Les récents événements de Tin Zaouatine sont venus rappeler l’amère situation que vivent les habitants du Sud et des régions frontalières particulièrement.
Cette bourgade de l’extrême sud, frontalière avec le Mali, a été le théâtre d’affrontements entre contestataires et forces de l’ordre qui se sont soldés par le décès d’un jeune, par des tirs d’origine inconnue, selon un communiqué de l’armée.
« Au moment où les éléments des Garde-frontières ont intervenu pour apaiser la situation, des coups de feu inconnus ont été ouverts depuis Ikhraben en direction des positions de nos Garde-frontières, ayant touché un individu parmi la foule, qui a été immédiatement évacué par les Garde-frontières pour être pris en charge par les services de santé, mais qui a succombé malheureusement à ses blessures », a affirmé le MDN, en annonçant l’ouverture d’une enquête « pour élucider les circonstances de cet incident ».
La veille, c’est la grande ville de Ouargla, pourtant riveraine des champs de pétrole qui font vivre le pays, qui a connu une marche imposante improvisée par les habitants d’un quartier pour réclamer des commodités et des projets de développement.
La manifestation s’est déroulée dans le calme, mais elle traduit la même détresse que celle exprimée violemment plus d’un millier de kilomètres plus au Sud.
À Tin-Zaouatine, pour calmer la situation, et après une réunion mardi soir entre des représentants de la population et les autorités locales, des mesures ont été prises dont « l’enlèvement définitif de la ligne de séparation » érigée à la frontière, et sa « substitution d’un rempart tout au long duquel seront disposées cinq portes afin de permettre aux personnes autorisées, notamment les éleveurs nomades, de le traverser en toute liberté », a indiqué à l’agence officielle Blaoui Aghali, membre de l’Assemblée populaire communale de Tin-Zaouatine.
Les deux parties ont convenu aussi de créer avant la fin de l’année en cours une zone de libre-échange qui tiendra lieu d’espace commercial pour les populations des deux côtés de la bande frontalière afin de satisfaire leurs besoins, dans les limites du cadre réglementaire régissant les zones de libre-échange, selon la même source.
Une situation complexe
La problématique du développement de ces régions est d’une telle complexité que tous les discours, les plans et programmes engagés depuis des décennies et même les actions concrètes n’ont pas permis de mettre les localités du Sud au même niveau que celles du Nord.
L’éloignement, l’enclavement et peut-être l’indifférence des médias et de l’opinion ont fait que la situation dramatique des bourgades frontalières est très peu connue.
Il a fallu par exemple qu’il y ait émeute et mort d’homme pour que les Algériens du Nord, qui, depuis une dizaine d’années, peuvent traverser le pays d’Est en Ouest en autoroute moderne sur 1200 kilomètres, découvrent que Tin Zaouatine n’est reliée par aucune voie de communication à Tamanrasset.
500 kilomètres de piste et 20 000 Da pour se rendre au chef-lieu de wilaya (et de daïra), cela dépasse l’entendement. Les chiffres livrés au lendemain des émeutes par un député de la région qui s’est exprimé dans le quotidien Liberté traduisent l’ampleur du calvaire.
L’immensité du territoire et l’éloignement des localités entre elles constituent un handicap sérieux pour le développement des régions du Sud et réduisent la portée des programmes dégagés, aussi colossaux soient-ils.
Une enveloppe d’un milliard de dollars a par exemple juste suffi pour alimenter la ville de Tamanrasset en eau, via un transfert à partir de Aïn Salah sur 700 kilomètres.
Pour désenclaver Tin Zaouatine, 14 000 habitants seulement, il faut une route de 500 kilomètres, dans une région où les coûts de construction sont plus élevés qu’ailleurs et il faudra refaire l’opération pour toutes les bourgades, tous les villages, distants de dizaines ou de centaines de kilomètres les uns des autres.
Les limites de la centralisation
À la décharge de l’État, même s’il est tenu d’assumer ses responsabilité vis-à-vis de chaque portion du territoire, il est vrai qu’il est difficile et extrêmement coûteux de faire en sorte que les villes éloignées du Sud puissent atteindre le même niveau de développement que celles du Nord.
Il est aussi illusoire de compter sur le privé pour aller installer des usines dans ces régions où même les marchés publics, que l’on s’arrache ailleurs, trouvent rarement preneur.
Mais ces régions sont aussi victimes de la politique de centralisation à outrance qui ne prend que très peu en compte les spécificités de chaque zone. À Tin Zaouatine, les contestataires n’ont réclamé ni route ni usine, juste qu’on ne les prive pas de leur ultime moyen de subsistance, les petits échanges avec leurs voisins maliens à travers la frontière.
Les autorités ont le devoir de sécuriser et de contrôler la frontière, a fortiori dans une conjoncture d’instabilité de beaucoup de pays de la région, mais ont aussi celui d’offrir des alternatives et des opportunités aux habitants dont le mode de vie, les pratiques et les activités sont spécifiques.