Société

Titres de séjour : voici comment les préfectures compliquent les démarches

En France, le gouvernement veut « rendre la vie impossible » aux sans-papiers. Mais dans les faits, cela s’applique aussi aux  étrangers en situation régulière, à n’en juger que par les complications qu’ils rencontrent lors des demandes ou de renouvellement de leurs titres de séjour.

Les cas d’étrangers en situation régulière, qui se retrouvent du jour au lendemain sans papiers, sont de plus en plus nombreux. La dématérialisation des démarches de demandes et de renouvellement des titres de séjour n’a fait qu’empirer les choses, déjà peu faciles pour les étrangers.

Bien que les longues files d’attente aient disparu devant les préfectures, elles existent toujours. Elles sont simplement devenues invisibles. Ces files d’attente « sont en réalité beaucoup plus longues derrière les écrans », indique Chloé Tinguy, chargée de projets migrants de l’association Secours catholique, citée ce lundi 20 mai par le magazine Alternatives Économiques.

Titres de séjour : les étrangers face à de nombreuses difficultés « contraires à la loi »

Déployées à grande échelle durant le Covid-19, les démarches en ligne rendent l’accès aux rendez-vous encore plus difficile. Résultat : les étrangers souhaitant déposer une première demande ou renouveler un titre de séjour doivent veiller des nuits entières pour trouver un créneau ou, parfois, payer des intermédiaires.

Dans certains départements, un véritable business des rendez-vous en Préfecture s’est développé, avec son lot d’arnaques.

Selon les estimations du Secours catholique, une association dont le principal objectif est de promouvoir la justice sociale, la durée moyenne pour l’obtention d’un titre de séjour en Ile-de-France (Paris et sa région) est de deux ans. Dans certaines préfectures, comme Créteil, Bobigny et Évry, les délais peuvent aller jusqu’à trois ou quatre ans.

Durant toute cette période d’attente, l’étranger se retrouve sans papiers, n’ayant donc pas accès au travail et même au logement. Cet inconfort intervient au moment où l’on « criminalise les sans-papiers », déplore la chargée des migrants au Secours catholique.

D’un point de vue légal, la loi (circulaire Valls de novembre 2012) permet toujours les régularisations au titre de la vie privée et familiale, touchant plusieurs catégories, dont les parents d’enfants scolarisés, les conjoints de personnes en situation régulière et les étrangers en longue ancienneté de séjour.

Les étrangers titulaires d’un CDD ou CDI ouvrent également droit au titre de séjour. Mais sur le terrain, l’application de cette loi reste souvent restrictive et soumise à d’autres exigences des préfets, notamment des preuves d’une présence de plusieurs années sur le territoire français.

« Pour les étrangers, la France n’est plus un État de droit »

Cependant, un avis d’imposition sans revenus « ne suffit pas pour attester de la présence continue en France, alors que beaucoup de migrants sont payés sans être déclarés », explique Alexandre Moreau, un juriste, cité par le même magazine.

Sous la pression d’associations et d’ONG, les autorités ont décidé en juin 2022 qu’en cas de difficulté de formuler la demande en ligne, l’intéressé peut envoyer sa demande de titre de séjour par poste. Une autre décision prévoit aussi des modalités de dépôt alternatives.

Toutefois, la plupart des préfectures n’appliquent pas ces mesures, persistant ainsi dans l’illégalité. De plus, l’obligation de délivrer des récépissés, nécessaires pour travailler légalement, n’est pas respectée.

Pour le même juriste, qui qualifie l’administration française « de délinquante », plusieurs préfectures n’acceptent pas les boîtes postales comme adresse. Il est donc difficile pour les demandeurs de recevoir, au moins, leurs réponses.

En conclusion, le juriste et directeur adjoint de l’association Droits d’urgence, Alexandre Moreau, persiste et signe : « Pour les étrangers, la France n’est plus un État de droit ».

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