La diffusion d’une vidéo hostile au président Bouteflika, filmée au sein du Parlement européen, a provoqué des tensions diplomatiques entre l’Algérie et l’Union européenne, les autorités algériennes dénonçant « une vidéo offensante attentant à l’honneur et à la dignité des institutions de la République algérienne ».
La vidéo a été publiée ce jeudi sur les réseaux sociaux, notamment Facebook. Dans celle-ci, Layla Haddad, ex-journaliste de l’ENTV, s’adresse au président Bouteflika depuis le siège du Parlement européen où elle dénonce les « barons du régime dont fait partie votre propre frère ».
« Vous voilà assis sur une chaise roulante, le regard hagard et la bouche béante. M. Bouteflika, parler et comprendre sont devenus pour vous un exercice très difficile, voire impossible à mesure que votre maladie avance », déclare la journaliste. « Vous n’êtes plus qu’un amas de chair, immobile, exposé au monde en dépit du mépris de toute une nation », affirme Layla Haddad.
« Les barons du régime dont fait partie votre propre frère se sont arrogés le droit de disposer de vous. Ne les laissez plus vous soustraire à votre humanité », a appelé l’ancienne correspondante de l’ENTV. « Si minimes soient encore vos moments de conscience, vous ne devez plus tolérer d’être traité comme un objet », affirme Layla Haddad.
Les propos d’une grande virulence de la journaliste étaient passés relativement inaperçus sur les réseaux sociaux, et auraient pu continuer à demeurer ainsi n’eusse été la décision de la diplomatie algérienne de répliquer de manière officielle.
La première réaction a été le fait de l’ambassade d’Algérie à Bruxelles, où se trouve le siège du Parlement européen, qui a dénoncé ce samedi « énergiquement le détournement inacceptable des symboles de l’UE et de l’espace réservé par le Parlement européen aux journalistes professionnels ».
« À la suite de la publication, par une pseudo-journaliste d’origine algérienne, d’une vidéo offensante attentant à l’honneur et à la dignité des institutions de la République algérienne, l’ambassade a effectué ce jour des démarches officielles pressantes auprès des responsables de différentes instances de l’Union européenne (…) pour dénoncer énergiquement le détournement inacceptable des symboles de l’UE et de l’espace réservé par le Parlement européen aux journalistes professionnels », a indiqué l’ambassade dans un communiqué diffusé via l’agence officielle.
Les propos de la représentation diplomatique de l’Algérie à Bruxelles sont également virulents, puisque celle-ci regrette que des symboles de l’UE et un siège de l’une de ses institutions aient « servi de cadre à cette misérable mise en scène qui rentre dans le cadre de ‘la feuille de route’ de cet agent invétéré de la subversion et de la sédition ». L’ambassade d’Algérie à Bruxelles n’hésite également pas à avancer que l’ancienne journaliste de l’ENTV y a été congédiée à cause de son « incivisme », et n’hésite pas non plus à affirmer que Mme Haddad présente un « comportement bipolaire ».
L’indignation du gouvernement algérien ne s’arrêtera pas à la réaction de l’ambassade d’Algérie à Bruxelles, puisque le ministère des Affaires étrangères (MAE) a convoqué ce dimanche l’ambassadeur de l’Union européenne en Algérie, John O’Rourke.
Reçu par le secrétaire général du MAE Noureddine Ayadi, M. O’Rourke s’est vu signifier « l’indignation et la réprobation » de l’Algérie au fait que l’enregistrement ait été réalisé dans des installations officielles du Parlement européen utilisant ainsi et détournant abusivement des symboles de l’Union européenne pour porter gravement atteinte à l’honneur et à la dignité des institutions de la République algérienne ».
Le secrétaire général du MAE a dans ce cadre exprimé le vœu de l’Algérie « que l’Union européenne se démarque publiquement de cette manœuvre et demandé que des actions concrètes soient prises contre les agissements irresponsables de la contrevenante ».
Peine perdue. Le dimanche soir-même, l’ambassadeur de l’UE à Alger diffuse un message sur son compte Twitter dans lequel il réitère l’attachement de l’Union européenne aux principes de liberté d’expression et liberté des médias.
« Nous avons souligné aux autorités algériennes que les journalistes accrédités auprès des institutions européennes ne parlent pas au nom des institutions mais en leur propre nom, en ligne avec les principes de liberté d’expression et liberté des médias », a écrit John O’Rourke.
Face à cette fin de non-recevoir opposée par l’institution européenne à l’Algérie, l’interrogation demeure quant à la marge de manœuvre dont disposerait l’Algérie et quelle suite des événements pourrait donner la diplomatie algérienne à cette affaire. En attendant, la vidéo a déjà été visionnée plus de 5 millions de fois sur Facebook, selon Layla Haddad.
| LIRE AUSSI : Vidéo hostile à Bouteflika : Alger répond au tweet de l’ambassadeur de l’UE, veut une réponse de Bruxelles