Le projet de libéralisation des conditions d’installation et de l’exercice de la pharmacie, qui a été annoncé jeudi par le ministre de la Santé, ne plait pas à la profession, les opérateurs en pharmacie et les distributeurs.
Une grève nationale est prévue pour le 28 février à l’appel du Syndicat national des pharmaciens d’officine (SNAPO), soutenu par le Syndicat des pharmaciens algériens agréés (SNPAA) et le Conseil de l’ordre des pharmaciens.
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L’objet de la colère des pharmaciens d’officine tient à l’intention prêtée au ministre de vouloir « saturer » les prestations pharmaceutiques en donnant la possibilité à tous les diplômés en pharmacie d’ouvrir une officine. Les syndicats des pharmaciens d’officine affirment que l’offre est déjà suffisante et qu’il n’y a pas lieu de mettre davantage en difficulté la profession.
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Deux organismes ont apporté leur soutien à l’initiative des pharmaciens d’officine, en l’occurrence, l’Association des distributeurs pharmaceutiques algériens (ADPHA) et l’Union nationale des opérateurs de la pharmacie (UNOP).
L’ADPHA dénonce un projet d’ « atomisation » des pharmacies d’officine
Dans un communiqué, l’ADPHA s’émeut du projet porté par le ministre de la Santé pour « mettre fin à la régulation de la répartition géographique et selon la densité de la population des pharmacies d’officine » en Algérie.
« Ce système, à notre sens, est indispensable pour réguler l’installation des pharmacies d’officine à travers le territoire national assurant ainsi la proximité et l’accessibilité des citoyens aux produits pharmaceutiques », clame l’ADPHA prévenant que le projet d’ « atomisation » des pharmacies d’officine conduira inévitablement « à une concentration au niveau des grandes villes et à la désertification des zones enclavées et ne réglera en aucune manière la question de l’emploi des jeunes pharmaciens ».
« Ce nouveau modèle qui a montré ses limites dans les pays où il a été utilisé a conduit à l’augmentation de l’automédication et de la consommation des produits pharmaceutiques, ce qui va à l’encontre des objectifs de politique de santé publique », met encore en garde l’association.
Selon elle, les problèmes de disponibilité vont s’aggraver avec la multiplicité des pharmacies d’officine qui vont en être économiquement « plus fragilisées » et les jeunes pharmaciens fraîchement installés « seront promis à la faillite car n’ayant plus un bassin de population à desservir ».
L’Union nationale des opérateurs de la pharmacie (UNOP) n’est pas en reste et s’inquiète de la volonté de mettre fin au système de numérus clausus encadrant jusque-là la procédure d’installation de pharmacies d’officines en Algérie.
« Le dispositif actuel, faut-il le rappeler, est une pièce-maîtresse de notre système de santé en ce sens qu’en régulant la couverture de tous les points du territoire national par le réseau des pharmacies d’officines, l’on s’assure avant tout que le produit pharmaceutique soit aussi rapproché que possible et aisément accessible pour tous nos concitoyens », lit-on dans le communiqué publié par l’UNOP.
Si ce dispositif, en soi, pourrait être géré plus efficacement et avec nettement plus de transparence, « sa suppression pure et simple n’améliorera en rien la couverture géographique et n’apportera aucune valeur ajoutée substantielle pour les patients », prévient l’association présidée par le Dr Abdelouahed Kerrar.
La suppression du dispositif « se traduira par une forme de concurrence désordonnée et néfaste dont pâtiront, à terme, aussi bien les pharmacies d’officines que les citoyens », ajoute l’UNOP qui s’interroge « s’il est raisonnable que, pour faire face aux erreurs de planification de la formation de nos pharmaciens, l’on en vienne à déstabiliser le modèle économique de toute une filière sensible ».
« Erreurs de planification »
Pour l’UNOP, le réseau des pharmacies d’officines « a été depuis toujours, et demeure encore, un soutien de tout premier plan pour la généralisation de l’usage du générique et pour le développement de la production nationale de produits pharmaceutiques ».
L’association apporte son soutien « plein et entier » à la position exprimée à ce sujet par le SNAPO. « Nous avons conscience que la dispensation du médicament n’est pas réductible à son aspect strictement commercial ; elle reste au premier chef une activité de service public, comme le confirment par ailleurs les textes juridiques qui l’encadrent et qui en font une activité étroitement réglementée », fait observer l’UNOP.
L’ADPHA et l’UNOP s’accordent sur le fait qu’en cette période particulière marquée par la pandémie de Covid-19, il y a lieu de faire de sagesse, de concertation et de responsabilités.
« Il convient d’éviter toute mesure intempestive qui risquerait de se traduire par des dérèglements durables et en profondeur du paysage pharmaceutique national », met en garde l’UNOP. L’Association des distributeurs pharmaceutiques exprime, quant à elle, son inquiétude face à ce « bouleversement prévisible » du marché pharmaceutique avec ses conséquences sur les différents maillons de la chaîne pharmaceutique.