En France, où la question de l’immigration est un sujet bien épineux, même les couples binationaux sont confrontés à des situations administratives préoccupantes aux conséquences dramatiques.
En raison de blocages administratifs répétés, les personnes légalement immigrées se retrouvent en situation d’irrégularité, un calvaire perpétuel lié à la complexité des démarches d’obtention ou de renouvellement de titre de séjour.
Les témoignages sur le sujet ne manquent pas, en voici un qui illustre la précarité dans laquelle sont plongés de nombreux couples vivant en France.
Couples binationaux en France : un parcours légal jusqu’à un blocage administratif
Du statut régulier à l’inquiétude administrative, il n’y a qu’un pas, et ça, Gabriella et Andrew l’ont bien compris. Ce couple franco-nigérian, établi en France, a rapidement été confronté à la réalité des démarches bureaucratiques françaises.
Dans un témoignage, le couple révèle s’être marié au Nigéria en 2020. En 2021, Andrew rejoint la France avec un visa de conjoint de Française, lequel visa sera converti en titre de séjour d’un an.
Depuis, il a toujours été en régularité, renouvelant son titre de séjour chaque année lors des rendez-vous à la préfecture. « Au dépôt du dossier, on nous donnait un récépissé et nous n’avions ainsi pas de problème concernant son travail ou ses droits », affirme sa conjointe, Gabriella.
Cette dernière décrit un parcours d’intégration réussi, avec des cours de français à l’OFII et un emploi en CDI dans l’hôtellerie, un secteur en tension touché par le manque de main d’œuvre. Jusque-là, Andrew semblait avoir franchi toutes les étapes administratives nécessaires afin de s’installer durablement en France.
La situation s’est toutefois brutalement compliquée en 2024, à la veille des Jeux Olympiques de Paris. À présent que la demande de renouvellement de titre de séjour doit se faire en ligne, sur le site de l’ANEF, son droit de séjour a été mis en péril à cause d’un retard dans la gestion de son dossier.
Un engrenage administratif qui mène à l’illégalité
Anticipant l’échéance de juin 2024, le couple dépose une demande de renouvellement de titre de séjour via la plateforme de l’ANEF trois mois et demi à l’avance. Mais leur dossier ne sera pas traité à temps, en dépit de cette préparation minutieuse.
Gabriella témoigne : « J’appelle l’ANEF qui me dit que tant que le dossier est toujours en dépôt et non en instruction, il n’est pas possible d’obtenir une attestation de prolongation de son titre de séjour ».
L’absence d’attestation de prolongation de séjour peut valoir à Andrew de perdre son emploi. Le couple fait donc appel à un avocat, pour un coût de 800 €, afin d’obtenir une prolongation : « Nous l’avons payé 800 € et nous avons obtenu une attestation de prolongation de 3 mois, avec une prise en charge par l’État des frais d’avocat de 300 € ».
Sans l’intervention de l’avocat, « il aurait perdu son travail et serait depuis juin en illégalité sur le territoire ». Une situation que subissent fréquemment les travailleurs étrangers en France, vulnérables face aux retards administratifs.
« Hors la loi » pendant les Jeux Olympiques de Paris 2024
L’attestation de prolongation obtenue après des démarches judiciaires n’a cependant pas suffi à éviter une période d’irrégularité. Pendant un mois, en plein Jeux Olympiques, le Nigérian a travaillé sans papiers, un risque que son employeur a dû prendre en raison de la pénurie de personnel dans le secteur de l’hôtellerie.
« Pendant un mois, mon mari s’est retrouvé hors la loi sur le territoire français. Il était terrorisé à l’idée de se faire contrôler », confie Gabriella sur l’espace de libre expression des abonnés de Mediapart, décrivant ainsi une situation qui n’a pu être évitée, malgré des courriels adressés à l’ex-Premier ministre Gabriel Attal.
Le couple a finalement obtenu un récépissé temporaire qui expire ce 22 octobre. Leur bataille administrative est loin d’être terminée, car à l’instar de nombreux autres couples binationaux en France, ils restent dans l’incertitude quant à la suite de la procédure.
« Voilà ce qui se passe pour mon mari, ses collègues, et beaucoup de personnes en France qui se retrouvent en attente d’un récépissé ou d’une attestation de prolongation qu’on ne leur délivre pas, en attendant que leur dossier soit « en instruction » », conclut Gabriella.
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