessés sans anesthésie, mais nous avons dû pratiquer des anesthésies incomplètes, faute de produits », témoigne le médecin algérien.

La nourriture est disponible mais certains malades ont besoin d’aliments spécifiques introuvables en ce moment à Gaza. Enfin, l’hôpital manque terriblement de personnel.

La guerre a emporté nombre de médecins et d’infirmiers, morts ou emprisonnés. Libéré après plusieurs mois d’incarcération, un médecin qui a repris son poste à l’hôpital Nasser a raconté avoir subi des tortures pendant sa détention.

« Malgré les scènes insupportables, j’aurais aimé rester un peu plus longtemps à Gaza », assure Amina Kasmi qui n’a informé sa famille de tout cela qu’au moment de quitter la Jordanie, lorsqu’elle a appelé sa sœur, qui la croyait à l’extrême sud de l’Algérie, pour lui changer de réservation.

Rentrée en Algérie le 3 juillet, elle a été reçue avec beaucoup de joie par sa famille, notamment son père, « très fier » de ce qu’a pu accomplir sa fille.

Outre les images terribles de la guerre, des morts et des blessés, Amina garde l’image d’un peuple digne, qui affronte son sort avec courage.

« Il n’y a pas une famille qui ne compte pas de morts parmi ses membres, mais ce sont eux, les Palestiniens, qui consolent les médecins étrangers quand ils n’arrivent plus à supporter l’horreur. Ceux dont les maisons ont été détruites expriment tous la détermination d’y retourner », témoigne-t-elle.

@raad.184 عاجل: دخول وفد الأطباء الجزائريين إلى غزة بالقوة، رغم تهديد الدبابات الإسرائيلية. #عاجل #غزة #الجزائر🇩🇿 ♬ الصوت الأصلي – رعد – Raad

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